Un récif de moules peut-il avoir le pouvoir de freiner l’érosion côtière ? La solution est testée en mer du Nord
PROTECTION•La solution doit désormais convaincre les Etats afin qu’ils la développent20 Minutes avec agences
Dans la mer du Nord, au large de la Belgique et de la France, tous les regards sont tournés sur un récif naturel de moules. Les mollusques n’ont pas vocation à être pêchés mais à freiner les effets néfastes des puissants courants de la mer du Nord tout en développant la biodiversité.
Il s’agit d’une expérience scientifique menée depuis six ans au large de la station de La Panne (Belgique) et dont les résultats ont été présentés en octobre dernier à Ostende, fief belge des études marines. Le récif naturel est surveillé par les instituts flamands Ilvo et VLIZ associés à des firmes belges spécialisées dans les constructions offshore.
Comment ça marche ?
Le principe est d’installer à la limite des eaux profondes des cordages sur lesquels peuvent venir s’accrocher des larves de moules. La croissance des mollusques agglutinés en bouquets sur des filins verticaux va progressivement offrir une barrière naturelle aux courants, sur cet espace intermédiaire entre eaux basses et profondes où le sable est balayé avec force. Dès qu’ils deviennent trop lourds pour être soutenus par la corde, ces bouquets de moules tombent d’eux-mêmes au fond de l’eau, donnant naissance à un nouvel écosystème.
« Un habitat pour toutes sortes d’espèces vivantes se développe autour des moules, et c’est le fait qu’il tombe au fonds qui va créer le récif », souligne Alexia Semeraro, chercheuse à l’Institut de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’alimentation (Ilvo). Un « récif biogénique » qui revient à stabiliser au sol les sédiments en suspension dans l’eau, poursuit-elle. Et donc à limiter l’érosion dans une zone maritime connue pour ses puissants courants et ses vagues dépassant parfois plusieurs mètres de haut. Le projet test attend désormais de séduire des gouvernements qui pourront le développer à grande échelle avec les financements nécessaires.
« Une première ligne de défense contre les tempêtes »
« On offre une solution pour les défis à venir », fait valoir de son côté Tomas Sterckx, de la multinationale belge Deme, qui a apporté au projet son expertise en infrastructures maritimes. Il explique qu’avec le changement climatique la côte belge est exposée au risque de tempêtes de plus en plus fréquentes et d’une intensité grandissante.
Ce qu’il appelle « les lignes de protection biologiques sous-marines », construites avec des cordages selon les techniques de l’aquaculture, ne remplaceront pas les apports de sable pour renforcer le littoral. Mais « cette première ligne de défense contre les tempêtes » est une des clés du combat anti-érosion, insiste Tomas Sterckx.
Et maintenant ?
Au large de La Panne, les bouées et ancres qui fixaient les cordes des deux récifs expérimentaux créés depuis 2017 ont désormais été retirées. Il s’agit de respecter les impératifs de protection de la faune et de la flore en pleine zone classée Natura 2000.
Dans leur laboratoire à Ostende, les biologistes de l’Ilvo préparent déjà les recettes des prochains « tampons naturels » qu’ils comptent tester, à base d’algues, d’herbes marines ou de vers tubicoles de sable.
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