Le débat sur l'extraction de gaz de schiste par fracturation hydraulique gagne la France
PLANETE•Solution énergétique miracle ou danger pour les populations, chacun donne sa version...Philippe Berry
Etes-vous familiers avec la fracturation hydraulique? Cette technique consiste à creuser un conduit et à y injecter un cocktail d'eau, de sable et de produits chimiques à haute pression pour créer des failles artificielles dans le sous-sol. Du gaz naturel, prisonnier de la roche, est ainsi libéré et de nouveaux gisements exploités. La méthode est utilisée depuis près de 60 ans. Mais de récents progrès permettent de creuser plus profond –jusqu'à 3.000 mètres, très loin sous la nappe phréatique– et surtout horizontalement, parfois sous des zones habitées. Avec des conséquences encore mal mesurées.
En 2010, une dizaine de permis d'exploration ont été accordés en France. «En tout opacité et sans débat public», regrette Corinne Lepage dans une tribune publiée par Rue89, lundi. «Il n'y a jamais eu de débat à l'Assemblée nationale sur l'intérêt et la nécessité d'exploiter le gaz de schiste en France. Ces permis de prospection ont pourtant été accordés sur de vastes territoires aux écosystèmes parfois fragiles», renchérit José Bové dans une interview à Midi Libre, mardi.
GasLand, le documentaire choc
Les Etats-Unis vivent une véritable course au gaz de schiste. Le pays est devenu en 2009 le premier producteur mondial de gaz naturel, devant la Russie, bien aidé par le boom de la fracturation hydraulique (ou «frac'ing) en VO).
Le refrain de l'industrie est bien huilé: la technique est sûre, propre et permet d'être moins dépendant du pétrole étranger. Une douce mélodie aux oreilles des politiciens. Sous la houlette de Dick Cheney, vice-président pendant huit ans et ancien PDG d'Halliburton, l'un des géants américains du pétrole, de nombreuses entreprises ont pu prospérer dans un système largement dérégulé.
En 2005, la loi sur l'énergie a exempté la fracturation hydraulique des régulations du Clean Water Act. Les entreprises n'étaient alors même pas contraintes de révéler au public l'intégralité des produits chimiques présents dans le liquide de fracturation utilisé, pour protéger leurs secrets industriels.
Et puis est arrivé le documentaire GasLand, récompensé à Sundance. Josh Fox a parcouru les Etats-Unis, notamment à la rencontre de ces habitants qui ont accepté de louer leurs terres pour installer des puits. L'industrie pétrolière paie jusqu'à 10.000 dollars par hectare.
Eau marron ou inflammable, maladies inexpliquées, animaux qui meurent... Le portrait à charge interpelle. Suffisamment pour que plusieurs Etats instaurent des moratoires, demandent des recherches supplémentaires sur les risques et poussent les entreprises à publier la liste des produits chimiques utilisés.
L'industrie, elle, explique qu'il s'agit d'incidents isolés et se décharge souvent sur des ouvriers locaux qui n'auraient pas respecté les normes de sécurité, notamment au niveau des caissons isolants.
Qui a raison? Difficile de trancher. Du coup, l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a lancé la première étude globale à l'échelle nationale, au printemps dernier, reconnaissant que les choses avaient «beaucoup changé» depuis son rapport vite expédié en 2004. Ses conclusions seront sans doute scrutées de près, même en France.