vents contrairesMichel Barnier a-t-il fait « un appel du pied au RN » sur les éoliennes ?

Transition énergétique : La petite phrase de Michel Barnier sur les éoliennes, « un appel du pied au RN » ?

vents contrairesLors de son discours de politique générale à l’Assemblée, mardi, Michel Barnier a critiqué les éoliennes, un vieux cheval de bataille de l’extrême droite
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Lors de son discours de politique générale, mardi, Michel Barnier s’est montré offensif contre l’énergie éolienne, expliquant notamment qu’il fallait mieux « en mesurer tous les impacts ».
  • Pas très étonnant pour l’ancien candidat à la primaire LR, qui disait en 2022 ne « pas aimer » les éoliennes. Et ça tombe bien, le RN, dont le soutien est indispensable au gouvernement pour se maintenir, n’aime pas ça non plus.
  • Or, l’énergie éolienne est indispensable pour mener à bien la transition énergétique, sur laquelle la France est déjà en retard.

En dépit d’un très long discours, qualifié de « plus long que le mandat » par quelques députés, Michel Barnier n’a pas fait que brasser du vent à l’Assemblée mardi. Le Premier ministre s’est d’ailleurs montré assez critique avec cette pratique, au détour d’une petite attaque contre les éoliennes. Détaillant ses orientations sur l’énergie, il s’est ainsi engagé « résolument » à poursuivre le développement du nucléaire, mettant au contraire l’éolien, dont « il faut mesurer tous les impacts », sous surveillance et au ralenti.

Une petite phrase très révélatrice sur les intentions du chef du gouvernement vis-à-vis de cette énergie. « Ce n’est pas nouveau chez LR, Xavier Bertrand est par exemple très hostile aux éoliennes dans sa région », observe Daniel Boy, directeur de recherches émérite à Sciences po. « C’est une alerte assez forte », s’inquiète Auréline Doreau, responsable projets en énergies renouvelables au sein du réseau Cler, même si elle juge Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, « plutôt mobilisée sur le développement de l’éolien ».

L’éolien indispensable dans la transition énergétique

Alors, qui remportera ce qui s’annonce comme un bras de fer entre Matignon et l’Hôtel de Roquelaure ? Dans tous les cas, la France est déjà en retard. « La France n’a pas atteint ses objectifs de production d’énergies renouvelables [ENR] et a été mise en demeure par Bruxelles », rappelle Adelin Mathien, cheffe de projet Transition énergétique chez France Nature Environnement. En 2023, la consommation d’énergies renouvelables n’a représenté que 22,3 % du total, au 15e rang européen, pour un objectif fixé à 25 %. Pire, « dans sa feuille de route, la France a proposé à Bruxelles d’atteindre 35 % d’ici 2030, contre 44% dans l'objectif qui lui était fixé par l'Europe pour répartir l'effort », signale Auréline Doreau.

Reculer sur les éoliennes, c’est donc « incohérent avec la transition énergétique », fustige Adelin Mathien, qui signale que « tous les scénarios nous disent qu’on n’a pas le choix » d’investir dans l’éolien. L’un des arguments phares, porté notamment via les scénarios de RTE, est « qu’aucune autre capacité de production ne peut être mise en place avant 2035 », alors que les besoins croissent. Les réacteurs nucléaires nouvelle génération, notamment soutenus par Emmanuel Macron, n’arriveront pas avant 2040. Si aucun retard n’est pris.

« Personne n’ira manifester pour les éoliennes »

Mais « les politiques s’occupent des problèmes de maintenant plutôt que des problèmes de plus tard », constate, fataliste, Daniel Boy. D’autant que l’éolien est un exemple frappant de la « majorité silencieuse », comme d’autres combats plus sociétaux. « Dans les sondages, l’éolien est plutôt bien perçu et même plébiscité par les Français », remarque Adeline Mathien. Mais « personne n’ira manifester pour les éoliennes », souligne Daniel Boy, alors que la frange des anti se fait beaucoup plus entendre. « Les maires se rangent du côté des habitants », qui se plaignent « d’un inconvénient visuel qui n’est pas une bénédiction d’un point de vue financier, contrairement à ce qu’il se passe autour des centrales nucléaires », développe-t-il.

Politiquement, se prononcer contre les éoliennes peut donc être intéressant pour LR. Mais au-delà de la position historique de la droite, un autre principe de réalité, celle de sa faible majorité à l’Assemblée, a pu guider Michel Barnier dans sa sortie. « C’est clairement un appel du pied à l’extrême droite », qui propose carrément de démanteler des éoliennes, pointe Adeline Mathien. « Les macronistes vont composer avec le RN », regrette Auréline Doreau. Pour Daniel Boy en revanche, « l’appel du pied ne se fait pas sur les éoliennes, mais plutôt sur l’immigration ». Il regrette en revanche « un débat rendu un peu simplet » par les approximations de Michel Barnier.

« Il aurait été intéressant de différencier éolien terrestre et en mer », où les installations sont plus chères mais plus rentables et moins gênantes. « Il a cité l’impact sur la biodiversité, mais toutes les installations ont un impact », relève Adeline Mathien. Et pour en rester aux énergies non renouvelables, « on ne peut pas faire que du solaire pour des questions d’équilibre du réseau » tout au long de l’année, souligne Auréline Doreau. En attendant une loi de programmation énergétique promise de longue date, elle continue de mettre en avant « plein de types de déploiement sur le partage de l’énergie » qui bénéficient aux riverains proches des éoliennes. Histoire d’enfin sortir d’une « vision passéiste sur cette source d’énergie pourtant essentielle si on veut enrayer le réchauffement climatique ».