Transparence: Les zones d’ombre de la déclaration de Copé
POLITIQUE•Comptabilité des partis, aides publiques à la presse… Le président de l’UMP s’est parfois contredit lors de sa déclaration de ce lundi…Enora Ollivier
«J’ai décidé de prendre au mot les donneurs de leçons de la meilleure manière, en faisant miens les objectifs de transparence et de démocratie.» Rageur, Jean-François Copé a contre-attaqué ce lundi après l’enquête du Point le soupçonnant d’avoir favorisé deux proches pendant la campagne présidentielle, avec l’argent de l’UMP. Mais alors que l’auditoire était suspendu à une annonce qu’il annonçait «éclatante», le responsable de l’opposition n’a finalement pas donné de réponses sur les accusations du Point. 20 Minutes fait le tour de ses déclarations.
Ce qu’il a dit: «L’UMP est déterminée à mettre à disposition l’intégralité de sa comptabilité»
Jean-François Copé évoque «les pièces comptables, les factures et autres justificatifs de toutes les dépenses, toutes les recettes (de l’UMP)» qui pourraient être publiées. Serait concernée la comptabilité du parti depuis 2007, et comprendrait donc les deux précédentes campagnes présidentielles. Mais, a-t-il ajouté, cette transparence doit «s’imposer à tous les acteurs de la vie politique et à tous ceux qui bénéficient de larges subventions publiques».
Sauf que: Les comptes de campagne sont déjà transmis à une Autorité administrative indépendante
C’est la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui reçoit ces données, depuis 1990. La CNCCFP contrôle la comptabilité des partis lors des campagnes, mais aussi le financement des formations, et publie un compte-rendu chaque année au Journal officiel. Les documents qu’elle reçoit sont conservés et consultables sur demande, rappelle Le Monde, qui a reproduit des factures anonymisées.
En revanche: Les justificatifs des comptes des partis hors campagne ne sont pas publics
La CNFFFP dit d’elle-même qu’elle n’est pas «le juge des comptes» des partis politiques. La Commission n’a en effet «pas d’accès direct aux comptes ni aux pièces justificatives qui les accompagnent», la compétence de certification des comptabilités relevant de commissaires aux comptes. Mais la CNFFFP récupère les chiffres, s’assure du respect par les partis de leur obligation de dépôt des comptes, et les sanctionne, le cas échéant. Les «données comptables» sont donc déjà disponibles, comme le relève Cécile Duflot.
« Bon, il a totalement perdu ses nerfs mais en prime les données comptables des partis politiques sont DEJÀ là : http://t.co/1Y6NoLR40b — Cécile Duflot (@CecileDuflot) March 3, 2014 »
Mais Jean-François Copé veut aller plus loin. Il propose que les partis qui disposent de représentants à l’Assemblée, au Sénat et au Parlement européen «mettent à disposition de ceux qui le souhaitent l’ensemble des documents comptables» de leur formation. C’est là une nouveauté.
Ce qu’il a dit: «Que les principaux dirigeants et salariés des groupes de presse qui utilisent des fonds publics soient soumis aux mêmes règles de déclaration d’intérêt et de patrimoine que celles des parlementaires»
Jean-François Copé veut déposer à la reprise des travaux parlementaires une seconde proposition de loi qui obligerait à la transparence les dirigeants d’organes de presse qui bénéficient d’aides ou subventions publiques. Il propose d’appliquer aux responsables de ces groupes –mais pas aux journalistes, a précisé son entourage par la suite– les mêmes règles auxquelles sont soumis les parlementaires, à savoir une déclaration de patrimoine consultable en préfecture et une déclaration d’intérêts.
Sauf que: La transparence est déjà en œuvre pour les aides publiques à la presse
Copé semble soupçonner les organes de presse de ne pas jouer la carte de la transparence avec les aides publiques. Mais le ministère de la Culture a publié en décembre 2013 sur le site data.gouv.fr la liste des 200 titres les plus aidés par l’Etat. A noter par ailleurs que des journaux appliquent une certaine transparence, à leur propre initiative: Le Canard enchaîné publie tous les ans ses comptes dans ses pages tandis que les dirigeants du Monde doivent donner une déclaration d’intérêts.
Sans oublier que: Jean-François Copé était opposé aux règles de transparence imposées aux parlementaires
Jean-François Copé s’est opposé –comme beaucoup de parlementaires UMP– en 2013 à la loi sur la transparence de la vie publique née de l’affaire Cahuzac. En 2010, il avait même, avec Christian Jabob, défendu un amendement qui supprimait la possibilité de sanctions pénales pour les députés auteurs d’une déclaration de patrimoine mensongère.
Ce qu’il a dit: Il faut «instaurer une véritable exigence de transparence qui ne soit ni sélective, ni à géométrie variable, ni le fruit de calculs qui confinent parfois au coup monté»
C’est la nouvelle ligne de Copé: «Transparence» et «démocratie». Des mots qu’il a martelés lors de son allocution ce lundi matin.
Sauf que: Jean-François Copé vilipendait cette même transparence il y a un an
«Je ne concours pas à ce concours de voyeurisme et d’hypocrisie», répondait le président de l’UMP en avril 2013 quand on lui demandait pourquoi il ne rendait pas public son patrimoine.
Il évoquait alors un «écran de fumée» pour «faire oublier une affaire qui n’a rien à voir» [l’affaire Cahuzac]. Toute ressemblance avec des faits actuels ne saurait être que fortuite.