Faut-il s’inquiéter de cette « neige urbaine » tombée sur un seul quartier de Toulouse ?
déroutant•Samedi, le quartier Saint-Simon s’est réveillé sous un blanc-manteau alors qu’aucun flocon n’était prévu. Il s’agit d’un phénomène de « neige urbaine » lié à la présence de l’incinérateur du Mirail et qui tracasse des habitants. Explications
Hélène Ménal
L'essentiel
- Samedi 13 janvier, une chute de neige imprévue a blanchi le quartier Saint-Simon à Toulouse.
- Cet étrange épisode de « neige industrielle » est lié au panache de fumée émis par l’incinérateur d’ordures du Mirail et à ses « rejets de vapeur d’eau », selon la mairie.
- Mais des habitants restent inquiets et en profitent pour relancer le débat sur la localisation d’un nouvel incinérateur, annoncé pour 2032, et qu’ils aimeraient voir vapoter ailleurs.
De la neige qui n’en était pas vraiment. Samedi 13 janvier au petit matin, quand il a ouvert ses volets, Serge Escartin, un habitant du quartier Saint-Simon à Toulouse, n’a pas été vraiment étonné de voir son jardin recouvert d’un manteau neigeux. « Vu la vague de froid, c’était logique », raconte-t-il. Sauf qu’il lui a suffi de faire « quelques centaines de mètres à pied » pour s’apercevoir que le phénomène était très, très localisé. Trop pour être tout à fait naturel. L’ancien salarié de Motorola, dont le site est situé au pied de l’incinérateur du Mirail, s’est alors souvenu de ces jours où il a embauché en annonçant qu’il neigeait, alors que ces collègues n’avaient pas vu l’ombre d’un flocon dans leurs secteurs.
Car, comme l’a expliqué dès samedi sur le réseau X, Matthieu Sorel, un voisin climatologue à Météo-France, ce n’est pas une neige ordinaire mais une « neige industrielle », que d’autres appellent « urbaine » ou « artificielle », qui est tombée sur Saint-Simon, et à laquelle la proximité de l’incinérateur d’ordures ménagères du Mirail n’est pas étrangère.
Quand l’incinérateur se transforme en « gros canon à neige »
« C’est un phénomène lié aux particules rejetées par l’activité humaine, confirme Pascal Boureau, conseiller départemental PS et prévisionniste météo en retraite. Par des températures négatives, des noyaux de particules hygroscopiques rejetées dans l’atmosphère aimantent les paillettes de glace, qui deviennent plus lourdes que l’air et se précipitent, détaille le spécialiste ». « Ce phénomène de neige urbaine peut se produire près des cheminées d’incinérateur ou du panache de la centrale nucléaire de Golfech par exemple », ajoute-t-il. Pascal Boureau ne se prononce sur la nature des particules à l’origine de la chute de « neige » mais estime que les rejets de l’incinérateur du Mirail, sont « forcément très surveillés ».
Nina Ochoa, la maire de quartier, en sait davantage. « Dans ces circonstances particulières, l’incinérateur a fonctionné comme un gros canon à neige, indique-t-elle, en rejetant de la vapeur d’eau et uniquement de la vapeur d’eau ».
Très probable cas de neige industrielle à #Toulouse, très localisé sur le quartier Saint-Simon, à proximité de l'incinérateur.
— Matthieu Sorel (@MatthieuSorel) January 13, 2024
ℹ️ https://t.co/9NG6CO6yTi pic.twitter.com/n2xkVA1L7p
Serge Escartin n’est pas aussi rassuré que les élus. « Moi, comme je ne suis pas scientifique, j’aimerais qu’on me dise de quoi était vraiment faite cette neige », assure celui qui est aussi membre du Collectif de défense de Saint-Simon. Il rappelle que l’incinérateur du Mirail, construit en 1969, a été épinglé l’an dernier, sur la base de données datant de 2020, par l’association Zéro Waste comme étant « le plus polluant de France ».
La « neige » relance le débat sur la reconstruction de l’incinérateur
Nina Ochoa « comprend » l’inquiétude des habitants et la relie aux lourds travaux de mise aux normes – d’un montant de 46 millions d’euros et en trois tranches – que Decoset, le syndicat gestionnaire de l’équipement, a entamés l’été dernier. Il prévoit par ailleurs de construire un nouvel incinérateur à l’horizon 2032, probablement sur place, vu que les candidats à l’accueil ne se bousculent pas au port. « Mais rien n’est arrêté sur ce point », assure la conseillère municipale.
En attendant d’être fixé, le collectif de défense du quartier refuse de se résigner à la perspective d’un nouvel incinérateur. « En 1969, on était à la campagne. Mais on a laissé le secteur s’urbaniser, il y a des écoles, et même un collège tout neuf », relève Serge Escartin. Avec ses amis du quartier, il n’exclut pas de profiter de ce curieux épisode de neige pour compléter le « signalement » fait il y a quelques semaines à l’agence régionale de Santé (ARS) sur les rejets de l’incinérateur du Mirail.