Des décharges de Thaïlande à un événement sportif à La Plagne: La vie d'un crédit carbone
CLIMAT•Alors que l'avenir du protocole de Kyoto est en négociation au sommet de Durban, deux entreprises françaises nous expliquent comment marchent les crédits carbone et les mécanismes de développement propre...Audrey Chauvet
Quel est le point commun entre une décharge thaïlandaise et un rassemblement de sportifs français à La Plagne? C’est le fameux protocole de Kyoto, dont l’avenir est en discussion au sommet sur le climat de Durban qui s’est ouvert ce lundi. En créant un marché du carbone et des mécanismes de développement propre (MDP), le protocole a permis à des entreprises de mettre en place des activités de création et d’échange de crédits carbone. Exemple avec la vie d’un crédit carbone échangé par deux jeunes entreprises françaises, Bionersis et Love the world.
Echanges de carbone
Notre crédit carbone est né dans une décharge. En Amérique du sud ou en Asie, Bionersis traite le méthane issu de la décomposition des déchets: «Notre métier est de capter le méthane, de détruire son aspect nuisible et de le valoriser pour apporter de l’énergie dans les pays en développement», explique Nicolas Heuzé, directeur général. La société installe donc des unités de captation du gaz afin d’éviter qu’il ne parte dans l’atmosphère où il a un potentiel de réchauffement vingt fois supérieur à celui du CO2. Ces projets, homologués «MDP» par les Nations unies, sont à l’origine de la naissance des crédits carbone, qui correspondent aux émissions évitées.
«Nous vendons des crédits carbone aux gros émetteur de gaz à effet de serre européens, notamment les producteurs d’énergie soumis aux quotas d’émissions, explique Nicolas Heuzé. Mais nous vendons aussi des crédits pour la compensation volontaire.» C’est là que notre crédit carbone, dûment numéroté et enregistré à la Caisse des dépôts et consignations, va connaître sa seconde vie: racheté par Love the world, il va compenser les émissions des sportifs qui se rendront à La Plagne pour «Les étoiles du sport». «Nous achetons les crédits carbone générés par Bionersis, ils sont transférés de leur compte vers le nôtre, précise Bertrand Ramé, cofondateur de Love the world. Ensuite nos clients, dont les Etoiles du sport, nous achètent les crédits carbone entre 15 et 20 euros la tonne, et nous les sortons de nos comptes.»
«Dans un monde idéal la compensation n’existerait pas»
La vie du crédit carbone serait donc entièrement virtuelle, un simple mouvement de compte à compte, à l’image de n’importe quel autre marché financier. «Le processus est virtuel mais la destruction de gaz à effet de serre est réelle, rappelle Bertrand Ramé. La crédibilité du système passe par la fiabilité et le suivi de tous ces crédits. C’est pour ça que nous adhérons à la Charte de compensation carbone de l’Ademe et que nous sommes enregistrés à la Caisse des dépôts et consignations.»
Les sportifs peuvent donc se rassurer: leurs émissions de gaz à effet sont compensées par la destruction d’autres émissions dans les pays en développement. Mais le système n’a pas été conçu pour soulager la conscience des pays industrialisés: «Lorsque nous approchons un client, nous calculons ses émissions puis nous cherchons des pistes de réduction de ses émissions et enfin nous vendons des crédits carbone pour la partie incompressible. La priorité est de réduire la quantité d’émissions à compenser. Dans un monde idéal, la compensation n’existerait pas», précise Bertrand Ramé.
Du côté de Bionersis, on espère surtout trouver une manière de produire de l’électricité dans les pays en développement: «Les réserves de méthane ont vocation à être une énergie importante pour les pays en développement, car elle est propre, présente en grande quantité et proche des centres de consommation», est convaincu Nicolas Heuzé, qui espère une hausse du prix des crédits carbone car «à six ou sept euros la tonne sur le marché des quotas, les industriels ont plus intérêt à en acheter que de chercher des solutions pour émettre moins de gaz à effet de serre».