Il pleut, une preuve que le réchauffement climatique n’existe pas ? Non

Il pleut, une preuve que le réchauffement climatique n’existe pas ? Non

Fake OffDans les posts sur les réseaux sociaux, on a « une confusion entre le côté climat et le côté météorologie », explique Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Les précipitations du printemps font aussi pleuvoir des commentaires remettant en cause le réchauffement climatique.
  • Sauf qu’il s’agit là d’une confusion entre météo et climat, nous expliquent le paléoclimatologue Jean Jouzel et Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France.
  • « Les tendances au niveau du réchauffement climatique sont des tendances sur de longues périodes », souligne Simon Mittelberger.

Depuis fin avril, les précipitations font aussi pleuvoir des commentaires viraux sur les réseaux sociaux remettant en cause le réchauffement climatique. « Il pleut partout toute la journée même dans le Sud […] Malgré un mois de mars très pluvieux + avril les médias osent parler de sécheresse et de réchauffement tous les jours #escrocs », s’indigne un internaute sur Twitter, accompagnant son post de cartes météo annonçant des pluies.

D’autres utilisent une carte météo pluvieuse et dressent un parallèle avec la vingtaine de départements mis en alerte sécheresse. Et dénoncent le fait que la France serait « tombée sur la tête » comme lors du Covid. Début mai, ce sont les températures fraîches « sous les moyennes de saison » qui mettraient en échec de soi-disant prévisions de « canicules jamais vues depuis des décennies en mai ». L’accumulation de ces posts vise à faire la démonstration de l’absence de réalité du réchauffement climatique.

FAKE OFF

Sauf qu’il s’agit là d’une confusion entre météo et climat. Interrogé sur ces contenus, Jean Jouzel, paléoclimatologue et ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), indique n’avoir aucun problème à dire qu’il y a eu des précipitations 30 % supérieures aux moyennes en mars ou que les températures ont pu être plus basses que les moyennes saisonnières en mai.

« Ma crainte, c’est que si on a un été tout à fait normal, ce qui est tout à fait possible, les gens diront : vous voyez le réchauffement climatique ce n’est pas vrai, avance-t-il. Non, le réchauffement climatique, c’est la température moyenne qui augmente, et ça, c’est très bien documenté », avec le premier volet du rapport d’évaluation du Giec, publié en 2021. C’est la dernière mise à jour des connaissances scientifiques sur le changement climatique, qui souligne notamment que la température de surface globale « a augmenté plus rapidement depuis 1970 qu’au cours de toute autre période de 50 ans sur les 2.000 dernières années ».



En France, la température moyenne a augmenté d’1,7 degré, y compris depuis les années 1960, rappelle-t-il, précisant que cela signifie des hivers de plus en plus doux, des vagues de chaleur plus précoces, plus tardives, plus importantes, des records de chaleur battus, mais qu’il peut toujours y avoir des hivers rigoureux. Et ajoute que tous les étés ne seront pas comme celui de 2022. « L’été dernier était exceptionnel, détaille-t-il. On ne retrouvera peut-être pas un été de ce type avant 2030. Ils deviennent de plus en plus fréquents, mais ce n’est pas chaque année. »

Des tendances sur de longues périodes

« Ce que le climatologue va regarder, c’est que 2022 a été l’année la plus chaude en France depuis cent cinquante ans et pas simplement cela, elle a battu le record de l’année 2020 de près d’1,5 degré, c’est ça le constat, appuie-t-il. Pas le fait qu’il y a eu un mois dans un endroit qui a été plus froid que la moyenne, ça, c’est tout à fait normal. »

C’est aussi ce qu’explique Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France. « On a bien une confusion entre le côté climat et le côté météorologie [dans ces posts], c’est-à-dire que les tendances au niveau du réchauffement climatique sont des tendances sur de longues périodes : en moyenne, on s’oriente vers des mois de mai de plus en plus chaud, mais sans rendre impossible le fait d’avoir des mois de mai ponctuellement plus froid, plus pluvieux. »

Mai, un mois de transition

Concernant les précipitations en mai, un excédent de près de 20 % a été noté [au 15 mai 2023], détaille le climatologue de Météo-France. Ce mois contraste avec mai 2022, qui avait été extrêmement sec, avec un déficit de précipitations de près de 65 %. Au contraire, en 2021, un excédent de près de 40 % a été relevé. Qu’en conclure ? « De manière générale, mai est un mois de transition entre la saison hivernale et estivale, ce qui fait que l’on peut avoir à la fois des mois qui peuvent être très secs certaines années, mais également des mois très humides », complète-t-il.

Ce constat est aussi valable pour les températures. « En 2022, on avait eu un mois de mai exceptionnellement chaud, le plus chaud jamais enregistré à l’échelle de la France, poursuit Simon Mittelberger. Si on remonte en 2021, mai avait été nettement plus froid que la normale avec -1,6 degré d’écart. On peut retrouver des mois de mai au-dessus comme en dessous des normales. »

Des nappes phréatiques dans le rouge malgré les pluies

Enfin, malgré les pluies de printemps en France, 68 % des nappes phréatiques restent à des niveaux modérément bas à très bas, dont 20 % à des niveaux très bas, selon le bulletin hydrogéologique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), publié le 17 mai.

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En mars et en avril, le cumul des précipitations a été excédentaire sur une grande partie du territoire. Certaines nappes ont pu se recharger, mais après la sécheresse hivernale, la situation reste hétérogène et préoccupante, notamment sur le couloir rhodanien et le pourtour méditerranéen.