a la sourceFace à la sécheresse, c’est chaud pour les cinq fleuves français

Sécheresse : De la Loire au Rhône, « les signaux sont déjà au rouge » pour les fleuves français

a la sourceSelon une étude révélée vendredi 3 mars, le débit du Rhône, qui est déjà en baisse, va continuer de diminuer durant les trente prochaines années
F.B ; H.M ; A.L ; G.V et E.M

F.B ; H.M ; A.L ; G.V et E.M

L'essentiel

  • A Lyon vendredi dernier, à Strasbourg ce lundi… Les préfectures font le point sur leurs fleuves en ce début du mois de mars. Un Rhône qui n’est pas « inépuisable », selon l’agence de l’eau qui vient de publier une nouvelle étude sur les débits du « fleuve le plus puissant de France ».
  • Concernant le Rhône, les débits estivaux moyens ont déjà diminué de 7 % à la sortie du Léman, notamment. Et les projections climatiques d’ici à 2050 laissent présager une baisse de l’ordre de 20 % supplémentaires des débits moyens d’été à Beaucaire, en Carmague.
  • À l’occasion de la sortie de cette nouvelle étude de l’agence de l’eau, 20 Minutes dresse l’état des lieux des débits des cinq grands fleuves de France : spoiler, ils sont majoritairement en baisse sous l’effet du changement climatique.

A Lyon vendredi dernier, à Strasbourg ce lundi. Les préfectures font le point sur leurs fleuves en ce début du mois de mars. Un Rhône qui n’est pas « inépuisable », selon l’agence de l’eau qui vient de publier une nouvelle étude sur les débits du « fleuve le plus puissant de France ». Il offre actuellement une ressource en eau relativement abondante. Reste qu’avec le changement climatique, l’évolution des débits du fleuve à l’horizon 2050 devient une préoccupation collective. Collective au point que les rédactions de 20 Minutes, à Paris, Nantes, Toulouse, Strasbourg ont rejoint celle de Lyon pour faire le point sur les réserves de nos cinq grands fleuves.

Etat des lieux de La Seine, la Loire, la Garonne, du Rhin… et du Rhône pour qui les projections climatiques estiment une baisse de l’ordre de 20 % supplémentaires des débits moyens d’été à Beaucaire, en Camargue.

Pour la Garonne, une situation « préoccupante »

Jeudi dernier, à Lamagistère près d’Agen, le débit de la Garonne aval était de quelque 250 m³/seconde. Une valeur qui serait classique début septembre, à la fin d’un été torride. Mais pour un début de mois de mars, « on est tout simplement dans les débits les plus bas jamais enregistrés sur les trente dernières années », souligne Bernard Leroy, responsable de la gestion d’étiage au Syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne (Smeag). Avec « deux à trois fois moins d’eau » que d’habitude selon les méandres du fleuve, le spécialiste juge la situation d’ores et déjà « préoccupante ». Même s’il peut encore neiger sur les Pyrénées, ou pleuvoir beaucoup en plaine, « cette pluie ne va pas pouvoir rentrer complètement dans le sol ». Cette aridité hivernale arrive alors que les stocks d’eau dans les barrages, déjà très sollicités à l’été 2022, sont eux aussi anormalement bas. En Haute-Garonne par exemple, les barrages n’étaient remplis qu’à 30 %, il y a trois semaines.

Côté Rhône, « il est temps de prendre les bonnes décisions »

« Le fleuve du Rhône, même s’il est le plus puissant de France, n’est pas inépuisable. Il est déjà touché par le changement climatique », a lâché Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée, vendredi dernier en présentant une étude sur les débits du fleuve, commandée il y a deux ans. Sur la période 1960-2020, la température de l’air a augmenté d’1,8°C, la quantité de neige a diminué de 10 % et les sols s’assèchent davantage. « En conséquence, les débits d’étiage du Rhône ont diminué de 7 %, à la sortie du Léman, à 13 % à Beaucaire ces soixante dernières années », a détaillé Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. A l’horizon 2055, selon les estimations, les débits du Rhône pourraient encore baisser d’environ 20 % en plein été. Et les prédictions pour 2100 sont plus préoccupantes si les glaciers des Alpes venaient à disparaître. Plus de 60 % des débits du Rhône proviennent de la fonte de ces glaces.


L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

« Parce que nous sommes dans des conditions où nous avons encore de la chance, il est temps de prendre les bonnes décisions », a alerté l’agence de l’eau. Economiser l’eau, réalimenter les sols en les désimperméabilisant, substituer certains affluents et stocker l’eau en période de surabondance, etc. L’institution préconise une soixantaine de mesures à mettre en place dès à présent. « Tous les signaux sont déjà au rouge concernant l’hydrologie, rappelle Marie-Hélène Gravier, cheffe du service eau à la Dreal. Cette année 2023 s’annonce déjà préoccupante avec le niveau le plus bas d’enneigement depuis quinze ans et un déficit pluviométrique de 75 % à certains endroits du bassin Rhône-Méditerranée ».

Pour la Seine, « on n’avait pas vu ça depuis 1989 »

Trente-et-un jours sans précipitations depuis le 21 janvier… Le bassin de la Seine a soif, et connaît un déficit pluviométrique important, selon la préfecture d’Ile-de-France. En conséquence, la situation des cours d’eau et des lacs est « inhabituelle pour un mois de février », selon les autorités : « En ce moment, la Seine dans Paris coule à 150 m3 par seconde contre des moyennes en février-mars à 540 m3/seconde. » Et l’indice d’humidité des sols est en déficit de 30 % environ par rapport aux normales de saison sur l’ensemble du bassin Seine-Normandie. « On a une sécheresse d’hiver très atypique, on n’avait pas vu ça depuis 1989 », commente Vazken Andréassian, hydrologue et directeur d’une unité de recherche de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae). Le préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie doit réunir prochainement les 28 préfets du bassin pour prendre des mesures appropriées.


« Cette année 2023 s’annonce déjà préoccupante avec le niveau le plus bas d’enneigement depuis quinze ans et un déficit pluviométrique de 75 % à certains endroits du bassin Rhône-Méditerranée. »


La Seine souffre-t-elle des effets du changement climatique ? L’étude ClimAware réunissant plusieurs instituts de recherche avait montré en 2014 un très fort impact du débit de la Seine à l’horizon 2050, mais des résultats intermédiaires récents ont tendance à dire que la moyenne ne changerait pas, car les cours d’eau seraient plus humides en hiver et plus secs en été. « Cela reste à confirmer d’ici la fin de l’année », explique Vazken Andréassian. En revanche, on va bien « vers des sécheresses plus longues l’été », explique l’expert. Pour faire face à cette situation, l’agence de l’eau Seine-Normandie a d’ores et déjà consacré 18 millions d’euros à des projets « accélérant la résilience des territoires face au changement climatique ».

La Loire craint une « situation critique » cet été

Le plus long fleuve de France avait déjà souffert l’été dernier d’un manque d’eau spectaculaire, notamment entre Angers et Nantes. Moins de six mois plus tard, l’inquiétude est de nouveau de mise pour la Loire. Au 1er mars, son débit affichait 390 m3/seconde à la station référence de Montjean-sur-Loire, soit quatre fois moins qu’un débit moyen à la même époque. L’équivalent, grosso modo, d’un début d’été. « C’est une situation exceptionnelle à cette date, confirme Stéphane Marlette, chef de la division hydrologie à la Dreal des Pays-de-la-Loire. Il faut remonter à loin pour trouver des relevés comparables, peut-être aux années 1940. Les années 2019 et 2022 étaient, elles aussi, particulièrement déficitaires, mais le débit d’aujourd’hui est encore plus bas. »

Les principaux affluents de la Loire, notamment le Cher, la Sarthe, la Mayenne et l’Erdre affichent, eux aussi, un niveau anormalement bas. « Si la tendance ne s’améliore pas, on va vers une situation critique cet été », estime Simon Lery, directeur du GIP Loire Estuaire, chargé du suivi du fleuve. Les conséquences seraient importantes pour la faune, mais aussi pour l’homme, des stations de captation d’eau potable pouvant être contraintes à l’arrêt. On n’en est toutefois pas encore là. « Le débit peut repartir à la hausse et retrouver une situation tout à fait normale avec des épisodes pluvieux fournis au printemps, rappelle Simon Lery. Ça s’est déjà vu, notamment en 2017. »


Du côté du Rhin, « il faut rester vigilant »

Un automne très pluvieux et un début d’année trop sec, mais pas de panique. « Les nappes phréatiques de la région sont à peine en dessous de la normale, idem pour l’indice d’humidité des sols, bien que le mois de février ait accusé le troisième plus grand déficit de pluviométrie depuis 1959 », a souligné jeudi dernier Frédéric Charles, délégué territorial du Bas-Rhin de l’agence régionale de santé (ARS) du Grand-Est.

Reste que le Rhin se porte « presque bien », ont assuré les autorités de concert après une réunion du comité ressources en eau du Bas-Rhin. Le comité avait souhaité faire un « diagnostic de la situation au niveau local » quelques jours après que le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a demandé à tous les préfets d’anticiper d’éventuelles situations de crise pendant l’été.


notre dossier sur la sécheresse

Les chiffres ? Un débit fin février d’environ 500 m3/s a été relevé en l’Alsace, pour une moyenne annuelle de 1.000 m3/s. C’est « un peu plus bas qu’à la normale en cette saison des basses eaux, a détaillé Hervé Vanlaer, directeur de la Dreal. Mais ce n’est pas du tout exceptionnel, on a déjà connu plus bas. Il faut rester vigilant ». Parce que d’une part, le bas niveau de stock de neige dans les Alpes peut inquiéter, ont relevé les organismes de surveillance et de gestion du fleuve. Et parce que, d’autre part, « on passe de plus en plus d’un régime nival à un régime fluvial : c’est-à-dire avec des hautes eaux qui ont lieu plus tôt dans l’année ». « Comme il y a moins de neige, moins de fonte des neiges l’été sur les glaciers alpins, le niveau du Rhin à tendance à être plus bas l’été », poursuit Hervé Vanlaer. Résultat, dit-il, « pour la fin du printemps et surtout pendant la période estivale, on risque d’avoir des problèmes d’étiage [débit minimal] sur le Rhin avec des difficultés pour le transport ».