Comment les jeunes femmes parlent-elles de sexe et de désir ? Entretien avec la réalisatrice de « Mon nom est clitoris », Daphné Leblond
PODCAST•Dans notre podcast « Tout Sexplique » nous évoquons cette semaine la difficulté de parler librement de sexualité sans être étiquetée lorsqu'on est une jeune femmeAnne-Laëtitia Béraud
C’est vendredi et c’est le jour de « Tout Sexplique », le rendez-vous sexualité et société de notre podcast « Minute Papillon ! ». Aujourd’hui, nous évoquons la difficulté, pour des jeunes femmes, de parler librement de sexualité sans être étiquetée cochonne ou frigide. Si la sexualité féminine n’est plus un tabou, pourquoi les mots y faisant référence sont perçus comme vulgaires ou enfantins lorsqu’ils sont employés par des jeunes femmes ou des ados ? Et, en se gardant bien de généraliser, pourquoi certaines femmes ont-elles tant de mal à parler de ce qui les fait jouir ?
La libération de la parole est pourtant essentielle pour nommer des nouveaux concepts ou les nouvelles orientations sexuelles, mais aussi pour sortir des injonctions autour des poils, de la forme des vulves ou celle des tétons.
Nommer pour faire exister
Dans cet épisode, nous échangerons avec Daphné Leblond, coréalisatrice de Mon nom est clitoris, prix du meilleur documentaire aux Magritte du Cinéma 2020. Dans ce docu, une douzaine d’adolescentes et de jeunes femmes racontent, face caméra, chez elles, leur sexualité, leur corps, leurs désirs, leurs questions et incertitudes. Qu’elles soient à Paris, à Bruxelles ou en Bretagne, toutes revendiquent le droit des femmes à une éducation sexuelle informée, délivrée des contraintes et du jugement.
Daphné Leblond souligne l’importance de savoir nommer les choses : « Nommer, c’est le faire exister (…) dans l’esprit comme dans le corps, dans la pensée comme dans la sensation. A l’inverse, beaucoup de personnes n’ont pas ces mots de plaisir de désir, d’envie, de certaines sensations (…) et donc ne les sentent pas, ne savent pas ce que c’est ». Alors pourquoi les mots manquent-ils ? « Ces mots n’existent pas ou peu dans la transmission des parents aux enfants. Ils ont l’air un peu interdits, honteux, sales. Ces mots n’existent que très peu à l’école. (…) Quand on n’a pas de mots, on se réfère à quelque chose qu’on appelle très faussement l’instinct. Mais l’instinct, c’est juste la norme à l’état pur. C’est-à-dire que si l’on ne peut pas discuter avec quelqu’un de ce que l’on va faire, on va simplement se laisser entraîner dans une reproduction d’habitudes, d’idées reçues qui ne sont que des reproductions de normes sociales », répond Daphné Leblond.
« Une vraie révolution »
A propos des normes, des injonctions sur le corps et la sexualité féminine, la jeune réalisatrice estime que « le fait de pouvoir mettre des mots personnels sur des choses permet d’exprimer sa différence de la norme ». Elle déplore enfin qu’avec la libération de la parole sur le sexe survienne un retour des injonctions. Daphné Leblond espère qu’avec ce documentaire, « chaque femme s’emparera individuellement du sujet, et verra ce qui est possible de faire à son échelle ». Et la réalisatrice de conclure : « Ce que nous souhaitons, c’est une vraie révolution. »