Non, l’élevage des coquillages n’absorbe pas du CO2 (au contraire)
coquilles corrigées•Contrairement à ce qui est souvent expliqué, même dans la littérature scientifique, l’élevage de coquillages émet bel et bien du CO2 selon une étude de chercheurs de l’Ifremer20 Minutes avec AFP
Manger des palourdes ou des huîtres au lieu d’un bon steak ne fait pas forcément de vous un bon citoyen qui lutte contre le réchauffement climatique. C’est pour démonter une idée reçue que Fabrice Pernet, chercheur en écologie des organismes marins à l’Ifremer et ses collègues, ont publié un article publié dans la revue Reviews in Aquaculture.
Le cliché, largement répandu dans la littérature scientifique, voulait que les coquillages séquestrent du CO2, un peu comme le bois des arbres, car la coquille des huîtres, moules et autres palourdes est constituée de carbone. Tout partirait d’une étude chinoise, publiée en 2011 dans une revue d’écologie marine, et citée plus de 200 fois depuis, qui aurait propagé cette idée. Depuis lors, 28 articles scientifiques, sur les 51 examinés par Fabrice Pernet et ses coauteurs, ont repris ce raisonnement.
Pourtant, l’élevage de coquillages ne contribue pas à la lutte contre le réchauffement climatique : c’est au contraire une activité émettrice de CO2, souligne l’étude diffusée jeudi. « J’avais beaucoup de questions quant au fait d’accorder des crédits carbone à la conchyliculture », pour son rôle supposé de séquestration du CO2, « et je ne comprenais pas qu’on me pose la question », explique Fabrice Pernet. « J’ai toujours appris à l’école que les seuls puits de CO2 vivants, c’étaient les plantes, les végétaux. Mais l’idée s’est répandue que les coquillages séquestraient du CO2 ». En avril 2022, le Conseil consultatif de l’aquaculture a même recommandé à la Commission européenne d’étudier un mécanisme de paiement de crédits carbone pour la séquestration de CO2 par les coquilles.
Remettre les coquilles consommées dans la mer
« C’est totalement faux, ce n’est absolument pas du CO2 qui est utilisé » pour fabriquer les coquilles, mais du bicarbonate provenant de l’érosion des roches, souligne le chercheur. Loin de stocker du CO2, la calcification, à l’origine de la fabrication de la coquille, en libère dans l’eau et réduit ainsi la capacité de l’océan à absorber celui qui est présent dans l’atmosphère. L’étude souligne néanmoins que la conchyliculture rend de nombreux services écologiques (clarification de l’eau de mer, régulation de l’azote et du phosphore…) et reste « la manière de produire des protéines animales la moins intensive en carbone », indique le chercheur. Mais « l’idée, c’est d’éviter de gaspiller de l’argent public pour des sujets qui n’en sont pas », ajoute-t-il. Pour réduire les émissions de CO2 de la conchyliculture, les auteurs recommandent ainsi de remettre les déchets de coquilles consommées dans la mer, où elles vont se dissoudre et piéger du CO2. Ou bien de cultiver des algues à côté des coquillages.
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