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25.000 personnes contre le projet de ligne à très haute tension en Camargue

Très forte opposition au projet de ligne à très haute tension, en Camargue et dans les Alpilles

EnvironnementLe projet, porté par RTE et l’Etat, est censé décarboner la zone de Fos-sur-Mer, mais doit passer par de nombreux espaces naturels protégés
Jérôme Diesnis

Jérôme Diesnis

L'essentiel

  • Le projet de création d’une ligne à très haute tension entre le Gard et Fos-sur-Mer se heurte à une forte opposition. Elle doit passer, selon deux hypothèses, par la Camargue, la plaine de Crau, les Alpilles ou la Terre d’Argence.
  • Pour RTE et le préfet de la région Paca, il est « indispensable pour permettre la transition énergétique du territoire » et décarboner le site de Fos-sur-Mer, l’un des plus polluants de France.
  • « Il est essentiel que cette transition énergétique n’aille pas à l’encontre de la transition écologique dans son ensemble. Pour cela, elle doit garantir la préservation des patrimoines naturels, écologiques et paysagers, ainsi que la qualité de vie des citoyens », rétorquent les six gestionnaires des zones naturelles concernées.

Ils étaient 300 dans le Gard ce dimanche. Ils étaient 500, début avril à Arles. Et surtout, plus de 25.000 à avoir signé une pétition en ligne. Le projet, porté par RTE et l’Etat, de création d’une ligne à très haute tension (THT) de 400.000 volts, se heurte à une forte opposition. Censée décarboner le site de Fos-sur-Mer (l’un des plus polluants de France), à proximité du delta du Rhône, elle doit traverser le Gard sur 60 kilomètres, depuis Jonquières-Saint-Vincent (à une vingtaine de kilomètres à l’est de Nîmes), avec 180 pylônes de 60 mètres de haut, disséminés sur de nombreux espaces naturels.

A ce stade, deux hypothèses sont retenues : l’une passe par la Camargue, l’autre, la plaine de Crau, les Alpilles et la Terre d’Argence. Ce sont vingt et un sites Natura 2000 et 75 zones naturelles d’intérêt faunistique et floristique qui sont concernés par ce projet. « Nos territoires possèdent un extraordinaire patrimoine naturel, culturel et urbain façonné par un long passé géologique, historique et humain, évoque le collectif THT (Tous les habitants du territoire), composé de 23 associations. Nous refusons qu’ils soient détruits de manière définitive et irrémédiable. »

« Une solution démesurée pour quelques intérêts privés »

« Destruction d’espaces naturels », « disparition de terres agricoles », « atteinte aux sites patrimoniaux » et aux 347 monuments historiques dans l’aire d’étude, « craintes sur la santé des habitants », « atteinte grave aux activités de tourisme », « baisse de la valeur des biens immobilier », leurs arguments sont multiples pour s’opposer à cette « solution démesurée pour quelques intérêts privés ». Elle « concerne moins d’une dizaine d’entreprises, quand 100.000 personnes en subiront les conséquences ».

Outre l’adaptation des usines existantes, notamment sidérurgiques, le projet prévoit l’implantation de nouveaux sites de production d’hydrogène, de panneaux solaires ou d’acier « bas-carbone ». RTE dit avoir déjà reçu des demandes de raccordement équivalant à un « doublement de la puissance à la pointe de la consommation actuelle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ». Cette « nouvelle colonne vertébrale 400.000 volts », dont la mise en service est espérée en 2028, serait « un projet indispensable pour permettre la transition énergétique du territoire ».

« Il n’y a pas de plan B garantissant les mêmes résultats »

« Coordonnateur » du projet, le préfet de région Paca, Christophe Mirmand, comprend qu’il n’y ait « pas beaucoup d’enthousiasme de la part des populations potentiellement riveraines ». Mais il estime l’infrastructure indispensable : « il n’y a pas de plan B garantissant les mêmes résultats ». Or « il y a 8 à 10 milliards d’investissements privés potentiels sur cette zone qui exigeront d’avoir de l’électricité » : « Les acteurs industriels n’attendront pas dix ans. Si on ne leur donne pas l’assurance que la ligne existera dans les cinq à sept ans, ils iront ailleurs », insiste-t-il, invoquant la « souveraineté » industrielle.

Fin mars, les six gestionnaires des zones naturelles concernées, chargés par la puissance publique (Etat ou région) de veiller à la préservation de ces espaces naturels exceptionnels, ont officiellement marqué leur opposition à ce projet. Ils « soutiennent pleinement l’ambition de transition énergétique et de décarbonation des activités industrielles afin de lutter contre le changement climatique ». Mais pas à n’importe quel prix. « Il est essentiel que cette transition énergétique, qui passe non seulement par le développement d’énergies renouvelables et décarbonées, mais aussi par plus de sobriété et d’efficacité énergétique, n’aille pas à l’encontre de la transition écologique dans son ensemble. Pour cela, elle doit garantir la préservation des patrimoines naturels, écologiques et paysagers, ainsi que la qualité de vie des citoyens. »

« Menace pour de nombreuses espèces migratrices »

Quelle que soit la variante choisie, « le projet a de très fortes probabilités d’induire des impacts directs ou indirects majeurs sur des espaces protégés ». Qu’il s’agisse des habitats naturels des animaux ou des risques de collision, il met en danger de nombreuses espèces protégées et menacées. Telles que l’outarde canepetière, le ganga cata, l’aigle de Bonelli, le butor étoilé, ainsi que de nombreuses autres espèces de gros oiseaux rares ou emblématiques de la Camargue (aigle criard, grue cendrée, flamant rose, spatule blanche, cigognes blanche et noire, oies et canards).

« Le projet se situe sur des voies de migration d’importance internationale, et constitue une menace pour de nombreuses espèces migratrices ainsi que pour les continuités écologiques. Par ailleurs, les espaces protégés gérés par nos organismes sont situés de part et d’autre du Rhône, générant de nombreux déplacements d’espèces […] et augmentant par conséquent les risques de collision sur un ouvrage aérien tel que celui projeté », reprennent les gestionnaires.

« Si l’Etat veut une ZAD en pays d’Arles, c’est ce qui va se passer »

Pour eux, comme pour de nombreux élus présents dimanche à la manifestation à Beaucaire, « les alternatives n’ont pas été étudiées de manière satisfaisante, ni en matière de technologie (câbles enterrés ou sous-fluviaux), ni en matière de production énergétique (production sur des sites déjà artificialisés…) ».

Alors que les associations promettent de lancer de nombreux recours, la menace de conflits à venir est très claire. « Si l’Etat veut une ZAD en pays d’Arles, c’est ce qui va se passer », prévient Jean-Luc Moya, militant au sein de l’association Agir pour la Crau.