Saint-Malo : Le géant Timac Agro condamné pour avoir pollué l’air à l’ammoniac
ça tousse•L’empire des engrais et de la nutrition animale a plusieurs fois été mis en demeure en raison de dépassements des seuilsCamille Allain
L'essentiel
- A Saint-Malo, l’usine de la Timac Agro, fabricant d’engrais et de nutrition animale, est accusée de polluer l’air de la cité corsaire.
- Mise en demeure à deux reprises, la société du géant Roullier a été condamnée à indemniser trois associations.
- La justice a pu constater que les émissions d’ammoniac dépassaient parfois de plus de dix fois les normes autorisées.
Le « nouveau » pôle environnemental leur a donné raison. Le 22 février, les juges du tribunal judiciaire de Brest ont rendu leur décision dans l’affaire opposant trois associations environnementales à la Timac Agro. Cette société spécialisée dans les engrais chimiques et la nutrition animale est pointée du doigt depuis des années pour ses rejets de polluants dans l’air de Saint-Malo. Mise en demeure par l’État, la multinationale propriété du groupe Roullier a été condamnée à verser 25.000 euros à chacune des trois associations qui l’avaient attaquée.
Une goutte d’eau pour l’empire malouin Roullier. En 2022, le groupe affichait un chiffre d’affaires de plus de quatre milliards d’euros, réalisé en grande partie à l’étranger. Ce montant a doublé en moins de cinq ans, sous l’effet de multiples acquisitions. Mais qu’importe. Les associations savourent « une victoire » et espèrent que la peine « pourra servir d’exemple », selon Eau et rivières de Bretagne, qui s’était associée à Bretagne Vivante et France Nature Environnement pour mener cette action.
« Plus de dix fois » la valeur autorisée !
Ces sommes que la société devra verser visent à venir « réparer le préjudice causé aux associations » dans leur lutte pour la protection de l’environnement. Elles avaient réclamé 240.000 euros au total. Si la justice a ainsi tranché, c’est qu’elle s’est appuyée sur les nombreux dépassements des valeurs limites d’émission d’ammoniac enregistrés entre 2018 et 2021. En juillet 2018, l’usine avait pourtant été mise en demeure et devait abaisser d’urgence ses émissions. En vain. En 2019, des dépassements allant jusqu’à plus de 10 fois les valeurs autorisées ont été relevés sur le port de Saint-Malo. « En 2021, soit presque trois années après la mise en demeure, des dépassements, quoique moins importants, ont encore été relevés ». Des dépassements de seuil ont également été relevés dans les eaux pluviales analysées sur le site de l’industriel.
« L’ampleur de ces manquements, leur persistance dans la durée, ainsi que leur impact sur la qualité de l’air et de l’eau permettent de caractériser un préjudice important des associations, dont l’action en faveur de la préservation des milieux naturels a été rendue particulièrement difficile, voire localement impossible, du fait de ces pollutions répétées », écrivent les juges du pôle environnemental pour justifier leur décision. « Notre client va prendre le temps d’analyser en détail la motivation de ce jugement et se réserve le droit de faire appel », a réagi Me Gwladys Beauchet, avocate de la société.
Les émissions d’ammoniac posent de nombreux problèmes de qualité de l’air en Bretagne, notamment au printemps, lors des épandages et de l’usage intensif de pesticides. Nocives, ces émissions sont en plus précurseures de pollutions aux particules fines.