En RADECes photos montrent pourquoi le plus vieil incinérateur de France déraille

Rennes : En images, pourquoi le plus vieil incinérateur de France est en carafe

En RADELe chantier de transformation de l’usine de valorisation énergétique de Villejean est arrêté depuis plus d’un an, occasionnant un énorme surcoût pour la métropole
Implanté dans le quartier de Villejean, à Rennes, le plus vieil incinérateur de France devait être entièrement retapé un chantier évalué à plus de 150 millions d'euros. Chantier actuellement à l'arrêt.
Implanté dans le quartier de Villejean, à Rennes, le plus vieil incinérateur de France devait être entièrement retapé un chantier évalué à plus de 150 millions d'euros. Chantier actuellement à l'arrêt. - C. Allain / 20 Minutes / 20 Minutes
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Installé à Rennes, le plus vieil incinérateur de France est toujours en arrêt prolongé en raison d’un litige entre la métropole et le constructeur italien.
  • Une rallonge a déjà été accordée portant le coût du chantier à plus de 180 millions d’euros. Et c’est sans compter le coût énorme de l’exportation de nos déchets.
  • La métropole a présenté des photos montrant certaines soudures jugées défaillantes, ce que conteste le fabricant italien Ruths.

EDIT DU 24/06/2024 : L’entreprise Ruths a souhaité apporter des précisions au sujet de ce chantier. Des éléments que nous avons ajoutés à l’article déjà publié.

Voilà plus d’un an que le chantier de modernisation du plus vieil incinérateur de France est à l’arrêt. Empêtrée dans un litige avec le constructeur des chaudières de son usine de valorisation énergétique (UVE) de Villejean, Rennes Métropole tente aujourd’hui d’expliquer pourquoi son usine est en carafe depuis 2023. Pour faire simple, la collectivité reproche à l’entreprise Ruths d’avoir bâclé certaines soudures de ses chaudières lors de leur fabrication dans son usine de Gênes. Sauf que la société italienne s’en défend et assure que son matériel est bien conforme aux normes européennes.

Des photos montrant des soudures non conformes et de mauvais alignements ont été présentées aux maires de Rennes Métropole pour expliquer pourquoi le chantier de l'incinérateur prenait tant de retard.
Des photos montrant des soudures non conformes et de mauvais alignements ont été présentées aux maires de Rennes Métropole pour expliquer pourquoi le chantier de l'incinérateur prenait tant de retard. - Rennes Métropole

Très technique, le sujet est difficilement compréhensible pour l’ensemble des habitants. Il a pourtant un impact concret sur les finances. Car depuis l’arrêt de l’usine de Villejean, l’ensemble des 144.000 tonnes de déchets produits chaque année par les habitants de la métropole doivent être exportés. Ce qui coûte une blinde à la collectivité, de l’ordre de 2,5 millions d’euros par mois. Un surcoût qui a déjà été en partie répercuté par la hausse de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères payée par les habitants. Pour tenter de vous expliquer ce joyeux bordel, 20 Minutes a choisi de vous montrer les photos des fameuses soudures.

Que montrent les photos ?

Sur ces clichés fournis par la métropole, on peut voir que certains assemblages ne sont pas parfaitement alignés et que des fissures apparaissent déjà sur certains éléments. « Comme ce n’était pas aligné, on a des montages qui ont été réalisés en forçant sur des pièces en acier. On peut légitimement se demander comment l’acier réagira quand il sera en fonctionnement », détaille Karine Fleury, qui a la pénible mission de superviser ce gigantesque chantier.

Chacune des deux chaudières de l'incinérateur compte environ 2.500 soudures. La collectivité estime que certaines n'ont pas été bien faites.
Chacune des deux chaudières de l'incinérateur compte environ 2.500 soudures. La collectivité estime que certaines n'ont pas été bien faites.  - Rennes Métropole

Le problème de ces tuyaux, c’est qu’il ne s’agit pas là d’une petite gouttière en zinc d’évacuation des eaux de pluie. Non, on parle ici de tuyaux d’acier qui transporteront de la vapeur d’eau avec une pression de 57 bars et à une température de 273 degrés. « Il est vrai que des photos de détail peuvent paraître pas très belles, comme le serait même miss France prise sous une mauvaise posture, mais ce ne sont pas des arguments probants, surtout un public non sachant facilement impressionnable », répond un responsable de Ruths.

Que disent les expertises ?

Repérées dès 2022, ce que la métropole considère comme des malfaçons n’ont jamais été corrigées par l’entreprise Ruths. L’Italien estime lui que ses soudures sont conformes et s’appuie sur le rapport de l’expert judiciaire qui tranche en sa faveur et invite la métropole à reprendre le chantier. Le problème, c’est que quatre autres expertises réalisées par des cabinets disent l’inverse et assurent que l’installation ne sera pas en conformité avec les normes européennes. « Contrairement à l’expert nommé par le tribunal administratif de Rennes, les avis qui soutiennent le point de vue de Rennes Métropole ne sont pas indépendants », insiste Ruths.

Précisons que la technique de soudure utilisée par Ruths est bien autorisée dans l’Union européenne. Mais pas sur les autres continents. Autre point croustillant. Des soudures, chacune des deux chaudières en compte 2.500. Autant dire qu’il vaut mieux qu’elles soient conformes…

C’est quoi le problème de sécurité ?

Un problème concerne notamment les collecteurs. Ces tuyaux d’acier ont été percés un peu comme une flûte à bec. Mais les trous sont tellement nombreux que 75 % de l’acier constituant la fameuse flûte a dû être enlevé. Car chaque trou de 8 centimètres de diamètre n’est séparé de l’autre que de 3 centimètres d’acier. Il y a donc un véritable risque que l’instrument sonne faux une fois que la vapeur soufflera dedans. Si la quantité d’acier n’était pas suffisante pour supporter la pression et la chaleur, le risque d’un incident serait avéré, selon la collectivité. Sur ce point, les avis des experts ne sont pas tranchés. « Notre priorité, c’est la sécurité des biens et des personnes », rappelle Laurent Hamon, vice-président de Rennes Métropole délégué aux déchets. « Dans notre cas l’objet du débat n’est pas la mauvaise exécution des travaux mais la conformité aux normes européennes du détail de conception des soudures, c’est-à-dire d’un dessin », répond Ruths.

Quels sont les risques pour les habitants ?

L’élu écologiste veut se montrer rassurant. Non, il n’y a pas de risque d’explosion de l’usine bâtie en 1968 et située dans le quartier très densément peuplé de Villejean. « Ça ne rase pas un quartier, les habitants peuvent être rassurés. Mais il y a un enjeu de sécurité pour ceux qui travaillent dans l’enceinte de cette usine ». Et ça, la collectivité ne veut pas le négliger. En attendant de trouver une solution, la métropole continue de dépenser des millions d’euros pour exporter ses déchets. Déjà évalué à 156 millions d’euros, le budget du chantier de modernisation de l’UVE a déjà été rallongé de 25 millions d’euros, dans le but de reprendre l’ensemble des soudures.

Et maintenant, on fait quoi ?

Le dernier rapport d’expertise fourni par le bureau Veritas est formel. Non, les installations réalisées par la société Ruths ne sont pas conformes à la norme européenne. La métropole espère désormais que le constructeur italien lui apportera les garanties qu’elle souhaite, dans le but de reprendre le chantier, qui devrait encore durer au moins un an. « Pour 2024, c’est mort », annonce d’emblée Laurent Hamon, qui espère que les travaux pourront reprendre en 2025. Un temps de pause très rare que de nombreux observateurs ont encore du mal à comprendre. « Quand on a arrêté le chantier, c’était déjà une mesure exceptionnelle. Mais on pensait en avoir pour un ou deux mois maximum », reconnaît Karine Fleury. Quatorze mois plus tard, aucune solution concrète ne se profile. Et c’est sans doute là la chose la plus préoccupante de ce dossier devenu brûlant.