POLITIQUELes discours de politique générale, ces moments d’histoire française

Les discours de politique générale, ces moments d’histoire française

POLITIQUEManuel Valls va être le 21e Premier ministre de la Ve République à prononcer son discours de politique générale devant l'Assemblée...
Enora Ollivier

Enora Ollivier

Elles sont réputées longues et ennuyeuses — en 1993, le discours d’Edouard Balladur a duré presque deux heures! - et pourtant les déclarations de politique générale sont des moments capitaux pour le Premier ministre qui a là l’occasion de dresser sa feuille de route. Et, éventuellement, d’imprimer sa marque dans l’histoire. Petit retour en arrière, alors que Manuel Valls va être ce mardi le 21e Premier ministre à tenir son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale.

Michel Debré – Janvier 1959: Institutions et Algérie

Moins de quatre mois après le référendum de 1958, Michel Debré, le premier Premier ministre de la Ve République prononce son discours de politique générale à l’Assemblée. Il salue la mise en place de nouvelles institutions mais s’attarde surtout sur le dossier qui est la «priorité absolue»: l’Algérie. Alors que l’Algérie française est en proie à une guerre d’indépendance depuis 1954, Michel Debré vante une France «au-delà de ses frontières métropolitaines» et qualifie de «tragédie» la possibilité que «la Méditerranée redevienne une frontière entre deux mondes». Trois ans plus tard surviendront pourtant les accords d’Evian, qui amorceront l’indépendance de l’Algérie.

Jacques Chaban-Delmas – Septembre 1969: Une esquisse de la «nouvelle société»

Après le référendum qui a provoqué le départ du pouvoir du Général de Gaulle, en avril 1969, place à un nouveau pouvoir: Georges Pompidou est Président, et Jacques Chaban-Delmas son Premier ministre. En septembre, le chef du gouvernement clame son discours de politique générale à la tribune de l’Assemblée – une déclaration peu appréciée par Pompidou qui lui trouve une dimension un peu trop présidentielle. «J’ai la conviction que nous entrons dans une époque nouvelle, où de grands changements sont possibles», lance-t-il, avant de vanter l’avènement d’une «nouvelle société», qu’il voit «prospère, jeune, généreuse et libérée».



Pierre Mauroy – Juillet 1981: Nationalisations, solidarité et réduction du temps de travail

Deux mois après l’élection de Mitterrand et l’arrivée de la gauche au pouvoir, Pierre Mauroy évoque dans son discours de politique générale de grands changements à venir. L’accent est mis sur la «solidarité nationale», au coeur de la politique pour l’emploi, avec de «grandes réformes de structures, l’extension du secteur public, la décentralisation et un nouveau partage du travail». De grandes nationalisations sont annoncées: Dassault, Matra, la sidérurgie avec Usinor et Sacilor, l’industrie avec la Compagnie générale d’électricité, Rhône-Poulenc ou encore Saint-Gobain. Le Premier ministre évoque aussi la «réduction du temps de travail» - une réforme qui sera mise en œuvre près de vingt ans plus tard sous Jospin.



Jacques Chirac – Avril 1986: Le retour des privatisations

En 1986, la défaite de la gauche aux législatives entraîne pour la première fois dans l’histoire de la Ve République une cohabitation. Nommé Premier ministre pour la seconde fois, Jacques Chirac donne un discours axé sur l’économie et le chômage, après cinq ans de gauche au pouvoir et de «détérioration des finances publiques». Le président du RPR dresse son plan de libéralisation de l’économie, qui passe par des privatisations. Sous le gouvernement Chirac, Saint-Gobain, TFI, Matra ou encore Suez deviendront privés.



Michel Rocard – Juin 1988: Le rêve

Après la présidentielle gagnée par François Mitterrand, la gauche retrouve la majorité à l’Assemblée et Michel Rocard est nommé à Matignon. Le Premier ministre imprime son style dès sa déclaration de politique générale en évoquant son «rêve». «Je rêve d’un pays où l’on se parle à nouveau […] Je rêve tout simplement d’un pays ambitieux où tous les habitants redécouvrent le sens du dialogue, et pourquoi pas de la fête et de la liberté!». Le Premier ministre parle du quotidien des Français, évoque l’urbanisme, «la modération de la hausse des loyers», les «réparations des ascenseurs», la peinture des salles de classe, et esquisse la notion de police de proximité.



Pierre Bérégovoy — Avril 1992: Sus à la corruption

Nommé à Matignon en remplacement d’Edith Cresson, Pierre Bérégovoy tape fort lors de son discours de politique générale. Il pointe les trois «fléaux» qui «démoralisent la société française»: l’insécurité, le chômage et la corruption. «J’entends vider l’abcès de la corruption», martèle-t-il avant de menacer, document à la main, de divulguer une liste de noms de personnalités ne respectant pas les règles de financement des activités politiques. S’il n’en fait rien, il met en garde: «Le gouvernement sera impitoyable».



Jean-Pierre Raffarin — Juillet 2002: «Notre route est droite mais la pente est forte»

C’est la mère des «raffarinades». Arrivé à Matignon après la réélection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen, Jean-Pierre Raffarin évoque dans sa déclaration l’état des finances publiques et la nécessité de se retrouver autour des «valeurs républicaines». «Dans cette situation, notre route est droite mais la pente est forte», note le Premier ministre dans une de ces formules dont il a le secret.



Jean-Marc Ayrault — Juillet 2012: Une imposition plus juste

Le discours a été jugé long, terne. Pendant 1h40, le Premier ministre parle des priorités de son gouvernement: la croissance sans austérité, une meilleure maîtrise des dépenses publiques, de nouvelles règles en matières d’impôts avec notamment des niches fiscales plafonnées mais aussi une imposition à 75 % pour les revenus annuels supérieurs à un million d’euros, promesse de campagne de François Hollande. Mais la déclaration de Jean-Marc Ayrault est surtout marquée par un événement extérieur: un député socialiste fait un malaise en plein discours, obligeant le Premier ministre à s'interrompre, le temps que des huissiers amènent un brancard et que le parlemetaire retrouve ses esprits.