ClimatQuand risque-t-on de franchir les 3 °C de réchauffement planétaire ?

2024 année la plus chaude de l’histoire : Quand risque-t-on de franchir les 3 °C de réchauffement planétaire ?

ClimatAlors que 2024 sera la première année à dépasser les 1,5 °C de réchauffement planétaire, on a demandé au climatologue Gilles Ramstein ce que cela laissait présager pour le futur
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • D’après l’institut européen Copernicus, l’année 2024 sera la première à dépasser les 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle.
  • Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, les 3 °C de réchauffement de la planète pourraient être atteints entre 2081 et 2100, selon le Giec.
  • « Il faut tout faire pour ne pas atteindre ces 3 °C », alerte le climatologue Gilles Ramstein.

Un cap est franchi. L’année 2024 sera la première à dépasser les 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle. Le service changement climatique de l’institut européen Copernicus a confirmé le 9 décembre dans son bilan qu’il était « effectivement certain » que 2024 sera l’année la plus chaude enregistrée, avec en moyenne plus de 1,5 °C de réchauffement, la limite la plus ambitieuse à ne pas dépasser fixée par les accords de Paris.

Les scientifiques s’attendaient-ils à de tels pics de températures en 2023 et 2024 ? « Ce n’est pas une surprise, répond Gilles Ramstein, paléoclimatologue et directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Comme il y a une variabilité climatique d’une année à l’autre, cela signifie qu’avant que ça se stabilise au-dessus de 1,5 °C à l’horizon 2030, il y aura des pics. Ce qui est assez clair, c’est que ça vient très vite, c’est-à-dire que le réchauffement est plutôt plus important que ce qu’on avait pensé. »

Les 3 °C pourraient être atteints entre 2081 et 2100

Dans ses projections, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime que la barre d’1,5 °C sera probablement atteinte entre 2030 et 2035. Il faut que la moyenne de réchauffement soit observée sur le long terme, soit vingt ans, pour considérer que les 1,5 °C ont été dépassés.

Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre et sans réduction importante des émissions de CO2, les 3 °C de réchauffement de la planète pourraient être atteints entre 2081 et 2100, selon le rapport 2021 du Giec. « Il faut tout faire pour ne pas atteindre ces 3 °C dans le dernier quart du siècle, alerte le chercheur. Pour l’instant, dans les scénarios climatiques, on se situe entre le SSP2-4.5, où on fait des efforts, mais c’est quand même un peu dramatique, et le SSP5-8.5, qu’on appelle business as usual, sans aucun changement, et qui est le pire de tous ». Dans ce dernier, la Terre s’approche des 5 °C de réchauffement en 2100.

Ce graphique, extrait du rapport du groupe 1 du Giec, montre les différents scénarios climatiques simulés en fonction des efforts fournis par l'humanité pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le premier scénario, le SSP1-1.9 (en bleu ciel) correspond à un scénario d'émissions maîtrisées, où le réchauffement de la planète reste en moyenne autour de 1,5 °C.  Le pire, le SSP5-8.5 (en rouge foncé),  mène à un réchauffement qui s'approche des 5°C.
Ce graphique, extrait du rapport du groupe 1 du Giec, montre les différents scénarios climatiques simulés en fonction des efforts fournis par l'humanité pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le premier scénario, le SSP1-1.9 (en bleu ciel) correspond à un scénario d'émissions maîtrisées, où le réchauffement de la planète reste en moyenne autour de 1,5 °C. Le pire, le SSP5-8.5 (en rouge foncé), mène à un réchauffement qui s'approche des 5°C. - Capture d'écran/IPCC-AR6

La France se réchauffe un peu plus vite

En France métropolitaine, où la température est plus élevée que la moyenne mondiale, les 3 °C de réchauffement risquent d’être franchi un peu plus tôt. S’il y a un réchauffement mondial de 3 °C en 2100, cela signifie que la température moyenne annuelle en France se sera réchauffée de 4 °C par rapport à l’ère préindustrielle, notait ainsi le centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique en juin 2023.

« La France se situe entre deux zones et ne va pas connaître les mêmes conséquences du réchauffement, explique Gilles Ramstein. Le Sud-Est, qui fait partie du bassin méditerranéen, va s’assécher, se réchauffer beaucoup, le nord de la Seine va connaître des précipitations de plus en plus abondantes. »

« Chaque dixième de degré compte »

En 2021, dans son rapport qui établit un consensus sur les bases scientifiques physiques du changement climatique, des projections du Giec donnent à voir ce que serait un climat mondial à + 1,5 °C, + 2 °C et + 4 °C. Ces simulations montrent qu’en termes de température moyenne annuelle l’Arctique et l’Antarctique se réchauffent davantage que les tropiques. Des changements dans le régime des précipitations sont aussi attendus, par exemple.

La fréquence et l’intensité des extrêmes (températures, canicules, précipitations) augmentent ainsi avec chaque dixième de degré de réchauffement planétaire. Par exemple, une sécheresse de type agricole qui a lieu une fois tous les dix ans se produira probablement deux fois plus avec un climat réchauffé de 1,5 °C, et 4,1 fois plus avec un climat à + 4 °C. « Chaque dixième de degré compte, souligne Gilles Ramstein. Une Terre à 2 °C est beaucoup moins habitable qu’une Terre à 1,5 °C. A 3 °C et 4 °C, ce sera très, très difficilement gérable. »