Zones à faibles émissions : La commission du Sénat préconise un assouplissement du calendrier
ENVIRONNEMENT•La date butoir pour l’application des ZFE reste fixée au 1er janvier 2030R.L.D.
L'essentiel
- Ce mercredi, la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a rendu son rapport sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
- Comme attendu à la suite de la consultation publique effectuée par la commission ces derniers mois, le rapport préconise d’assouplir le calendrier d’application des mesures des ZFE-m tout en conservant la date butoir au 1er janvier 2030.
- Philippe Tabarot, rapporteur de la commission, explique que les efforts de communication et d’aides de l’Etat n’ont pas été suffisants et que l’application à 2025 de la prochaine étape du ZFE est impensable dans de nombreux territoires.
Ce mercredi, la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a rendu son rapport sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Comme Philippe Tabarot, son rapporteur, l’avait laissé entendre le 25 mai dernier, la commission préconise un assouplissement du calendrier des restrictions pour faciliter l’acceptation de la mesure visant à bannir progressivement les véhicules les plus polluants des grandes agglomérations.
« Partout où elles sont instituées, les ZFE-m se heurtent à des crispations et de vives incompréhensions, tant de la part des collectivités territoriales chargées de les mettre en place que des usagers, particuliers et professionnels, dont les mobilités quotidiennes seront affectées par les restrictions de circulation », indique un résumé du rapport.
Un accompagnement insuffisant de l’Etat et une offre d’alternatives trop modeste
La commission estime qu’un accompagnement insuffisant de l’Etat, une offre de transport alternatif à la voiture « trop modeste », et le « caractère financièrement inaccessible » des véhicules propres justifient cette préconisation. Si le rapport avance que les échéances sont « trop rapprochées » , il ne repousse pas, une fois encore, la date butoir d’application des ZFE-m, fixée au 1er janvier 2030, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants.
Après la création de 11 ZFE-m en 2019, la loi climat et résilience de 2021 a prévu leur généralisation dans les quelque 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants en France métropolitaine avant le 31 décembre 2024. Leur objectif est d’améliorer la qualité de l’air et de limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires et de 40.000 décès par an selon Santé Publique France.
« On doit expliquer aux gens pourquoi on leur demande de faire des efforts »
Parmi les neuf propositions présentées mercredi, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat juge indispensable d’assouplir les calendriers actuels en laissant aux collectivités le choix de reporter l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 jusqu’à 2030 au plus tard. Cette interdiction doit actuellement entrer en vigueur le 1er janvier 2025, après celle des Crit’Air 4 au 1er janvier 2024.
« Interdire de la circulation des plus grandes métropoles plus d’un tiers des véhicules qui les traversent quotidiennement », soit 13 millions de véhicules, « dans un délai d’un an et demi, risque inévitablement de creuser des fractures sociales et territoriales ». Joint par 20 Minutes, Philippe Tabarot précise : « Dans certains quartiers, comme dans le centre de Marseille, 52 % des véhicules sont Crit’Air 3, 4 ou 5 et seraient interdits de rouler d’ici un an et demi, c’est inapplicable comme mesure. »
Ainsi, le sénateur insiste sur l’acceptabilité de la mesure, qui doit être l’un des axes principaux de la loi : « Il n’y a pas eu suffisamment de communication sur les ZFE. Les gens ne les comprennent pas. Ils ne voient ainsi que les contraintes. Il faut leur expliquer l’enjeu de santé publique qu’il y a derrière… Les décès, les maladies qui sont entraînés par la pollution. On doit financer des spots télévisés, des publicités pour qu’ils comprennent pourquoi on leur demande des efforts. »
Aider les plus modestes et « créer un choc d’offre alternative de transport »
Interrogé par le Sénateur lors des questions au gouvernement devant le Sénat, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, a rappelé que « pour les Crit’Air 3, il n’y a que les agglomérations qui seraient en dépassement de seuil de qualité de l’air, qui seraient concernées par une interdiction. Le chiffre d’agglomérations susceptibles à l’heure actuelle de se retrouver dans ce type de situation est au nombre de cinq ».
Philippe Tabarot a aussi demandé un renforcement des aides à l’acquisition des véhicules propres, y compris d’occasion, en priorité à destination des ménages modestes ou habitant en dehors des ZFE mais contraints d’y venir travailler : « Ce sont eux que l’on doit aider en priorité, ceux qui sont les plus perdants face aux ZFE, si on veut éviter un séisme social. » Le sénateur préconise également de « créer un choc d’offre alternative de transport » comme les cars express ou les RER métropolitains pour lutter contre « l’autosolisme ». Rien que sur la question des contrôles, l’installation de radars pour scanner les plaques d’immatriculation par l’Etat n’est toujours pas clarifiée, déplore-t-il.
Des annonces prévues le 10 juillet prochain
« Le ministre a dit qu’il attendait les conclusions de France Urbaine, qu’il a missionné il y a quelques mois, et qui devrait se manifester avant la fin du mois de juin. Il a promis de revenir avec un certain nombre d’annonces sur les ZFE au 10 juillet prochain. Sans cela, nous ne lâcherons pas et devrons réintervenir par le biais d’une proposition de loi par exemple. »
Interrogé par 20 Minutes au sujet de ce rapport, David Belliard, élu écologiste de Paris et adjoint d’Anne Hidalgo en charge des transports et des mobilités déplore que de nouvelles souplesses puissent être accordées : « Le réchauffement climatique n’attend pas, c’est une course contre la montre que nous sommes en train de perdre. Nous payons aujourd’hui l’inaction du gouvernement actuel et celui de ses prédécesseurs depuis plusieurs années. »