OcéanComment la Norvège « sous pression » a plié sur l’exploitation des fonds ma

La Norvège suspend l’exploitation des fonds marins, « l’activisme sert à quelque chose », se réjouit Camille Etienne

OcéanDimanche, le gouvernement norvégien a annoncé la suspension des contrats d’exploitation minière des fonds marins pour 2024 et 2025. Pour l’activiste écologique Camille Etienne, c’est une « grande victoire »
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • La Norvège a suspendu ses contrats d’exploitation minière des fonds marins arctiques pour 2024-2025, une décision saluée par les écologistes comme Camille Etienne. « Ce n’était pas une petite décision isolée qui ne dépendait que de la Norvège, c’était vraiment qu’un point de bascule qui aurait pu ouvrir la voie à d’autres pays. »
  • L’exploitation des fonds marins comporte de nombreux risques environnementaux, notamment la destruction d’habitats et d’organismes, la pollution sonore et lumineuse, et pourrait perturber la capacité de l’océan à capturer le CO2.
  • Cette victoire écologique montre l’importance de la mobilisation citoyenne. « On entend souvent que les activistes écologistes crient dans le vent, souligne Camille Etienne, qu’ils n’ont rien de concret et que ça sert à rien. Cette victoire montre qu’on peut réussir. »

«On n’arrive pas à le croire, on a gagné. » Dimanche soir, l’activiste écologique Camille Etienne partageait sa joie sur son compte Instagram après l’annonce du parti de la Gauche socialiste norvégien. Ce soir-là, la Norvège a annoncé qu’elle suspendait les contrats d’exploitation minière des fonds marins dans ses eaux arctiques en 2025. Que signifie cette décision ? Comment le combat va-t-il se poursuivre ? Comment cette victoire écologique peut-elle servir ? 20 Minutes fait le point.

Petit récap de la situation

Pour rappel, en janvier dernier, le Parlement norvégien avait approuvé l’ouverture de 280.000 km2 de ses fonds marins, soit l’équivalent de la moitié de la superficie de la France, à la prospection minière. La Norvège devenait alors l’un des premiers pays au monde à se lancer dans cette pratique controversée dans une région inexplorée.

Le pays souhaitait exploiter d’importants gisements de minéraux, y compris du cuivre, du cobalt, du zinc et des terres rares, utiles dans la composition de batteries, turbines d’éoliennes, ordinateurs et autres téléphones portables. Des minéraux jugés essentiels pour se passer des hydrocarbures - dont le pays est par ailleurs un gros producteur - dans le cadre de la transition énergétique.

Que signifie cette décision ?

Dimanche donc, la Norvège a suspendu ces permis pour 2024 et 2025. Le Premier ministre travailliste Jonas Gahr Støre a souligné que cette décision ne signait pas la fin des projets nationaux d’extraction, que c’était « un report ».

« Ça peut sembler anecdotique mais ça ne l’est pas du tout, commente Camille Etienne auprès de 20 Minutes. Ce gouvernement très proche de l’industrie minière sera très certainement battu lors des prochaines élections du pays en 2025. Et en parallèle, la prise de conscience dans la société est en train d’exploser sur ce sujet. Ces politiques sentent bien que la pression est en train d’augmenter. »

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Ce n’est donc pas « juste "ils décalent la décision d’un an", souligne-t-elle. C’est bien plus que ça. C’était potentiellement là, maintenant, le début de l’exploitation des fonds marins et c’est ça qui vient d’être refusé. Ce n’était pas une petite décision isolée qui ne dépendait que de la Norvège, c’était vraiment qu’un point de bascule qui aurait pu ouvrir la voie à d’autres pays. »

Quels étaient les enjeux ?

Au-delà de la Norvège, d’autres pays comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis peuvent être tentés par cette « toute nouvelle industrie ». « D’un point de vue géopolitique, s’il y avait un premier pays qui bougeait, ça mettait en danger toutes les autres négociations. Il y avait un véritable enjeu », appuie Camille Etienne. Cette dernière, aux côtés d’autres activistes écologistes de la société civile et de plusieurs ONG, se bat depuis deux ans, pays par pays, pour obtenir des décisions « historiques » contre cette volonté d’exploitation minière. La France et le Royaume-Uni se sont par exemple prononcés pour un moratoire international sur l’extraction minière sous-marine.

Mais elle rappelle que le combat continue malgré cette victoire. « Tant que l’intégralité des gouvernements de ce monde ne s’engage pas à ce que jamais on ne touche à ces fonds marins, il y aura toujours du travail. C’est une lutte de fond, un vrai marathon. Dans cette course, il y a des belles frayeurs qu’on évite. »

Pourquoi il ne faut pas exploiter les fonds marins ?

Destruction directe d’habitats et d’organismes des fonds marins, pollution sonore et lumineuse, risque de fuites chimiques provenant des machines ainsi que le déplacement accidentel d’espèces… « Rien n’allait dans ce projet », résume en une phrase Camille Etienne.

Elle cite d’autres exemples de cette « longue liste » des dangers qu’une telle décision pouvait engendrer. « L’océan prochain est l’un des seuls endroits au monde qui reste intouché par l’humain et donc préservé, explique-t-elle. C’est un endroit qu’on connaît très peu. Il y a plus de personnes qui sont allées sur la Lune que dans les océans profonds. On ne pouvait donc pas connaître tous les impacts qui allaient émerger de cette exploitation. »

Elle ajoute : « C’est aussi un endroit où il y a beaucoup de recherches scientifiques. Cette activité aurait pu également perturber la fonction de régulation de l’océan profond, qui capture du CO2. Donc on aurait encouru un vrai risque de bombes climatiques. » Autre risque, celui du nucléaire, détaille-t-elle. L’agence de sûreté du pays avait alerté sur la présence de potentielles épaves nucléaires, sans savoir où elles se trouvaient exactement.

Quel signal cette décision de « report » envoie à la société ?

« On entend souvent que les activistes écologistes crient dans le vent, qu’ils n’ont rien de concret et que ça sert à rien, lance Camille Etienne. Cette victoire montre qu’on peut réussir. » Dans les couloirs des parlements, dans les rues enneigées, sur les voiliers dans les fjords, sur les plateaux de télévision… « Les biologistes, les ONG, les activistes… On a beaucoup travaillé, sans relâche, pendant des mois, explique-t-elle. Et la preuve en est : si on garde cette abnégation, même dans des moments où ce n’est plus à la mode, quand tout le monde semble indifférent, à un moment ça fonctionne. On finit par gagner. Mais ça demande beaucoup de résistance parce qu’en face, ils ont du pouvoir. »

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Elle ajoute : « Ça montre une fois de plus que ce qu’on fait sert à quelque chose, on peut faire la différence. Et chaque action compte : que ce soit un partage sur les réseaux sociaux, rejoindre une manifestation ou s’engager davantage… Toute cette mobilisation additionnée permet ce genre de résultat. Ce n’est pas facile mais il existe un contre-pouvoir organisé et il est important de le soutenir. On n’est pas toujours impuissant face aux décisions honteuses de nos dirigeants. »

Camille Etienne rappelle que ces luttes concernent des « dangers existentiels » pour la protection de la biodiversité et donc également celle des humains. « J’aurais bien aimé faire autre chose que de m’occuper du gouvernement norvégien. Mais on est obligé de rester intransigeant », conclut-elle. Elle espère pouvoir célébrer prochainement une autre victoire écologique : l’adoption d’une loi en France, « qui serait la plus ambitieuse au monde » au sujet des polluants éternels.