Le pétrole de la discorde aux îles Canaries
PETROLE•Un projet de forage pétrolier exploratoire aux îles Canaries a récemment soulevé la population. Les habitants dénoncent la menace qu'il ferait peser sur cet archipel déclaré en partie Réserve de Biosphère de l'Unesco et dont 90% de l'économie dépend du tourisme...Eudoxie Jantet
Le Conseil des ministres espagnol a accordé le 16 mars dernier à la compagnie pétrolière espagnole Repsol le droit de réaliser des prospections face aux îles de Lanzarote et Fuerteventura (Canaries).
Le forage pétrolier exploratoire pourrait commencer incessamment sous peu. Mais pour l’instant, Repsol doit encore montrer patte blanche en publiant une étude d’impact environnemental détaillée. La compagnie a en l’état seulement le droit d’étudier la zone de forage.
La population manifeste contre le projet
Ce forage offshore ultra-profond, à 3.500 mètres de profondeur, fait grincer les dents de la population des Canaries et des gouvernements provinciaux des différentes îles de l’archipel. Le 24 mars dernier, plus de 25.000 personnes ont manifesté dans les rues d’Arrecife, la capitale de Lanzarote, soit environ 18% des habitants de cette île. Cependant, «la capitale a été complètement bloquée», nous a expliqué Julie Genicot de l’association Ecosystem Otro Mundo es Posible. Ce qui, selon elle, laisse à penser qu’il y aurait pu avoir encore plus de monde dans les rues.
Sur les sept îles que comptent les Canaries, 50.000 personnes au total se sont mobilisées contre ce projet. D’autres manifestations ont été menées en parallèle à Madrid, à Barcelone, et même en Allemagne.
De gros bénéfices pour peu de retombées
Selon Ezequiel Navio Vasseur, directeur du WWF Canaries de 1997 à 2007, le gisement pétrolier face aux îles de Lanzarote et Fuerteventura «pourrait valoir 150.000 millions d’euros.» Mais il ne faut pas crier à la victoire économique. «Ce projet pourrait avoir des conséquences néfastes pour les mammifères marins et les baleines» de l’archipel, l’une des plus grandes réserves marine d’Europe. Cet homme, désormais militant anti-forage, pointe du doigt le nouveau gouvernement central d’Espagne qui «travaille avec Repsol, et défend les intérêts financiers de cette compagnie contre la population, et alors même que les gouvernements provinciaux des îles de Lanzarote et Fuerteventura sont opposés au projet.»
Pour rappel, en 2002, une décision du tribunal suprême espagnol a débouté un projet similaire de Repsol car la protection de l’environnement n’était pas suffisamment prise en compte. Le mois dernier pourtant, «ce sont les mêmes conditions environnementales qui ont été approuvées, à la veille de l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme européenne plus stricte et rendant responsable les compagnies pétrolières en cas de déversement», déplore Julie Genicot. Un projet de directive européenne pour durcir les normes du forage offshore est actuellement en cours d’élaboration au sein du groupe de travail européen dédié à ces questions.
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