DECHETSA Romainville, le projet de méthanisation des déchets met le feu aux poudres

A Romainville, le projet de méthanisation des déchets met le feu aux poudres

DECHETSLe projet d'usine de méthanisation des ordures ménagères inquiète les habitants des communes voisines, qui redoutent les odeurs et l'inefficacité du procédé...
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

A la base, c’est une belle idée: décomposer les déchets d’une part en compost, utilisable par les agriculteurs pour épandre sur leurs champs, et d’autre part en biogaz pour produire de l’électricité. La méthanisation fait partie des idées développées pour valoriser les ordures ménagères et réduire la quantité de déchets enfouis ou incinérés. Mais à Romainville, en Seine-Saint-Denis (93), le projet d’usine de méthanisation a provoqué la fronde des riverains du site. Leur peur: des odeurs pestilentielles et des risques d’explosion des conteneurs dans lesquels sera produit le méthane.

Le Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers qui porte le projet, a demandé à l’entreprise Urbaser Environnement, avec qui le marché a été passé, de confirmer pour le 9 janvier les engagements pris lors de la signature du contrat. «Nous avons eu le sentiment qu’Urbaser nous demandait de choisir entre les performances environnementales du projet et le coût, explique François Dagnaud, président du Syctom. Nous ne demandons que le respect des engagements pris.» Pas de quoi satisfaire l’association de riverains, l’Arivem, qui organise depuis plusieurs mois des réunions publiques et distribue des tracts pour dénoncer le projet, qui serait la plus grande usine de tri mécano-biologique (TMB) en Europe, avec 322.500 tonnes de déchets traités par an dans une zone très densément peuplée.

La qualité du compost, pierre angulaire du projet

Le TMB consiste à prendre toutes les ordures ménagères, non triées par les habitants, et à séparer les bio-déchets transformables en compost des déchets non valorisables, comme le verre. «Toutes les usines existantes qui pratiquent le TMB n’arrivent pas à commercialiser le compost issu des ordures ménagères car il contient des polluants qui ont souillé les déchets biologiques, déplore François Mouthon, représentant de l’Arivem. Il reste des plastiques dans le produit final, les agriculteurs n’en veulent pas et au final tout repart à la décharge.»

Chez Urbaser Environnement, on assure que le compost sera conforme à une norme qui assure sa qualité. «Le compost subira des analyses mensuelles, précise Bertrand Hyllaire, directeur commercial chez Urbaser environnement. Nos expériences passées nous ont montré qu’il y avait une évolution majeure dans la qualité des déchets: les contaminants comme les pots de peinture, les batteries ou les piles sont de plus en plus déposés en déchetterie et on a de moins en moins de substances toxiques dans les ordures.»

Du côté de l’Ademe, on reste prudent: dans un avis rendu en mai 2010, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie rappelait que «les retours d’expériences» étaient «limités et peu probants au regard de la qualité du compost produit». Mais François Dagnaud rappelle que l’Ademe a participé au financement du projet de Romainville à hauteur de 10 millions d’euros, la preuve selon lui que le Syctom est «pile poil dans les orientations de l’Ademe, qui dit non au tout TMB mais qui préconise la complémentarité des modes de traitement des déchets.»

Le méthane, un explosif qui inquiète

Autre défaut pointé du doigt par l’Arivem, la production de biogaz serait compliquée et coûteuse. «Nous disposons d’un système qui permet d’épurer le biogaz et il sera revendu à EDF, ce qui réduira le coût de l’installation», assure Bertrand Hyllaire. La note de l’Ademe rappelait que le procédé en lui-même consomme beaucoup d’énergie: «La chaleur nécessaire au séchage du digestat issu de la méthanisation pour le préparer à la phase de compostage représente une consommation d’énergie qui pèse sur les coûts.»

Enfin, les risques d’explosion des conteneurs de méthane sont montrés du doigt par les riverains: «L’étude de risque d’Urbaser émet la possibilité de l’explosion d’un digesteur, mais il y en aura six côte à côte avec une possible réaction en chaine», rappelle François Mouthon, pour qui les habitants de Seine-Saint-Denis servent de cobayes. «Nos voisins étrangers sont en train d’abandonner le TMB mais en France on a du mal à revenir sur les effets d’annonce».

Le TMB, une «porte d’entrée» vers d’autres méthodes

Chez les riverains, l’exemple de l’usine de Montpellier a fait naître de grandes craintes pour leur cadre de vie: odeurs et trafic de camions inquiètent. «Les bâtiments seront clos et hermétiques, assure Bertrand Hyllaire. L’air sera aspiré en continu et traité pour le débarrasser des composés malodorants.» Quant au trafic de camions, il ne devrait pas s’accroître avec le nouveau centre de méthanisation, une plateforme fluviale étant mise en place à Bobigny pour acheminer le compost. «Aujourd’hui, à Romainville, on a un centre de transfert qui reçoit les déchets et les renvoie vers l’incinération ou la mise en décharge. Ce centre génère un trafic de 13.000 gros camions, qui disparaitront», assure le président du Syctom.

«Je ne suis pas un forcené du TMB, mais quelle alternative avons-nous?, poursuit François Dagnaud. Il faudrait que les communes mettent en place une collecte séparée pour les déchets organiques, or cela est compliqué et très coûteux, surtout dans une zone urbaine dense. Pour convaincre les maires de mettre ce tri en place, il faut leur prouver qu’il y a des débouchés et pour cela le TMB est une porte d’entrée vers d’autres méthodes de méthanisation.»

Poussé par les objectifs du Grenelle

Le TMB ne serait donc qu’une solution provisoire, qui permet aux communes de se conformer aux objectifs de réduction des incinérations ou de mises en décharge imposées par le Grenelle de l’environnement et par l’Union européenne. «Le coût de traitement d’une tonne de déchets par méthanisation est de 130 euros, contre 85 euros pour l’incinération, 95 euros pour la mise en décharge et 200 euros pour la collecte sélective. On est donc à mi-chemin entre les traitements classiques qu’on nous demande de réduire et des collectes sélectives à développer», conclut François Dagnaud, qui déplore que l’Arivem «n’écoute pas les réponses que nous leur donnons.»