ENQUETEWaste land, un documentaire étonnant sur les trieurs de déchets au Brésil

Waste land, un documentaire étonnant sur les trieurs de déchets au Brésil

ENQUETEL'artiste brésilien Vic Muniz, personnage principal de Waste Land, explique en quoi l'immersion dans l'univers des déchets l'a transformé...
Vik Muniz dans la décharge de Jardim Gramacho
Vik Muniz dans la décharge de Jardim Gramacho - DR

Le documentaire «Waste Land» de Lucy Walker vient de sortir en salle. On y suit l’artiste brésilien Vik Muniz, parti de Brooklyn pour se rendre dans la plus grande décharge à ciel ouvert du monde près de Rio, au Brésil. Son but? Réaliser des portraits de catadores, les trieurs de déchets, à partir de matériaux recyclables. Une aventure humaine et artistique exceptionnelle. Interview de Vik Muniz.

Pourquoi avoir choisi de créer des œuvres d’art à partir de déchets ?
Les déchets, c’était une idée intéressante parce que la poubelle, les ordures, c’est tout ce que l’on ne veut pas regarder. C’est la partie de notre histoire que l’on ne veut pas faire figurer dans l’album de famille. Comme artiste, faire des œuvres visuelles avec un matériel que l’on ne veut pas regarder c’est une proposition très intéressante.

Qu’est ce qui vous a le plus étonné en arrivant à la décharge de Jardim Gramacho?
Pour commencer c’est l’odeur épouvantable du gaz qui est omniprésente, et après les bruits des ordures qui sont déposées par les camions, les voix des gens, les cris des oiseaux. On n’arrive pas à poser son regard, mais, petit à petit, on commence à voir quelque chose qui bouge dans ce paysage. Ce sont les formidables Catadores qui sont habillés avec des vestes de couleurs très vives. Ils portent 200 tonnes de matériaux recyclables par jour… Ces gens-là font des journées de 16 heures, c’est dur. Mais ils sont fiers de ce qu’ils font, ils sont dignes. Ils ont une force de caractère pour résister à ce travail dur, ça a cassé tous les préjugés que j’avais avant d’arriver.

«Waste Land» a permis la reconnaissance des Catadores en les faisant sortir de l’ombre…
Au Brésil en ce moment, on dit que l’économie va très bien, mais c’est justement dans ces moments-là qu’il faut être attentif aux choses qui ne vont pas. C’est difficile pour les Brésiliens d’imaginer qu’il y a des enfants de cinq ans qui trient les poubelles pour aider leurs parents à tenir leurs comptes. En montrant ce film aux spectateurs brésiliens, il y des gens qui ont été offensés, pensant que c’était de la fiction. Mais ce qui les gênait, c’était l’ignorance de ce qu’il se passe tout près de chez eux. Ce que le film a changé, c’est la façon dont les trieurs sont regardés par la société brésilienne. Avant ils n’avaient pas de visage et pas de voix, maintenant, ils sont vraiment perçus comme une classe de travailleurs qui font un travail dur avec beaucoup de dignité.

Avec «Waste Land», on ne peut s’empêcher de penser à nos propres habitudes de tri. Une chose est sûre, on ne regarde plus nos poubelles de la même manière.
Toutes les écoles de Rio devraient faire un tour à Gramacho. Il suffit d’y aller une fois pour ne jamais plus regarder la poubelle de la même façon. C’est drôle, on imagine qu’en jetant quelque chose dans la poubelle ça va aller à un point précis et disparaître. Mais en vrai, c’est l’inverse. Avec ce film, on commence à regarder tout un groupe d’individus qui vit de l’autre côté du système de consommation, qui donne de la valeur à ce qui n’en a plus, qui transforme ça en une richesse.

Que vont devenir les Catadores après la fermeture de la décharge en 2012 ?
La décharge doit fermer pour éviter un accident environnemental. Elle a déjà atteint sa capacité maximale. J’ai averti le préfet de Rio parce que j’ai survolé à nouveau Gramacho il y a quelques mois pour faire des photos pour un livre et j’ai remarqué beaucoup de décharges clandestines. Il faut créer un projet social autour de cette fermeture pour maintenir l’économie locale. La fermeture de Gramacho va affecter 25.000 personnes indirectement. Et c’est difficile de changer les habitudes des gens à une telle échelle.

Plus d’informations sur le site officiel de Waste Land

L’intégralité de l’interview sur NEOPLANETE

Et découvrez la bande-annonce de Waste Land ici