Lutte contre les moustiques en Camargue: l'heure du bilan
ENVIRONNEMENT•Depuis cinq ans, les moustiques sont traqués pour ne plus gâcher la vie des habitants et des touristes en Camargue...© 2011 AFP
Depuis cinq ans, des agents traquent les moustiques en Camargue, pour le bonheur des habitants et des professionnels du tourisme... et sous l'oeil attentif des scientifiques, soucieux de l'impact de l'opération sur cette zone naturelle protégée. Le bilan de la campagne expérimentale, menée par l'Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID), organisme créé en 1958, sera dressé à l'automne.
Epandage aérien d'insecticide ou traitement terrestre
Si le Parc a longtemps fait rempart à la chasse au moustique, une invasion d'insectes particulièrement douloureuse, en septembre 2005, a sonné le glas des résistances. Un an plus tard, l'opération démarrait, sous l'égide du Conseil général, pour un coût de 700 à 800.000 euros par an. Champ d'action de l'EID: 2.300 hectares de gîtes larvaires répertoriés sur les communes de Port-Saint-Louis-du-Rhône et Salin-de-Giraud. «Les femelles pondent sur sol sec dans la végétation et l'éclosion intervient lors des périodes de mise en eau (précipitations, irrigations et fluctuations du Rhône et de la mer)», explique la coordinatrice opérationnelle, Dominique Gindre.
Les six agents, qui sillonnent quotidiennement la zone, décident alors «des moyens les plus adaptés à mettre en œuvre», poursuit Nicolas Bonton, responsable de l'agence Arles-Camargue: épandage aérien de l'insecticide (le Bacillus thurigiensis israelensis - BTI) pour les grandes surfaces (78% des cas) ou traitement terrestre (engins chenillés ou à pied). La réactivité des opérations est cruciale, «le produit étant plus efficace sur des stades les plus jeunes»: en période estivale, il faut agir dans les 24 ou 48 heures, la larve devenant adulte en quatre jours. L'objectif, insiste Nicolas Bonton, n'est pas d'«éradiquer» ces insectes mal aimés, mais de «les maintenir à un seuil acceptable pour que la population locale puisse mieux vivre et que le tourisme puisse perdurer».
Le moustique, «ennemi des vacanciers»
Cinq ans après le coup d'envoi, place à l'évaluation: faut-il reconduire l'opération, en revoir les modalités ou bien l'étendre à d'autres zones? Côté habitants, on est plutôt satisfait. «Une majorité de personnes se disent beaucoup moins gênées», rapporte Cécilia Claeys, maître de conférences à l'Université de la Méditerranée, en charge du suivi sociologique, qui prédit un «tollé local» en cas d'arrêt de la démoustication. Le maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Jean-Marc Charrier, fait lui aussi état de témoignages positifs de la population. Et le monde du tourisme ne peut que saluer cette lutte contre «l'ennemi des vacanciers».
Les chiffres de l'EID confirment cette nette amélioration: en ville, une dizaine de moustiques sont capturés en moyenne lors des tests hebdomadaires effectués par les agents pendant une durée de 15 minutes, contre plusieurs centaines auparavant. Reste à déterminer l'effet du BTI sur le milieu naturel. Car si tous s'accordent à dire que ce produit sélectif épargne les autres espèces, il a un effet indirect «à travers la chaîne alimentaire», souligne Brigitte Poulin, chercheur à la Tour du Valat, situé au Sambuc, au sud d'Arles. Selon ses recherches, le traitement a entraîné une diminution des ressources alimentaires des hirondelles des fenêtres, affectant le succès reproducteur de l'espèce.
Au point de remettre en cause la chasse au moustique? «On a enclenché un processus sur lequel il serait difficile de revenir. Mais en fonction des résultats obtenus, des préconisations seront formulées pour essayer de minimiser l'impact sur l'environnement», promet Régis Vianet, directeur adjoint du Parc naturel régional, qui se veut rassurant: ne serait-ce que pour des questions budgétaires, la démoustication se sera jamais étendue à l'ensemble de la Camargue.