Blessé, cet orang-outan s’est soigné tout seul en fabriquant un pansement à base de plantes
MacGyver•Rakus, un orang-outan de Sumatra blessé au visage, a été observé en train de s’appliquer un pansement à partir d’une plante médicinale pour se soigner20 Minutes avec agences
C’est la première fois qu’une telle action est observée chez un primate. Rakus, un orang-outan de Sumatra d’une trentaine d’années, s’est soigné tout seul grâce à un pansement confectionné à partir de plantes sauvages. Il avait été observé en juin dernier avec une vilaine blessure au visage, reçue « probablement lors d’un combat avec un mâle du voisinage », selon Isabelle Laumer, primatologue à l’Institut allemand Max-Planck et première autrice de l’étude publiée jeudi dans la revue Scientific Reports.
Trois jours après sa blessure, Rakus a commencé à mâcher des feuilles d’une liane, appelée localement Akar Kuning (Fibraurea tinctoria). Mais au lieu de l’ingérer, il a porté ses doigts enduits du jus de la plante sur sa plaie à vif. Avant de la recouvrir entièrement de pulpe de liane. Cinq jours plus tard la plaie était refermée. Deux semaines après, elle laissait une cicatrice à peine visible.
D’autres cas d’automédication
Le « remède » utilisé n’a rien de miraculeux, il fait partie de la pharmacopée traditionnelle dans la région, de la Chine à l’Asie du sud-est. Cette liane et d’autres similaires « sont utilisées comme remèdes traditionnels pour différentes affections, comme la malaria », selon la biologiste cognitive, citée par l’Institut Max-Planck. Mais selon l’étude, il s’agit du premier « cas documenté de traitement d’une blessure avec une espèce de plante contenant des substances biologiques actives par un animal sauvage ».
Si elle était confirmée par d’autres observations, elle compléterait une liste croissante de comportements d’automédication par des animaux, notamment chez des primates. Dans les années 1960, la célèbre primatologue Jane Goodall observa pour la première fois que des chimpanzés absorbaient des feuilles dont le rôle antiparasitaire fut révélé plus tard. Un comportement observé depuis chez des bonobos et des gorilles, avec une sélection par l’animal des plantes ingérées, dont la connaissance serait transmise par des femelles.
Plus récemment, des chercheurs ont observé des orang-outans de Bornéo, également en liberté, mâchant les feuilles d’une plante médicinale avant de s’en frotter les membres uniquement. Coïncidence ? Dracenea cantleyi est typiquement utilisée par les populations indigènes pour traiter muscles endoloris et douleurs articulaires.
Une « innovation individuelle » ?
L’étude estime que le comportement de Rakus, comme celui de ses congénères de Bornéo, était bien intentionnel. Avec un traitement répété et méticuleux d’un endroit bien précis, « qui a pris un temps considérable », selon Isabelle Laumer. Coautrice de l’étude, la Dr. Caroline Schuppli n’exclut pas une « innovation individuelle », d’origine accidentelle.
Rakus aurait pu sans le vouloir appliquer le jus de la plante sur sa plaie, juste après avoir porté ses doigts dans la bouche. Comme la plante a un effet analgésique, les singes « peuvent éprouver un soulagement immédiat, les poussant à répéter l’opération plusieurs fois », selon cette responsable du Groupe développement et évolution cognitive à l’Institut Max-Planck.
Ce comportement n’ayant pas été observé localement jusqu’ici, la chercheuse n’exclut pas qu’il soit présent dans la zone d’origine de Rakus, les jeunes orang-outans mâles quittant leur région natale après la puberté. Le fait que, comme les humains, des primates puissent traiter activement une blessure de cette façon laisse imaginer que « notre dernier ancêtre commun utilisait déjà des formes semblables de traitement à l’aide de pommades », selon la Dr. Schuppli.