JUSTICENaufrage de l'Erika: La Cour de cassation tranchera à l'automne

Naufrage de l'Erika: La Cour de cassation tranchera à l'automne

JUSTICEL'annulation pure et simple de la procédure pourrait être décidée...
20 Minutes avec AFP

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La Cour de cassation dira le 25 septembre si elle suit ou non l'avis de l'avocat général qui recommande Avec en 1999, à ses yeux «seule issue juridiquement possible». Le groupe Total - affréteur du navire qui avait coulé le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne, déclenchant une gigantesque marée noire - et trois autres prévenus avaient été condamnés pour pollution en 2008, puis en appel en 2010.

«Je comprends que cet avis heurte les consciences, qu'il fasse scandale»

L'audience de la haute juridiction s'est tenue ce jeudi matin devant une large formation de magistrats, qui devront trancher ce dossier sensible. La cassation, sans renvoi devant une nouvelle cour d'appel, «reste à mes yeux la seule issue juridiquement possible», a déclaré l'avocat général, Didier Boccon-Gibod, confirmant ses conclusions écrites rendues publiques début avril.

«Je comprends que cet avis heurte les consciences, qu'il fasse scandale», a-t-il ajouté. Mais «pour que les fautes soient sanctionnées, il faut un texte applicable et c'est là que le bât blesse», a-t-il estimé, jugeant qu'«en termes de droit, cette procédure soulève des problèmes insolubles». L'Erika battait pavillon maltais et a sombré en dehors des eaux territoriales françaises en Zone Economique Exclusive (ZEE). L'avocat général considère que la loi française de 1983, sur laquelle sont fondées les poursuites, ne pouvait pas s'appliquer car elle n'était pas conforme aux conventions internationales signées par la France.

«Je comprends ce que cette issue peut avoir de choquant» mais «le droit reste le droit», a argumenté l'avocat général. Il a assuré que ses «conclusions n'ont été dictées par personne», rappelant que «l'avocat général n'est l'avocat d'aucune partie». L'ex-candidate EELV à l'Elysée, Eva Joly, avait dénoncé en avril «une complicité entre l'Etat et Total» dans ce dossier, une accusation qui avait également été formulée par certains élus.

«Que le droit ne tourne pas le dos à la justice»

Didier Boccon-Gibod a par ailleurs remis spécifiquement en cause l'indemnisation du préjudice écologique. Il a précisé ne pas «émettre le moindre doute sur la réalité de ce préjudice», mais son indemnisation n'est selon lui pas prévue par les conventions internationales. Les avocats des parties civiles se sont employés à démonter son argumentaire, durant cette audience qui a duré plus de quatre heures. «Votre pouvoir d'interprétation est riche», a lancé aux magistrats de la Cour Patrice Spinosi, avocat de collectivités parties civiles dont la Bretagne, soulignant que «les textes en cause manquent considérablement de clarté».

«Votre décision liera les générations futures», a-t-il solennellement ajouté, souhaitant «que le droit ne tourne pas le dos à la justice». Une cassation serait «sacrifier la protection de nos côtes à une logique mercantile», a estimé Didier Le Prado, avocat de la Vendée. Ce serait selon lui «envoyer un funeste signal au monde du transport maritime».

Côté prévenus, Thomas Lyon-Caen, avocat de Total, a rappelé que le groupe pétrolier avait versé 171 millions d'euros d'indemnisation aux parties civiles après le jugement de première instance, et que Rina avait payé 30 millions d'euros après l'appel. «L'enjeu de cette audience n'est pas l'indemnisation», a-t-il souligné. L'avocat général a assuré que le même problème ne se poserait pas aujourd'hui. «La loi a changé, précisément en raison de ses insuffisances», a-t-il dit, avant de conclure: «Votre décision ne sera en aucun cas un encouragement aux pollueurs indélicats».