Afrique du Sud: Le braconnage de rhinocéros, une organisation criminelle bien huilée
BRACONNAGE•Les rhinocéros sont victimes d'une véritable mafia très bien organisée...A.C. avec AFP
Chasseurs, petits trafiquants, fonctionnaires corrompus, propriétaires de réserves: le braconnage des rhinocéros d'Afrique du Sud s'appuie sur une organisation criminelle sophistiquée, comparable à une mafia avec ses importants moyens, hélicoptères, fusils de gros calibre ou armes de guerre. Une organisation complexe, capable de corrompre de nombreux intermédiaires et d'acheminer les cornes depuis les réserves animales sud-africaines jusqu'au fin fond de l'Asie, où elles sont considérées comme un remède miracle contre le cancer ou un aphrodisiaque.
Un pôle de magistrats anti-braconnage a été créé
Cinquante-sept affaires, impliquant plus de 160 suspects, sont actuellement devant les tribunaux en Afrique du Sud, révélant l'ampleur des complicités, y compris parmi ceux qui sont censés protéger les animaux: propriétaires de réserves privées, vétérinaires, policiers, rangers de parcs nationaux... «Certains appartiennent au crime organisé, d'autres non», constate Joanie Spies, l'une des magistrates du pôle anti-braconnage à Pretoria. L'Afrique du Sud a mis en place ce pôle spécialisé de magistrats pour mieux lutter contre un trafic qui a coûté la vie à 200 rhinocéros, rien que depuis le début de cette année. «Lentement mais sûrement, nous avançons», assure Joanie Spies. «Et nous parvenons à attraper des responsables de haut niveau, qui n'ont pas appuyé eux-mêmes sur la gâchette», dit-elle,
Sur le terrain, «le braconnier de base peut être n'importe qui. Cela va de celui qui est recruté exprès au ranger que l'on corrompt», explique-t-elle. «Cela demande un degré élevé d'organisation», la chaîne allant du braconnier au consommateur final «compte jusqu'à quatre niveaux, voire davantage», relève-t-elle. Des chasseurs traquent les rhinocéros avec des hélicoptères avant de les tuer et de couper leurs cornes. D'autres sont victimes de petits braconniers alléchés par les perspectives de revente ou à la solde de puissants commanditaires. Et les cornes atterrissent le plus souvent aux mains des mêmes gros bonnets en Asie, qui les achètent au prix de l'or.
De faux permis de chasse attribués à prête-noms
En avril, c’est un Vietnamien de 25 ans qui a été arrêté à l’aéroport de Johannesburg avec trois cornes dans ses valises. Hong Kong, où les douaniers ont effectué une saisie record de 33 cornes en novembre dernier, est aussi l'un des points névralgiques du trafic et le Vietnam en est le principal marché. «Certaines routes arrivent directement au Vietnam, d’autres passent par la Thaïlande, ou via le Cambodge et le Laos», note Naomi Doak, coordinatrice au Vietnam du réseau de surveillance du commerce de la faune sauvage Traffic. Selon elle, «les moyens pour coordonner l'acheminement des cornes d'Afrique du Sud au Vietnam sont tels que l'implication de mafias fait peu de doutes».
Une majorité de chasseurs vient directement d'Asie et opère avec de faux permis de chasse. Ils ont le droit d'emporter la corne en souvenir. La revendre est ensuite un jeu d'enfant, même si cela est officiellement interdit. Trois Thaïlandais et un propriétaire terrien sud-africain ont été arrêtés récemment, soupçonnés d'avoir procuré de précieux permis de chasse à des prête-noms, des amis, des prostitués, et même des strip-teasers, pour récupérer ensuite les trophées. La tête du réseau, Chumlong Lemtongthai devrait être jugé en juin. Selon les autorités, il a acheté les cornes 65.000 rands (6.500 euros) le kilo, et les a revendues 42.500 euros. Jusqu'à présent, les gros bonnets sont restés hors d'atteinte de la justice, mais les peines prononcées par les tribunaux peuvent être sévères. Fin janvier, une cour a infligé la sanction la plus lourde jamais prononcée pour braconnage, 25 ans de réclusion. Les condamnés, trois jeunes Mozambicains, étaient de simples porte-flingues.