Des millions de fourmis invasives ont colonisé une plage près de Montpellier
LITTORAL•Si elles sont simplement pénibles pour les baigneurs, ces « Tapinoma Darioi » peuvent, en revanche, poser d’importants problèmes écologiquesNicolas Bonzom
L'essentiel
- Sur une plage de Carnon, près de Montpellier, une « super colonie » de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions de fourmis, a élu domicile.
- Pour les baigneurs, ces Tapinoma Darioi ne sont pas bien méchantes, elles sont simplement un peu pénibles, notamment quand elles cherchent de la nourriture.
- Mais ces fourmis posent des problèmes pour l’environnement : elles sont capables de supplanter d’autres espèces et de déstabiliser l’écosystème.
Au Petit-Travers, à Carnon (Hérault), elles sont des dizaines de millions, voire des centaines de millions. Pourtant, on les remarque à peine, si on n’y prête pas un peu attention. Mais une fois qu’on les a vues, on ne voit qu’elles. Une « super colonie » de fourmis a élu domicile sur cette plage très prisée des touristes, non loin de Montpellier. Sur environ 600 à 800 mètres, il y en a partout. Sur le sable, dans les dunes, au bord de la route, sur le parking. Et même jusqu’au bord de la 2x2 voies qui mène à la Grande-Motte.
Ces fourmis riquiquis sont de la famille des Tapinoma. Ce sont sans doute, à Carnon, des Tapinoma Darioi, de petites bestioles pénibles et particulièrement invasives, plutôt originaires d’Espagne. Des cousines des vilaines Tapinoma Magnum, qui font des ravages dans les exploitations agricoles, notamment en Corse. A Carnon, ces insectes, qui se reproduisent à vitesse grand V, font, aussi, des dégâts sur l’environnement, même s’ils ne sont pas visibles à l’œil nu. Hyperbalèzes, les Tapinoma Darioi mettent en effet des raclées monumentales aux autres espèces, qui risquent, à terme, de disparaître.
Ces fourmis posent « un problème écologique fort »
« Les fourmis se reconnaissent les unes et les autres grâce à leur odeur corporelle », explique à 20 Minutes Luc Gomel, spécialiste des fourmis à l’université Paul-Valéry de Montpellier, qui étudie de près le nid de Carnon. « Au sein d’une même espèce, normalement, les fourmis se battent, d’un nid à l’autre, parce que leur odeur n’est pas la même, parce que leur mère n’est pas la même. Au sein d’une "super colonie", elles ne s’agressent pas. En revanche, elles consacrent leur énergie à se battre contre les autres espèces. Et elles parviennent, notamment, à supplanter les fourmis autochtones. Cela pose un problème écologique fort. » D’autres insectes, mais aussi certaines plantes, pourraient être menacés, à terme, par cette « super colonie ». Son expansion est donc observée de près. Mais pour l’instant, il n’est pas question de les chasser.
Mais que les baigneurs se rassurent : pour l’Homme, les fourmis de Carnon ne sont pas bien méchantes. Certes, « elles mordent de manière assez agressive, poursuit le chercheur. Mais elles n’ont pas d’aiguillon, ni de venin. » Elles sont, toutefois, particulièrement agaçantes. Ces fourmis ne sortent pas quand il fait soleil, et encore moins quand il fait chaud. Mais quand la nuit tombe, et qu’il n’y a pas de vent qui pourrait les envoyer valser, elles s’aventurent volontiers sur le sable, pour trouver à manger. Et là, c’est l’enfer. « Je me souviens qu’une fois, en passant sur le chemin aménagé dans les dunes, j’ai remarqué que des tas de fourmis me montaient sur les pieds, et même sur les jambes, se souvient une Montpelliéraine. J’ai tout de suite couru jusqu’à la mer ! »
« J’ai vu des gens faire des digues autour de leurs serviettes »
A cause de ces satanées fourmis, le Petit-Travers n’est plus la plage idéale, pour pique-niquer, le soir. « Elles vont presque jusqu’au bord de l’eau, quand il y a un crabe mort, ou de la nourriture abandonnée, et ramènent tout ça dans les fourmilières, explique Luc Gomel. J’ai déjà vu des gens, sur la plage, faire des digues autour de leurs serviettes, pour les empêcher d’entrer dans des boîtes à pizzas, ou dans des canettes. »
NOTRE DOSSIER SUR LA MEDITERRANEEOn ne sait pas comment ces fourmis, qui ne sont pas dans leur milieu naturel au bord de la Méditerranée, ont débarqué à Carnon. Elles sont peut-être arrivées là accrochées à des arbres, quand le littoral a été réaménagé. Ou est-ce la faute à une fourmi du coin, dont le comportement a soudainement muté, favorisant la création d’une « super colonie ».