Le vrai prix des fruits exotiques
PLANETE•Pesticides, salaires dérisoires et maladies se cachent derrière les ananas et les bananes...Audrey Chauvet
Un euro l’ananas, un kilo de bananes pour 1,50 euro... Pour le consommateur occidental, manger des fruits exotiques n’est plus un luxe. Mais pour les travailleurs des plantations, le prix à payer est élevé. Un reportage réalisé par le quotidien britannique The Guardian pour l’association de consommateurs Consumers International (CI), dévoile les pratiques sociales et environnementales désastreuses de la production d’ananas au Costa Rica.
Pollutions et intoxications dans les plantations
Première victime des fruits exotiques bon marché: l’environnement. Dans les pays producteurs, les pesticides, engrais, et autres insecticides sont utilisés abondamment pour maximiser le rendement. Résultat: tous ces produits chimiques infiltrent les sols et se retrouvent dans les nappes phréatiques ou les rivières dans lesquelles la population se baigne ou pêche, quand les poissons ne sont pas déjà morts à cause de la pollution.
Douleurs liées à des conditions de travail difficiles, intoxications aux produits chimiques: pas facile de travailler dans les plantations de bananes et d’ananas. Au Costa Rica, le taux d’intoxication par des produits chimiques est six fois plus élevé dans les zones bananières que dans le reste du pays, selon l’Institut régional pour la toxicologie environnementale de l’université nationale. Aux Antilles, le chloredecone, un pesticide utilisé dans les bananeraies, est suspecté d’avoir causé un grand nombre de cancers dans la population.
Les faibles salaires sont loin de compenser les risques pris par les travailleurs, qui ont souvent peur de se faire licencier s’ils se syndiquent pour défendre leurs intérêts.
Les supermarchés responsables?
En France, la CLCV (Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie) relaie la campagne de Consumers International. «Le consommateur devrait savoir si ce qu’il achète a un impact positif sur le terrain et prendre conscience que s’il achète à bas prix, les gens à l’autre bout de la chaîne n’ont pas des conditions de vie décentes», explique Isabelle Le Diberder, membre de cette association de consommateurs, à 20minutes.fr.
Selon la CLCV, ce sont les supermarchés qui doivent rendre des comptes: «Ils ont une influence sur les prix, en les faisant baisser ils savent que ce sont les conditions de vie des travailleurs qui vont en pâtir», dénonce Isabelle Le Diberder. L’association promeut donc le commerce équitable, qui garantit un prix d’achat minimum aux producteurs et une utilisation raisonnée des produits chimiques. «Les fruits exotiques issus du commerce équitable sont plus chers, mais ils ont un impact positif sur le long terme pour les producteurs».
Des bénéfices inéquitablement répartis
Contactées par The Guardian, les grandes surfaces britanniques ont déclaré être déjà engagées dans un processus d’amélioration des conditions de travail chez leurs fournisseurs. Quant aux gros producteurs de fruits, Dole ou Del Monte, ils assurent que l’utilisation de produits chimiques est strictement contrôlée et que la liberté syndicale est respectée dans leurs plantations.
Mais les bénéfices restent largement captés par les grosses entreprises: selon Banana Link, une association qui milite pour la banane équitable, sur le prix d’une banane standard latino-américaine, les supermarchés prélèvent 45% de marge, les importateurs 18%, le transporteur 19%, la compagnie bananière 15,5% et les travailleurs des plantations seulement 2,5%.