Durban: un accord possible?
SOMMET CLIMAT•Le porte-parole de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH) raconte à «20Minutes» ses impressions sur les négociations...à Durban, Benoît Faraco
Benoît Faraco, le porte-parole de la Fondation pour la nature et l'homme (FNH) est à Durban pour le dernier jour des négociations. Pour 20 Minutes, il s'interroge sur l'issue possible pour ce sommet sur le climat.
«La fin de la journée a été marquée par plusieurs évolutions en réponse aux avancées faites par la Chine, et à l’alliance qui se dessine entre l’Union Européenne et quelques pays émergents. Dans la soirée a commencé une nouvelle Indaba, des négociations organisée par l’Afrique du Sud, présidence de la COP, sous un format informel pour tenter de trouver un accord sur la suite à donner au Protocole de Kyoto, et sans doute lancer de nouvelles négociations pour construire un accord plus large avant 2020.
A quoi jouent les Etats-Unis?
Les Etats-Unis, le Canada et le Japon, qui refusent toujours de s’engager sur une deuxième période de Kyoto ont été contraints de faire évoluer quelque peu leurs positions. On peut s’interroger sur ce revirement, puisque dans les négociations qui ont eu lieu dans la soirée, on a vu ces pays prendre des positions assez audacieuses, allant même demander qu’un accord soit trouvé avant 2015. Ces positions sont en effet en totale contradiction avec ce que font ces pays pour réduire leurs émissions de GES (le Canada est totalement en dehors de son engagement dans Kyoto et les Etats-Unis ont augmenté leurs émissions de 7% depuis 1990).
Il semblerait donc que les Etats-Unis, pris au piège de leur position qui consiste à dire «tant que la Chine signe pas un accord, nous ne bougerons pas», cherchent désormais à durcir la négociation pour éviter un accord.
La Chine, nouveau leader de la négociation?
En effet, les Chinois, qui sont le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, mais dont les émissions par habitant sont 5 à 6 fois inférieures à celles des américains, refusent de s’engager trop tôt, avant 2020, dans un accord contraignant. En demandant une date d’accord irréaliste pour les Chinois, les Américains jouent un jeu dangereux, et on peut imaginer qu’ils souhaitent finalement faire imploser la négociation.
Rappelons que la Chine est un pays qui commence à prendre très au sérieux la question du changement climatique. Comme l’Inde, ce pays connaît déjà et va connaître, dans les décennies à venir, des impacts très forts du changement climatique. Fonte des glaciers himalayens, sécheresses et désertification dans certaines régions, inondations dans d’autres, la Chine a intérêt à agir, et à ce que l’ensemble des pays réduisent leurs émissions. Cette évolution, qui a commencé à Bali en 2007 semble donc se poursuivre ici, et se confirme par de nombreux investissements dans les énergies renouvelables, mais aussi par l’adoption de mesures de réduction de la consommation des véhicules, qui sont des signaux positifs. Même si tout n’est pas parfait, nous sommes quand même en train d’assister à Durban, à des évolutions importantes des pays émergents, car la Chine est suivie par l’Inde, le Brésil, qui eux aussi prennent la question climatique très au sérieux.
Va-t-on finalement trouver un accord à Durban?
La possibilité d’un accord d’ici demain est donc revenue sur toutes les lèvres des délégués ici à Durban. Mais le calendrier pour l’instant envisagé, c’est à dire le lancement d’un nouveau cycle de négociation pour un nouveau traité qui serait adopté autour de 2017 mais n’entrerait en vigueur qu’en 2020 nous éloigne encore un peu plus de l’objectif des 2°C de réchauffement maximal.
Finalement, on a l’impression que les principaux émetteurs de gaz à effet de serre essaient ici de se donner un sursis, pour éviter, en pleine crise économique et financière, d’adopter des mesures de lutte contre le changement climatique. Et en retardant l’échéance, les principaux décideurs politiques font finalement le choix de continuer (presque) comme avant, en faisant courir à la prochaine génération le risque d’un climat qui s’emballe et qu’on ne maîtrisera pas.
La grande inconnue de la journée de vendredi est donc la réduction des pays les plus vertueux dans ces négociations. D’un côté, les pays les plus vulnérables, c’est à dire les petits états insulaires et l’Afrique, qui ne peuvent pas se contenter d’un accord aussi faible. Et de l’autre l’Union Européenne, qui a réaffirmé aujourd’hui son ambition en matière de lutte contre le changement climatique, mais qui pourrait bien, à l’image des Etats-Unis, se contenter d’un accord à minima.»