Claudine André: son combat pour les Bonobos au Congo
INTERVIEW•A l'occasion de la sortie du film «Bonobos» d'Alain Tixier, rencontre avec Claudine André. Installée depuis de nombreuses années au Congo, cette femme nous livre ses craintes et ses espoirs pour cette espèce menacée...Propos recueillis par Yolaine de la Bigne
Comment vont les bonobos au Congo ?
Les bonobos ne vont pas beaucoup mieux, mais il y a une prise de conscience des autorités congolaises. Nous avons préparé en janvier un début d’un plan pour 50 ans de survie pour ces primates. Il y a une vraie volonté politique de vouloir passer à l’action, de concert avec tous les acteurs de l’environnement.
Quel est ce plan ?
Nous allons faire un état des lieux. Jusque ici, les scientifiques travaillaient de manière disparate, maintenant ils doivent collecter leurs données et réaliser un inventaire. Tous les chiffres qu’on a entendu sur les bonobos - 100 000 en 1980, 10 000 aujourd’hui - sont fantaisistes. Avec 20 ans de guerres difficiles, nous avons vu apparaitre beaucoup d’orphelins victimes du trafic de la viande de brousse. Trafic dont nous obligeons le gouvernement congolais et le ministère de l’environnement à se saisir au nom de la loi.
Que mangent alors les populations ? Par quoi remplacer les bonobos ?
Dans la zone où j’ai remis en liberté les bonobos, il y a essentiellement des pêcheurs. La population vit beaucoup de la pêche. Lorsque j’ai dû trouver l’endroit le mieux adapté à une réintroduction, j’ai pensé qu’il fallait mieux détecter des populations qui avaient d’anciens tabous, qui ne consommaient pas de viande de bonobo. Par des légendes, les bonobos seraient des ancêtres lointains qui ont déjà aidé les hommes. Je suis donc allée dans le paysage forestier de Maringa-Lopori-Wamba où il y a tous ces tabous. En aidant les gens à s’organiser avec des associations de pêcheurs et d’éleveurs, nous essayons de leur donner la possibilité d’acquérir du matériel. Nous les dévions un peu de la chasse. Par contre, ils peuvent très bien pêcher dans leurs forêts. Le niveau de l’eau monte d’1m50 par an, et lorsqu’elle se retire, il reste beaucoup d’anguilles, poissons abondants et bons marché. Il y a aussi la saison des chenilles, pendant laquelle ils peuvent les récolter. Nous connaissons la vie de ces populations car nous les avons beaucoup questionnées. Nous pouvons y arriver. En tout cas, cela fait trois ans que cela fonctionne !
N’est-ce pas difficile de convaincre les populations ?
Nous sommes obligés de faire de la « conservation intégrée », c’est-à-dire que nous ne faisons plus de conservation pure et dure. Nous sommes tout à fait conscients que sans intégrer les populations riveraines des projets de conservation, nous n’arriverons à rien. A 1000 km de Kinshasa, dans la zone où nous avons relâché les bonobos, il y a eu une réelle collaboration avec la population locale. Des tribus ont la jouissance coutumière de cette partie de forêt, et sont les derniers gardiens des bonobos. En échange de cela, nous travaillons énormément avec eux, c’est 80% de notre travail là-bas. Nous les aidons à réorganiser les comités de développement de villages, à remettre un pied devant l’autre après cette période de guerre, et tout simplement à croire en l’avenir.
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