TECHNOLOGIELes nitrates de la Méditerranée vont livrer leurs secrets

Les nitrates de la Méditerranée vont livrer leurs secrets

TECHNOLOGIEUn robot sous-marin va inspecter les profondeurs de la Méditerranée pour effectuer des relevés et mesurer les nitrates. Objectif: déterminer où les océans captent le plus de CO2...
A Nice, Jean Christophe Magnenet

A Nice, Jean Christophe Magnenet

C’est une sorte de planeur jaune, de presque deux mètres de long, avec de petites ailes de chaque côté. A quelques brasses du cap de Nice, une équipe d’ingénieurs vient de confier à ce drôle d’engin un périple de six semaines dans les eaux noires de la Méditerranée. «C’est un glider, un robot sous-marin équipé de capteurs miniaturisés», explique Hervé Claustre. Ce chercheur de l’observatoire océanographique de Villefranche-sur-mer pilote les opérations. Sans moteur et uniquement mû par un système de basculement de liquides, son planeur jaune va enchaîner les aller-retour avec la Corse, oscillant entre 0 et 1.000 mètres de profondeur pour collecter des données physiques, comme la température de l’eau et la salinité, mais surtout effectuer des relevés chimiques. «Nous allons mesurer les nitrates présents dans l’eau de manière continue, et ça c’est une première mondiale», avance Hervé Claustre. Equipé d’un GPS et d’une liaison satellite, ce robot pourra échanger des messages de type SMS avec les scientifiques pour livrer quasiment en temps réel ses constatations.

Le CO2 en ligne de mire

Dans quel but ? «Etudier le développement du phytoplancton, et du même coup comment est stocké dans les océans le CO2, un des principaux gaz à effet de serre», répond Hervé Claustre. Premier maillon de la chaîne alimentaire sous-marine, ces micro-algues jouent en effet le même rôle que les arbres de la forêt amazonienne sur terre, en transformant du CO2 en matière organique, mais sous l’eau. Pour se développer, elles ont besoin de lumière et des nitrates portés par les eaux froides des grands fonds. Avec son nouvel engin, Hervé Claustre espère bien observer comment les courants marins font remonter les nitrates vers la lumière, donc favorisent la naissance de phytoplancton. «Et par ricochets, où les océans captent le plus CO2 en fonction des saisons! Tout notre travail tend vers cet objectif final», précise Hervé Claustre.

Un «petit jardin» entre Nice et la Corse

Pour mener à bien cette mission, son équipe de chercheurs bénéficie d’un «petit jardin» d’exception entre l’Ile de beauté et la Côte d’Azur. «Dans cette région, la floraison de phytoplancton est particulièrement dense, détaille Fabrizio D’Ortenzio, qui collabore au projet. Le courant liguro-provençal créé les mêmes mécanismes que le fameux Gulf Stream.» L’occasion de percer quelques secrets de cet immense courant océanique, qui traverse l’atlantique des Bahamas jusqu’au Nord de l’Europe et influe sur le climat.

Une centaine de flotteurs déployée en 2012

Dans la foulée, les ingénieurs de l’observatoire océanographique ont également lâché en mer un grand flotteur, équipé de la même batterie de capteurs. «Ceux-là descendent à 2.000 mètres de fond, mais cette année ils sont en phase de test», prévient Hervé Claustre. Ces stations météo version grand bleu iront donc même là où les satellites ne voient plus. Avec le programme de recherche remOcean, le scientifique compte l’an prochain déployer une centaine de ces flotteurs en Méditerranée et à proximité du Groenland. La mission assignée est identique à celle du glider: «mesurer les nitrates pour comprendre ce qui influe et régule le développement du phytoplancton dans les océans», rappelle Fabrizio D’Ortenzio. L’ensemble de ces données, une fois mises en musique dans différents modèles mathématiques pourront même déboucher sur de multiples applications et par exemple prévoir l’arrivée de bancs de méduses ou d'améliorer la gestion des pêches.