Mode toxiquePublicité interdite, taxe… Comment lutter contre la « fast fashion » ?

« Fast fashion » : Comment lutter contre le trio « j’achète, je mets, je jette » ?

Mode toxiqueUne proposition de loi pour encadrer le secteur de la « fast fashion » (Shein, Temu, etc.) est débattue à l’Assemblée, ce jeudi. L’objectif ? En finir avec le culte de la production à outrance
Ecologie : C'est quoi le problème avec la « fast fashion » ?
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Une proposition de loi portée par des députés Horizons, visant à lutter contre les dérives de la « fast fashion », est examinée cette semaine à l’Assemblée.
  • Mais le texte ne cible que les marques proposant « plus de 1.000 nouveaux produits par jour », souligne Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France. Ce qui inclut les plateformes Shein et Temu, mais pas H & M, Zara ou encore Kiabi.
  • La lutte contre la surconsommation textile est pourtant essentielle pour répondre aux enjeux climatiques, alors que la fast fashion représente un tiers des transports de marchandises par avion.

J’achète, je mets, je jette. Ce cycle court qui s’est installé dans nos habitudes vestimentaires porte un nom : la « fast fashion ». Un secteur visé par une proposition de loi discutée ce jeudi en commission à l’Assemblée, également dans le viseur des associations écologistes et du collectif Stop Fast Fashion, qui regroupe des ONG comme Emmaüs, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre ou encore Zero Waste France.

Mais c’est quoi au juste la « fast fashion » ? Pourquoi est-ce si néfaste ? Et comment fait-on pour aller vers une mode plus durable ? 20 Minutes fait le point avec Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France.

C’est quoi, en fait, la « fast fashion » ?

La définition du terme est « tout l’enjeu de la proposition de loi », indique d’emblée Pauline Debrabandere. Le critère retenu par le groupe Horizons et la députée Anne-Cécile Violland, à l’origine du texte, est la proposition de 1.000 nouveaux modèles par jour. « On ne touche qu’à la partie émergée de l’iceberg, à l’ultra ''fast fashion'' », déplore Pauline Debrabandere, qui souligne que le texte ne cible pas « une quantité globale de vêtements mis sur le marché », souvent jetés après quelques utilisations.

Ainsi, si les députés ciblent ouvertement Temu ou Shein, site sur lequel 7.200 nouveaux articles par jour, d’autres marques de « fast fashion » comme Zara, H&M, Kiabi et Primark passent sous le radar. Or, ces marques « se distinguent aussi par un renouvellement des collections en permanence et des arguments marketing », comme des réductions très régulières. De ces acteurs en place depuis longtemps, les plateformes chinoises n’ont fait que « reproduire les mêmes pratiques mais de manière plus outrancière ». Encore plus rapide.

Pourquoi la « fast fashion » est-elle si néfaste ?

Aujourd’hui, selon le Pnue, l’industrie textile représente environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Une part conséquente donc, en essor avec le développement de la « fast fashion ». « L’Ademe estime que le textile pourrait représenter 26 % des émissions carbone en 2050 », alerte Pauline Debrabandere. La création frénétique de nouveaux modèles « induit une surproduction et une surconsommation » de vêtements à faible durée de vie, détaille-t-elle.

Car pour être si peu chers (on trouve des tee-shirts à 1,50 euro sur Shein), ces vêtements sont « de mauvaise qualité, souvent en polyester donc composé de plastique ». En France, « seuls 1 % des vêtements sont recyclés, le reste fini dans des décharges à ciel ouvert ou en incinération », regrette la coordinatrice de campagnes. Mais les dégâts sont présents bien avant la fin de la courte vie du vêtement.

Au niveau environnemental toujours, l’industrie textile consomme et pollue énormément d’eau. De plus, les plateformes comme Shein et Temu sont basées sur l’envoi de vêtements directement chez l’acheteur. La « fast fashion » représente ainsi « un tiers du transport aérien de marchandises et 50 % des exportations depuis la Chine », éclaire Pauline Debrabandere. Elle cite aussi « les conditions de travail qui violent les droits humains » dans les pays en développement et « la destruction d’emplois en France avec les délocalisations et la chute d’enseignes de milieu de gamme » récemment, telles que Pimkie, Kaporal, Kookaï, Camaïeun, etc.

Alors, que proposent les députés Horizons ?

Au-delà de la critique du modèle, les députés Horizons proposent deux mesures concrètes pour tenter faire reculer Shein ou Temu. D’abord en mettant en place une « pénalité », à l’image du « malus écologique » dans l’automobile, qui pourra atteindre 10 euros par article vendu, dans la limite de 50 % du prix de vente, d’ici 2030. Pour éviter de faire peser cette taxe uniquement sur le consommateur, le texte prévoit d’adapter la part d’écocontribution, payée par l’entreprise en fonction de son impact environnemental.

Pour en savoir plus sur la mode éthique

L’autre volet de la loi concerne la publicité, qui se verrait interdite pour les marques correspondant aux critères de la « fast fashion ». « C’est une initiative politique qu’on attendait depuis longtemps », se réjouit Pauline Debrabandere, même si « ça ne va pas assez loin ». « La mode durable et éthique existe », insiste-t-elle, proposant de mettre en place des « bonus » pour « la production locale et décarbonée ». Reste l’un des enjeux de cette lutte : l’éducation des consommateurs. Car s’ils « coûtent plus cher à produire », ces vêtements sont durables… y compris dans le temps. Un changement de comportement gagnant sur tous les plans.