Noël : Après le festin, que faire des coquilles d’huîtres ou de Saint-Jacques ?
Coquille vide•Des collectivités proposent une collecte des coquillages afin d’éviter qu’ils ne terminent à la poubelleCamille Allain
L'essentiel
- Lors des fêtes, des quantités importantes de coquillages sont consommées en France, générant des milliers de tonnes de déchets.
- Faute de solution, les particuliers doivent souvent jeter les coquilles d’huîtres, de bulot ou de Saint-Jacques à la poubelle.
- Plusieurs collectivités ont lancé des collectes qui permettent de mieux valoriser cette ressource riche en calcium qui nourrit la terre et les poules.
Sac jaune, compost ou poubelle grise. On a beau faire attention toute l’année au tri de nos déchets, les fêtes de fin d’année viennent souvent tout bousculer. Parce que le bac de recyclable dégueule de papier cadeau, que le plastique vit une vie fantastique et que la poubelle du garage daube la crevette. Et au milieu de ce tas d’ordures, que faire de nos coquilles vides ? Période faste de la consommation d’huîtres, de bulots, de coquilles Saint-Jacques et parfois même de quelques moules, Noël est aussi le théâtre d’un massacre dans les incinérateurs ou centres d’enfouissement. Car faute de solution alternative, l’immense majorité des Français doivent se résoudre à balancer leurs coquilles vides dans leurs ordures ménagères. Un geste pourtant loin d’être anodin. En alourdissant votre poubelle, vous faites grimper la consommation de carburant du camion et donc la facture de l’enlèvement. Quant aux coquilles, elles n’ont pas vraiment d’intérêt calorifique quand elles sont brûlées. Bref, il serait bon de trouver une alternative.
A Cancale, on balance tout dans le port
Dans certains coins de Bretagne, des habitants ont l’habitude d’aller balancer eux-mêmes leurs coquilles vides à la mer. Souvent pour éviter que l’odeur de la cuisine n’imite celle d’une criée en plein été. A Cancale, on trouve par exemple des tonnes de coquilles d’huîtres que les touristes adorent balancer depuis la jetée après avoir avalé leur corps gluant avec une rasade de blanc. Mais soyons honnêtes, le plus souvent, les coquilles nacrées terminent leur vie enterrées ou incinérées. Plusieurs territoires littoraux ont pourtant lancé des collectes dédiées, bien souvent au moment des fêtes.
Dans le sud de la Vendée, cela fait sept ans que le Sycodem organise une collecte des coquillages, en mettant à disposition des bacs dans les 40 communes du syndicat. D’abord concentrée pendant les fêtes de fin d’année, elle est désormais en place toute l’année en même temps que la collecte des biodéchets des professionnels de la restauration. « Les usagers nous interpellaient sur ce flux odorant, difficilement valorisable au jardin qui était encombrant dans le sac noir », résume Sophie Métay, directrice du service prévention des déchets basée à Fontenay-le-Comte. Le phénomène s’est accentué lorsque la collectivité a imposé la redevance incitative en 2018. Les gros mangeurs de coquillages se voyaient pénalisés par le poids de leurs déchets et ont rapidement réclamé que le service soit étendu toute l’année. Ce que les élus ont accepté de financer.
Cette initiative et toutes les autres menées sur le littoral atlantique ont donné des idées à bon nombre de collectivités, qui se lancent souvent de manière très artisanale. « On avait monté ça rapidement parce qu’un des maires du secteur avait entendu parler des projets menés en Vendée. On avait juste installé des bacs dans cinq déchetteries et on avait rapidement communiqué aux habitants », raconte Anne-Laure Le Niliot. La chargée de prévention de Pays d’Iroise Communauté (Finistère) avait eu la surprise de récupérer deux tonnes de coquilles en moins de trois semaines l’an dernier. Mais pour en faire quoi ? Ici comme ailleurs, la matière collectée est broyée puis mélangée à du compost végétal. « C’est une façon de montrer l’intérêt du tri aux usagers et de leur redonner la matière », rappelle Sophie Métay.
Est-ce que ça pue la moule ?
L’ensemble est généralement distribué gratuitement aux habitants souhaitant amender leurs potagers ou donné à des agriculteurs du coin. « La coquille est excellente pour nourrir les sols parce qu’elle contient du calcium. On trouvait ça dommage de ne pas en profiter et de tout jeter », témoigne Ronan Salaün, président du Smictom Valcobreizh, en Ille-et-Vilaine. L’an dernier, son syndicat avait collecté plus de trois tonnes de coquilles en un mois. Pas mal pour une première. « Notre difficulté, c’est de trouver des débouchés qui ne soient pas trop coûteux. Quand on traite des coquilles, on a une matière organique, on ne peut pas en faire n’importe quoi ». Il est notamment impératif que les coquilles soient vides et de ne pas y mélanger les crustacés. Et est-ce que ça pue ? « Non pas vraiment. En hiver, on peut aller jusqu’à trois semaines dans le bac avant la collecte », assure Anne-Laure Le Niliot. Avec la chaleur, le constat n’est pas le même en été.
Les débouchés pourraient être nombreux tant dans la construction que dans l’agriculture mais se heurtent à un problème « d’hygiénisation ». Car pour tout usage industriel, ce procédé est obligatoire pour « nettoyer » la matière. Problème : il coûte beaucoup trop cher pour que des collectivités puissent s’y engouffrer.
Une seule entreprise en France
En Charente-Maritime, une entreprise a osé se lancer et propose de broyer les coquilles afin de les utiliser comme complément alimentaire pour les poules pondeuses. Une technique naturelle qui permet de rendre les œufs plus solides. Basée à Périgny, la société O’Vive se présente comme « la seule en France » à retraiter les déchets ostréicoles et peut aussi les transformer en fond d’aquarium, en minéraux naturels ou en granulats utilisés tant par le BTP que par les paysagistes. Le hic, c’est que les produits transformés génèrent assez peu de valeur ajoutée, le coût du traitement étant un frein. Mais en cette fin d’année, quelque chose nous dit que les équipes d’O’Vive vont charbonner.