La vache !Comment des chercheurs tentent de façonner des vaches moins polluantes

Normandie : « Une vraie révolution… » Comment des chercheurs tentent de façonner des vaches moins polluantes

La vache !Dans un champ de Normandie, des chercheurs de l’Inrae travaillent à concevoir une vache meilleure pour l’environnement. Une vache plus petite, nourrie principalement à l’herbe, et moins polluante
Des chercheurs de l'Inrae  en Normandie travaillent à concevoir une vache meilleure pour l’environnement. (Illustration)
Des chercheurs de l'Inrae en Normandie travaillent à concevoir une vache meilleure pour l’environnement. (Illustration) - C. Triballeau/ AFP
Gilles Varela

G.V. avec AFP

L'essentiel

  • Dans un champ de Normandie, des chercheurs développent une vache plus petite, qui émet moins de méthane, pour réduire l’empreinte carbone de l’élevage bovin.
  • Plusieurs leviers devront être combinés pour diminuer de 30 % les émissions de méthane des bovins d’ici à 2030, comme démarrer leur carrière plus tôt et opter pour des gabarits plus petits.
  • Les chercheurs identifient également les caractéristiques génétiques des bovins qui émettent moins de méthane, qui pourront être transmises à leur descendance par insémination à partir de 2023.

A vos mares, pré, brouter. Dans un champ de Normandie, des chercheurs sont sur les starting-blocks pour concevoir une vache de compétition. Pas pour faire la belle dans les foires et salons, mais pour l’environnement. Une vache plus petite, nourrie principalement à l’herbe, et surtout moins polluante. qui rejettent moins de méthane que leurs congénères… Car, rappelons-le, les bovins sont les plus gros contributeurs à l’empreinte carbone de l’élevage, lui-même à l’origine de 12 % des émissions de gaz à effet de serre attribuées à l’activité humaine, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture FAO. Or, ces émissions risquent de s’accroître avec l’augmentation de la population mondiale et de la demande de viande et de lait.

Alors on ne rigole pas sur les terres du camembert, dans les vallons de l’Orne en Normandie. Des chercheurs élaborent actuellement la recette de la vache de demain sur les 340 hectares d’une unité expérimentale de l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Là-bas, ce n’est pas la zone 51, rassurez-vous, une vingtaine de personnes, principalement des techniciens et ingénieurs, veillent sur le troupeau de 600 bovins, assurent la traite d’une partie d’entre eux et relèvent un tas de données pour nourrir les travaux chapeautés par les chercheurs. Quantité de nourriture ingérée, état d’engraissement, taille de l’herbe, composition du lait… Tout est évalué, y compris les rots chargés de méthane, au pouvoir très réchauffant.

Des études, des expériences aussi. Sur une étendue d’herbe presque uniformément tondue, des vaches qui broutent encore. Les vaches laitières restent en moyenne dix jours dans une (vaste) parcelle, explique l’Inrae. Un régime « sévère » quand les éleveurs les font traditionnellement tourner beaucoup plus souvent. Mais alors pourquoi faire ça ? L’idée est de « dire aux vaches "Tu finis ton assiette avant d’avoir du dessert" », image le chercheur Luc Delaby. Car « plus la pâture est rase, meilleure est la repousse ».

Intérêt pour l’éleveur, une meilleure gestion de son stock d’herbe, ce qui permet de diminuer sa dépendance aux achats d’aliments, notamment de soja sud-américain issu de zones déforestées.

Et cette démarche fait des petits. Sylvain Quellier élève 80 vaches produisant du lait pour le camembert de Normandie. Il s’inspire de travaux de ses voisins de la ferme expérimentale « pour s’améliorer ». L’éleveur de 45 ans utilise des outils de mesure de l’herbe, des logiciels de gestion des pâturages. « On s’est reconcentrés sur ce qui était notre force, l’herbe, ça nous a permis de ramener du revenu sur la ferme » en achetant « quasiment moitié moins » d’aliments qu’une exploitation du même type.

Notre dossier sur les gaz à effet de serre

« Une vraie révolution »

Des avancées aussi en matière de génétique. Dès l’an prochain, explique la chercheuse Pauline Martin, les éleveurs pourront inséminer leurs vaches en fonction d’un « index méthane ». Les chercheurs sont en effet parvenus à identifier les caractéristiques génétiques des bovins qui rejettent moins de méthane que leurs congénères. L’idée ? Ce potentiel étant inscrit dans leurs gènes, il peut être transmis à leur descendance. « C’est une vraie révolution qui se prépare », remarque le PDG de l’Inrae, Philippe Mauguin. Ce dernier rappelle pourtant qu’il faudra activer d’autres leviers pour atteindre l’objectif « ambitieux mais pas déraisonnable » de diminuer de 30 % les émissions de méthane des bovins d’ici à 2030 : comme faire démarrer la carrière des vaches laitières plus tôt, mais aussi opter pour des gabarits plus petits et donc mécaniquement moins émetteurs… Pas sûr que cela emballe cependant les visiteurs des futurs Salons de l’agriculture, bien souvent émerveillés par les éleveurs paradant avec leurs grands bovins…