URBANISMEMais, au fait, planter des arbres sur une place en béton, c'est possible ?

Mais, au fait, planter des arbres sur une place en béton, c'est possible ?

URBANISMEL’agence de paysagisme et d’urbanisme Ter a relevé le défi de la métropole de Montpellier qui souhaite planter des ormes sur la place de la Comédie
Lors de la plantation du premier orme, sur la place de la Comédie, mardi.
Lors de la plantation du premier orme, sur la place de la Comédie, mardi. - N. Bonzom / Maxele Presse
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • L’agence de paysagisme et d’urbanisme Ter a relevé le défi de la métropole de Montpellier, qui souhaitait planter des ormes sur la place de la Comédie.
  • Mais planter des arbres sur une place toute en béton, ce n’est pas commun : les ingénieurs ont donc dû recréer, pour ces ormes, un environnement adéquat.
  • De vastes fosses ont été creusées sur la place, sacrifiant quelques dizaines de places dans le parking souterrain, pour accueillir les systèmes racinaires des arbres. Et des tuyaux ont été installés, pour alimenter les ormes en eau et en air.

Quand Henri Bava, fondateur de l’agence d’urbanisme Ter, a appris que la métropole de Montpellier (Hérault) avait l’intention de planter des arbres sur la Comédie, il n’a pas été surpris, assure-t-il. « Mais on a tout de suite compris que c’était un défi ! », sourit-il. Et de taille. L’idée de Michaël Delafosse (PS), le maire et président de la métropole, était, en effet, de « végétaliser » cette place en béton armée, où il fait un cagnard pas possible, l’été. En 2019, le mercure a même dépassé les 46 degrés, entre l’esplanade et l’Opéra. En plantant huit ormes, la collectivité entend ainsi faire baisser la température ressentie d’environ 6 degrés. « Un arbre, c’est l’équivalent de plusieurs climatiseurs, confie Michaël Delafosse. C’est une manière d’adapter notre ville au changement climatique. »

Mais planter des arbres de 7 à 8 mètres dans du béton, ce n’est pas commun. Et leur offrir des conditions adéquates pour qu’ils se développent, jusqu’à 12 mètres de haut, encore moins. Henri Bava, le chef d’orchestre de ces travaux hors normes, assure même n’avoir jamais fait face à un environnement « aussi contraint ». « Mais c’est l’avenir ! », confie-t-il.

Des fosses continues, « pour mutualiser les différents systèmes racinaires »

Les ingénieurs en charge de cet étonnant projet n’ont pas posé de simples pots géants sur la place, mais ont creusé trois énormes fosses souterraines, sacrifiant une bonne cinquantaine de places de stationnement dans le parking de la Comédie, en sous-sol. Ces cavités sont destinées à accueillir 225 m3 de terre pour les deux premières, et 150 m3 pour la troisième. Alors que d’ordinaire, dans les grandes villes, on ne prévoit qu’une petite dizaine de m3 par arbre, lors des plantations. Ces fosses vont permettre de planter les huit ormes, et leur permettre de se sentir (presque) comme en pleine terre.

Le premier orme planté sur la place de la Comédie, mardi.
Le premier orme planté sur la place de la Comédie, mardi. - N. Bonzom / Maxele Presse

« Notre idée n’était pas de créer, comme cela se fait généralement, une fosse par arbre, mais trois fosses continues, pour mutualiser leurs différents systèmes racinaires », explique Henri Bava. Mais un très grand volume de terre ne suffit pas, à un arbre, pour vivre sa meilleure vie. Car « nous sommes là dans un système complètement confiné, poursuit l’urbaniste et paysagiste. « Il faut donc apporter aux racines de l’eau et de l’air, jusqu’au fond de la dalle. Nous avons donc mis en place un système de tuyaux », qui permet d’alimenter ces ormes, en air et en eau. Grâce à un système de capteurs, l’arrosage des arbres de la Comédie sera, d’ailleurs, limité au minimum, pour éviter le gaspillage, mais aussi de « noyer les racines », et permettre aux arbres de pousser.

« Une sorte de tabouret » pour éviter que les arbres ne s’affaissent

Mais un arbre, c’est lourd. Plus lourd, encore, quand il grandit. « S’il n’y avait que de la terre, le risque était que le poids de l’arbre et de sa motte le fasse s’affaisser, petit à petit, confie Henri Bava. Il y a donc à l’intérieur de la fosse une sorte de tabouret, fabriqué dans une matière recyclable, poreux, qui laisse passer les racines, mais soutient la motte. »

NOTRE DOSSIER SUR MONTPELLIER

Enfin, l’orme n’a pas été choisi par hasard. Cette essence, symbole du Midi, a été sélectionnée pour sa solidité et sa capacité à grandir plus vite que les autres. C’est, par ailleurs, une variété d’ormes toute particulière, mise au point par des chercheurs, qui va faire de l’ombre aux Montpelliérains sur la Comédie : ces arbres sont capables de résister à la graphiose, une maladie causée par un champignon, qui décime cet arbre historique du sud de la France. Après un tel chantier, qui a enquiquiné les Montpelliérains pendant des mois sur la place de la Comédie, ce serait ballot que les ormes ne passent pas l’hiver.