Brésil: Vale Encantado, la favela chic de Rio
SOMMET RIO+20•C'est un petit village caché sous les fleurs sauvages...à Rio de Janeiro, Audrey Chauvet
La «vallée enchantée»: le nom de cette favela, sur l’Alto de Boa Vista qui surplombe Rio de Janeiro, était prédestiné. Depuis que l’association franco-brésilienne Abaquar y développe un projet de développement économique et social, les habitants de Vale Encantado voient un avenir plus rose se dessiner pour eux et pourraient devenir les hôtes du dernier festival de musique à la mode depuis que M et Seu George y ont ravi les plus durs critiques musicaux de Rio début juin.
1.500 touristes dans la forêt
Nichée sur un versant de la forêt de Tijuca, la favela est très loin de la ville. Isolée de ses problèmes, notamment des trafics de drogue qui prospèrent dans les favelas du centre, mais aussi de ses nombreux petits boulots qui permettent de survivre: alors que dans le centre de Rio, le taux de chômage est à l’image de celui du pays d’environ 5%, sur l’Alto de Boa Vista il est plus proche de 30%.
«Notre objectif était de générer des revenus pour les habitants et pour développer des activités sociales et éducatives dans la favela», explique Jérôme Auriac, président d’Abaquar à Paris. Les associations des habitants des douze communautés de l’Alto ont donc été consultées, réunies, reconsultées, et en 2008, une trentaine de personnes prenaient le projet en charge: développer des activités d’écotourisme dans la forêt, y ouvrir un restaurant, puis est venu l’idée de prolonger par une activité de traiteur. Depuis le lancement de l’initiative, les guides locaux, dûment approuvés par l’Etat, ont promené 1.500 touristes, pour le plus grand plaisir des moustiques…
La vitrine de la favela
Pour mettre un coup de projecteur sur cette initiative, Abaquar a eu l’idée d’organiser un festival dans la favela. Mi-juin, M et Seu George ont rassemblé autour d’eux tout ce que Rio compte de jet-set. Mais également des partenaires qui à l’avenir pourraient réellement changer le quotidien des habitants de la favela: le PDG de GDF-Suez, Gérard Mestrallet, semble avoir apprécié la samba. «Nous créons des partenariats avec plusieurs entreprises ou organisations, selon les besoins de la favela, explique Jérôme Auriac. GDF va bosser sur l’accès à l’eau, Planet Finance est venu donner des cours de gestion, Locus réalise un travail sur l’architecture à base de matériaux recyclés, Pronatura aide sur un projet de potager bio…»
Les cuisinières ont tapé dans l’œil de Troisgros
Mais malgré tous ces appuis, les décisions restent aux mains des habitants, y compris la manière dont ils dépensent l’argent gagné grâce à l’écotourisme ou au festival. «Une fois que l’on a payé les gens, 20% des revenus sont attribués à des activités sociales et le reste va dans un fonds qui permet de faire des investissements», témoigne Ottavio Barros, notre guide dans la forêt. Cette gestion communautaire est le point fort du projet: «Abaquar pourrait ne plus s’en occuper demain, ça marcherait toujours, mais par contre on serait un peu tristes!», reconnaît Jérôme Auriac, qui connaît bien les habitants de la favela.
Pour le festival, plus de 80 d’entre eux ont travaillé à l’organisation, au transport, à la restauration… pour réaliser au final un chiffre d’affaires d’environ 13.000 réais (5.000 euros) sur les deux jours. Tous ont été payés selon le temps travaillé, quelque soit leur fonction. Un jeune ado nous prend en photo avec son téléphone flambant neuf: «Il l’a acheté grâce au festival». De leur côté, les cuisinières de Vale Encantado, qui n’ont pas leur pareil pour accommoder les fruits et les herbes les plus étranges de la forêt, ont tapé dans l’œil d’un des fils Troisgros. Une favela de rêve? «Ok, c’est mieux qu’en ville mais nous n’avons pas de médecins, pas d’école et encore beaucoup de chômage»,rappelle Ottavio Barros. Pour les aider, si tu vas à Rio…