Decathlon va remplacer le néoprène de ses combinaisons d’eau par du caoutchouc naturel
matière première•« 20 Minutes » s’est rendu au « Water Sports Center » de Decathlon à Hendaye, où a été présentée la toute nouvelle combinaison en caoutchouc naturel de la marqueMickaël Bosredon
L'essentiel
- Decathlon vient de commercialiser une nouvelle gamme de shortys junior et de hauts de snorkeling entièrement fabriquée en caoutchouc naturel.
- Ce matériau, le « Yulex 100 », vient remplacer le néoprène, matériau synthétique « fabriqué à base de pétrole ou de calcaire. »
- L’ambition, pour Decathlon, est « de transformer toute la gamme de combinaisons pour qu’elle soit aussi dépourvue de néoprène. »
Une présentation en fanfare, pour marquer le virage écologique que le géant des articles de sport affirme vouloir opérer. Jeudi dernier, Decathlon a officiellement lancé ses toutes premières combinaisons de surf et de snorkeling entièrement fabriquées en caoutchouc naturel, les « Yulex 100 ». C’était depuis son « Water sports center » d’Hendaye, au Pays basque, où le produit a été conçu en partenariat avec la société américaine Yulex.
Ce caoutchouc naturel vient ainsi remplacer le néoprène, un matériau synthétique très répandu dans les sports nautiques, notamment dans la fabrication de combinaisons étanches, en raison de ses propriétés de résistance à l’eau salée, à l’abrasion, aux rayons UV et à la chaleur. Problème : « le néoprène a un réel impact sur l’environnement puisqu’il est fait à partir de pétrole ou de calcaire », explique Julien Cazelles, « ingénieur composant » à l’origine du projet. « En analysant l’ensemble du cycle de vie du produit, on s’est rendu compte que le néoprène représente plus de 30 % de l’impact environnemental d’une combinaison. »
Fabriqué à partir du latex provenant de l’hévéa
« Matériau révolutionnaire », « prouesse technologique »… Les cadres et ingénieurs de Decathlon assurent qu’ils ont relevé un véritable défi avec ce « Yulex 100 », même s’il ne concerne pour le moment que deux produits : la gamme de shortys junior, soit 34 % des combinaisons de surf vendues en 2023, ainsi que les hauts de snorkeling, qui représentent 27 % des hauts et combinaisons de snorkeling et plongée vendus en 2023. Des produits d’ancienne version en néoprène sont encore vendus en magasins, « mais la volonté est de les faire basculer complètement vers le Yulex 100 dès cette année » espère Julien Cazelles.
Cette mousse offre « une réduction de 80 % des émissions en équivalent CO2 par rapport à la mousse néoprène, avec un produit tout aussi léger, chaud, durable et stretch » assure Decathlon. Elle est fabriquée à partir du latex que l’on trouve dans « l’arbre à caoutchouc » Hévéa. « Ce n’est pas la sève de l’arbre qui est utilisée, précise Julien Cazelles, mais une protection naturelle que l’arbre produit tous les jours, et que nous récupérons tous les deux à trois jours, avant de la transformer. »
Lancé il y a trois ans, le projet avec Yulex, qui propose déjà des produits composés à 85 % de caoutchouc naturel, a réellement démarré il y a deux ans et demi. « Plus de 50 tests en laboratoire, 50 formules différentes ont été nécessaires pour que les équipes Decathlon et Yulex réussissent à concevoir ce composant exclusif », souligne Stéphane Saigre, directeur des sports d’eau chez Decathlon.
Caoutchouc naturel certifié
L’entreprise ne risque-t-elle pas toutefois de déplacer le problème, en se lançant dans une exploitation massive de l’hévéa ? « Nous n’utilisons que du caoutchouc naturel certifié PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification) ou FSC (Forest stewarship council), ce qui nous assure que les plantations sont gérées de manière durable et ne sont pas issues de la déforestation » soutient Julien Cazelles.
Originaire du Brésil, l’hévéa est désormais exploité principalement en Asie du Sud-Est. La production mondiale de caoutchouc naturel est estimée à 13,8 millions de tonnes par an, dont 89 % proviennent du continent asiatique, notamment la Thaïlande et l’Indonésie. Au Cambodge, l’hévéa a été reconnu comme étant l’une des principales causes de déforestation.
« Par ailleurs, la ressource en caoutchouc que nous utilisons restera, même au plus fort de notre production, une goutte d’eau en comparaison à l’industrie du pneu. » Quelque 73 % de la consommation mondiale de caoutchouc naturel sont en effet utilisés pour la production de pneumatiques.
De nouveaux défis pour les combinaisons de nage et de plongée
L’autre défi pour Decathlon « a été de garantir le même prix pour rendre cette nouvelle technologie accessible. » « On ne fait pas payer au consommateur le surcoût, que l’on intègre, car on pense que l’on saura revenir rapidement vers des coûts classiques » résume Stéphane Saigre.
Et maintenant ? L’ambition pour Decathlon est évidemment de ne pas en rester là, et « de transformer toute la gamme de combinaisons pour qu’elle soit aussi dépourvue de néoprène ». Mais avant cela, il va falloir relever de nouveaux défis techniques. « Par exemple, en ce qui concerne les combinaisons pour la nage en eau libre, nous recherchons un composant lisse pour améliorer la glisse, ce qui était techniquement très compliqué à faire sur une mousse à base de caoutchouc naturel, mais que l’on va bientôt pouvoir déployer », explique Caroline Revet cheffe de produits composants.
Sur la plongée, « il faut aller chercher des propriétés différentes, des composants qui vont résister à la compression, pour assurer la sécurité de nos plongeurs, poursuit Caroline Revet. En retravaillant le composant de base Yulex 100, nous avons réussi à obtenir cette résistance à la pression. » Aucune date de commercialisation ne peut toutefois être donnée. « Nous sommes encore dans la première phase, il faut que toute la chaîne se déploie maintenant. »
Decathlon, qui a vendu 1,19 milliard de produits dans le monde en 2023, fabriqués en très grande majorité en Asie, est devant un défi environnemental de taille pour réduire son empreinte écologique. Le géant du sportswear assure avoir déjà diminué de 10 % ses émissions de carbone en 2023 par rapport à 2022. Il vise une diminution de 42% d'ici à 2030 (par rapport à 2021) pour atteindre le zéro émission net en 2050. Concernant les sports d’eau, l’entreprise vise 50 % de produits écoconçus en 2024, et 65 % en 2025.
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