PesticidesUne commission d’enquête étrille l’impuissance publique sur les pesticides

Agriculture : Une commission d’enquête étrille « l’impuissance publique » à réduire les pesticides

PesticidesLe document constate « un échec collectif à réduire notre empreinte chimique » alors qu’il y a « urgence à agir ».
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Une commission d’enquête parlementaire a dénoncé jeudi « un échec collectif » à réduire l’usage des pesticides, avec une « forme d’impuissance publique » malgré de graves répercussions sur la qualité de l’eau et la biodiversité.

Le rapport complet de la commission ne sera publié que la semaine prochaine, mais le rapporteur, le député socialiste Dominique Potier, en a présenté une synthèse à la presse.

« Un échec collectif à réduire notre empreinte chimique »

Le document constate « un échec collectif à réduire notre empreinte chimique » alors qu’il y a « urgence à agir ». « Sur au moins un tiers du territoire national, les pesticides et leurs métabolites [composants issus de leur dégradation] constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable », est-il souligné.

Dans le même temps, « l’imprégnation générale de l’ensemble des milieux [affecte] la biodiversité » et met en péril les services rendus par la nature, comme la pollinisation.

De possibles effets sur la santé humaine

Quant aux effets sur la santé humaine, la recherche n’en est « qu’aux balbutiements » mais des liens ou présomptions de liens ont été établis entre certaines affections et l’exposition aux pesticides.

Le rapport fait vingt-sept recommandations, dont celle de renforcer la réglementation visant à prévenir la pollution de l’eau potable. La synthèse relève qu'« entre 1980 et 2019, 4.300 captages ont dû être fermés pour cause de pollution, principalement aux nitrates et aux pesticides ».

Des effets sur le coût de l’eau potable

Elle cite une instruction du gouvernement de 2020 selon laquelle « du fait de ces pollutions, le coût estimé du traitement pour rendre l’eau potable est compris entre 500 millions et un milliard d’euros par an ».

Les moyens dévolus à la prévention de la pollution et le pilotage politique sont jugés insuffisants « au regard du coût phénoménal de la réparation des impacts sur la santé environnementale et la fertilité des sols ».

« C’est un archétype d’un échec des politiques publiques faute de cohérence » et « d’injonctions économiques contradictoires », a déploré Dominique Potier.

« Une contribution utile au débat public »

L’agriculture contemporaine s’est largement structurée autour du recours aux herbicides, insecticides et fongicides de synthèse pour accroître la production et s’assurer un certain niveau de rendement.

La commission d’enquête, à l’initiative du groupe Socialistes et apparentés, avait commencé ses travaux en juillet. Seuls les députés RN ont voté contre le rapport, tandis que des LFI et deux Renaissance se sont abstenus, a indiqué Dominique Potier.

Le document se veut « une contribution utile au débat public » au moment où un plan « Ecophyto 2030 » est soumis à la concertation. Le premier Ecophyto, lancé en 2008, ambitionnait de baisser de moitié en dix ans l’utilisation des pesticides (herbicides, insecticides, fongicides), un objectif sans cesse repoussé.

Un véhicule sans pilote

« Globalement, nous observons que les indicateurs [d’usages des pesticides] sont au même niveau qu’en 2009. Les seules avancées observées sont liées au retrait des molécules les plus dangereuses » – des retraits qui ne sont « pas dus à la dynamique Ecophyto », selon la synthèse.

La commission d’enquête se dit « frappée par le sentiment d’une forme d’impuissance publique ». « Ecophyto est comme un véhicule qui roulerait sur une route sans radar, avec un tableau de bord défectueux. Un véhicule sans pilote dont les passagers feraient de la destination même un sujet de controverse. »

Avec Ecophyto 2030, « le plan de la Première ministre est mieux » mais « insuffisant par les moyens mis en oeuvre », estime Dominique Potier.

Un intense lobbying

Ecophyto 2030 fait l’objet d’un intense lobbying par les organisations agricoles et environnementales. Le syndicat majoritaire FNSEA conteste l’objectif de baisser de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2030, ragaillardi par l’échec au Parlement européen d’une législation fixant cet objectif.

La synthèse observe que « la révolution culturelle qui semblait s’être opérée quant à la nécessité de s’affranchir de notre dépendance aux produits phytosanitaires est remise en cause dans le contexte des tensions consécutives à la guerre en Ukraine et des concurrences déloyales sur le marché mondial » – tous les pays n’étant pas soumis aux mêmes contraintes.