Strasbourg : Et si des plantes éclairaient bientôt l’espace public ? Une start-up avance
Innovation•La première plante bioluminescente a été présentée la semaine dernière par la start-up Woodlight. Une avancée qui pourrait révolutionner l’éclairage publicThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Un couple de chercheurs, Ghislain Auclair et Rose-Marie Vesin, a présenté fin septembre au Havre sa première « plante bioluminescente », un tabac modifié génétiquement qui produit de la lumière verte sur demande grâce à une molécule activatrice. Leur objectif est de proposer une alternative naturelle à l’éclairage public polluant.
- Ces plantes lumineuses pourraient avoir de nombreuses applications extérieures comme l’éclairage de parcs ou l’intérieur de bâtiments, mais aussi une utilisation domestique dans la décoration. Elles sont conçues pour ne pas perturber les écosystèmes nocturnes.
- D’ici fin 2025, Woodlight compte expérimenter ces plantes luminescentes dans l’espace public de villes intéressées par le projet, ainsi qu’avec de grands groupes, avec un marché potentiel immense.
Non, ce n’est pas de la science-fiction. Demain, des arbres, des buissons, des plantes en général pourraient éclairer seules l’espace public. « Je ne pense qu’elles seront capables de remplacer les lampadaires mais il ne faut jamais dire jamais », réagit Ghislain Auclair, cofondateurs de la start-up strasbourgeoise Woodlight avec sa compagne, Rose-Marie Vesin.
Les deux docteurs en biologie – elle en cancérologie, lui en génétique moléculaire – travaillent sur ce projet depuis 2016. « Depuis un voyage à New York où on s’est rendu compte de la pollution et de la surconsommation que représentait l’éclairage. On s’est demandé comment répondre à ce problème et l’idée est venue », poursuit le natif de Thionville (Moselle), 37 ans.
Huit ans plus tard, un cap important vient tout juste d’être franchi : ils ont présenté fin septembre au Havre la toute première « plante bioluminescente ». Du tabac, pour le moment. « Car c’est une plante modèle, un peu comme les souris chez les mammifères, mais on pourra travailler sur d’autres variétés », promet le chercheur.
Cela dépendra de la prochaine levée de fonds que Woodlight vient de lancer. « On a déjà réussi à passer de cellules végétales bioluminescentes, visibles au microscope, à un premier prototype de plante bioluminescente visible à l’œil nu. Elles font une dizaine de centimètres et vont grandir. La prochaine étape, c’est de définir avec nos partenaires les besoins du marché. Après, tout sera possible. »
De la lumière verte, pas blanche
Comme rendre la fameuse plante « parfaitement autonome ». Aujourd’hui, elle a besoin d’une « molécule activatrice » pour produire, sur une durée donnée, de la lumière… verte. Pas blanche ni jaune ? « Non, on veut remplacer la lumière polluante par quelque chose de naturel. Le vert ne perturbe ni l’équilibre de la plante ni l’écosystème. Elle ne dérange pas non plus les insectes la nuit », assure Ghislain Auclair. Et la journée, cela reste « invisible » à l’œil nu.
Le duo pense déjà de nombreuses applications, aussi bien à l’extérieur donc qu’à l’intérieur. « Dans les parcs, ce pourrait être des buissons ou des arbres qui pourraient servir à baliser. On peut aussi imaginer beaucoup d’applications dans le design intérieur, pour des restaurants et des hôtels. » Voire, un jour, chez le particulier qui posséderait donc « son orchidée bioluminescente ».
« Potentiellement, on peut toucher toutes les variétés puisqu’on rajoute une capacité à la plante. On la modifie de manière stable de façon à ce qu’elle produise de la lumière. Et elle est stérile, il n’y aura pas de graine qui ira partout », insiste le docteur installé dans un laboratoire à Illkirch-Graffenstaden, à côté de Strasbourg.
L’équipe de Woodlight, désormais composée de six personnes, espère prochainement expérimenter ses recherches sur l’espace public. « On pense d’ici fin 2025. Beaucoup de villes sont déjà intéressées, de grands groupes aussi », ajoute encore Ghislain Auclair en ouvrant également la porte « à l’étranger ». Le marché est immense. Ce n’est pas de la science-fiction.