Un «avenir plus sympathique» pour les chauves-souris
ANIMAUX•Ces animaux mal connus sont essentiels à l'équilibre des écosystèmes...© 2011 AFP
Chassées des villes par la lumière, fauchées en traversant les routes et aujourd'hui martyrisées par les éoliennes… Les chauves-souris ont encore parfois du mal à survivre au monde moderne, même si les aménagements se multiplient pour leur offrir «un avenir plus sympathique». «Dans les années 80, le pronostic vital de la chauve-souris était engagé. Aujourd'hui, elle est dans une phase de convalescence.» Laurent Arthur, conservateur adjoint du Muséum d'histoire naturelle de Bourges, la «Mecque» de la chauve-souris en France, dresse un bulletin de santé rassurant en cette Année internationale de la chauve-souris.
Avec 1.250 espèces recensées dont environ 35 en France, le chiroptère représente près du quart de toutes les espèces de mammifères. Autrefois mal aimée, la chauve-souris n'est désormais plus oubliée, en raison de son précieux rôle d'insectivore nocturne mais aussi car elle est «un excellent indicateur de la qualité environnementale d'un milieu», confirme Jean-François Julien, du Muséum d'histoire naturelle de Paris où des journées de sensibilisation sont organisées de vendredi à dimanche.
Arrêter les pales des éoliennes
Les deux spécialistes soulignent notamment les progrès accomplis pour réduire l'impact des éoliennes sur les chauves-souris, victimes de collision avec les pales en mouvement ou d'hémorragies internes provoquées par les variations de pressions. Le bureau d'étude Biotope teste à Bouin (Vendée) un système entraînant l'arrêt des machines au moment où les chauves-souris sont les plus actives, permettant une réduction de la mortalité sans entraîner de perte majeure de productivité du parc éolien. «C'est actuellement la seule méthode connue qui ait un impact positif car les autres choses développées, comme la projection de cris de détresse ou d'ondes très fortes ne fonctionnent pas», selon Laurent Arthur.
Etudes d'impact, mesures d'atténuation: les moyens sont mis pour mieux connaître et préserver cette espèce protégée. «Il y a dix ans, on avait des moyens dérisoires, aujourd'hui on a les moyens de mener des niveaux de diagnostic importants», témoigne Vincent Lecoq, responsable du bureau d'étude Eko-Logik qui utilise notamment des enregistreurs ultrasons pour identifier les zones sensibles avant la construction de lignes LGV ou d'autoroutes dans le sud de la France. Ces études plus fines en amont permettent des aménagements plus adaptés, comme sur l'autoroute A65, entre Pau et Langon (Gironde), où un viaduc a été calibré pour préserver un moulin abritant des chauves-souris.
Des passerelles pour les chauves-souris
Dans le Cher, le conseil général fait désormais en sorte d'adapter certains ponts aux chauves-souris en prévoyant, dès la construction, un espace entre la corniche et le tablier pour qu'elles puissent y nicher. Mais protéger l'habitat des chiroptères ne suffit pas, l'accès aux territoires de chasse, fragmentés par les routes, est aussi capital, rappellent les spécialistes. «Les rhinolophes tracent à 40 cm de hauteur à la vitesse d'un cycliste, alors quand elles croisent une voiture qui roulent à 90 km/h...», souligne Laurent Arthur, évoquant une initiative en cours sur la rocade de Bourges visant à aménager une passerelle existante pour inciter les chauves-souris à l'emprunter plutôt que de traverser la route.
Certains aménagements peuvent être très utiles «sans rien coûter à la société», rappelle le naturaliste, comme modifier l'éclairage d'un bâtiment public dont les spots, mal orientés, peuvent faire fuir des colonies entières. Et de prévenir: «La chauve-souris ne fait plus peur, mais il faut rester vigilant pour qu'elle puisse vraiment envisager un avenir plus sympathique.»