interview« On ne voit venir de période sèche durable », prévient un météorologue

Météo : « Pour l’instant, on ne voit pas venir de période sèche durable sur le territoire », prévient un météorologue

interviewLe ciel nous est tombé sur la tête. Météo-France a enregistré un cumul moyen de plus de 215 mm de pluie en 26 jours, un record. Comment expliquer ce phénomène ? Entretien avec Frédéric Long, prévisionniste chez Météo-France
Octave Odola

Propos recueillis par Octave Odola

L'essentiel

  • Entre le 18 octobre et le 12 novembre, la France a enregistré un cumul moyen de 215,4 mm de précipitations. C’est la première fois qu’un tel cumul est observé sur 26 jours consécutifs.
  • Il faut remonter trente ans en arrière, en 1993, pour un cumul de précipitations similaire sur un nombre de jours similaire (196,9mm entre le 21 septembre et le 16 octobre).
  • Comment analyser ce record ? Faut-il s’en inquiéter ? A quoi s’attendre pour le reste du mois ? Éléments de réponse avec un prévisionniste de Météo-France.

Tous les férus de mode et les accros aux applis météo vous le diront : la tendance automne 2023 est au parapluie. Météo-France a enregistré un cumul moyen de 215,4 mm de précipitations sur 26 jours consécutifs, à cheval entre mi-octobre et le 12 novembre. Un record, toutes saisons confondues. Comment expliquer un tel phénomène ? Le ciel va-t-il continuer de nous tomber sur la tête ? Faut-il se réjouir ou s’inquiéter d’un tel épisode ? Éléments de réponse avec Frédéric Long, prévisionniste chez Météo-France.

Comment analysez-vous ce record de précipitations ?

Le fait qu’il pleuve beaucoup après une longue période sèche, ce n’est pas en soi exceptionnel. Ce cumul remarquable s’explique par un enchaînement de perturbations sur cette période, avec peu de répit entre ces épisodes. Sur cette période, dépasser les 100 mm, ça reste normal. Mais aller au-delà des 150 mm, c’est beaucoup plus rare. Quant à passer la barre des 200 mm, c’est la première fois qu’on vit cela depuis l’instauration des relevés de cumuls en 1958.

Emmanuel Macron est présent ce mardi dans le département du Pas-de-Calais, fortement touché par les inondations. Une accalmie est-elle en vue dans les prochains jours sur ce territoire ?

Ce mardi, en début d’après-midi, des pluies assez intenses sont prévues et ne vont pas améliorer la situation. Ces perturbations vont continuer à circuler pour le reste du mois, c’est un peu tôt pour dire si elles vont être moins actives. Pour l’instant, on ne voit pas venir de période sèche durable sur le territoire.

Qu’est-ce qu’un « rail de dépression », l’une des causes de cette pluie continue ?

C’est la limite entre l’air doux d’origine subtropicale et l’air froid d’origine polaire qui ondule à nos latitudes. Les contrastes de masse d’air sont assez marqués en automne avec un air doux et un air déjà froid sur le nord de l’Europe. Le record précédent de cumul de précipitations était aussi tombé en automne (196,9mm entre le 21 septembre et le 16 octobre 1993). En hiver, l’air doux se raréfie, il y a donc moins de réservoirs d’humidité. Au printemps, on a plus souvent des précipitations sous forme d’averses ou d’orages, pas des précipitations qui défilent comme en ce moment.

Faut-il s’inquiéter ou se réjouir de cet épisode de pluie régulier ?

Difficile à dire. En France, on sort de deux années sèches, c’est plutôt positif que la pluie tombe. Mais le constat est à nuancer. A l’est de la Corse et sur le pourtour méditerranéen, les cumuls de pluie sont en dessous des normales. Il a parfois plu sur le relief (Cévennes, Alpes du Sud) mais les sols restent plus secs que la normale dans certains départements, notamment dans les Pyrénées-Orientales. Ensuite, ce qui est tombé n’est pas homogène dans tout le pays, avec des régions plus ou moins vulnérables aux risques d’inondations.

A quoi faut-il s’attendre pour le reste du mois de novembre ?

On ne va pas tout de suite ranger le parapluie. Pour les prochains jours, les perturbations vont continuer à défiler. Par contre, temporairement, ce sera un peu plus sec. Demain (mercredi), les pluies ne vont pas être très marquées, mais une nouvelle perturbation active va traverser le pays jeudi. Il y aura une accalmie vendredi, avant encore une nouvelle perturbation ce week-end. Il n’y a pas d’anticyclone à venir dans les jours prochains.

La France a subi deux grosses tempêtes (Ciaran et Domingos) ces dernières semaines. D’autres sont-elles à prévoir ?

Une tempête, c’est difficile – voire impossible – à prévoir plusieurs mois à l’avance. Ça se forme et ça circule très vite, on arrive en général à la voir quelques jours avant. Pour cette fin de semaine, le fait d’avoir des périodes où les pressions remontent un peu peut entraîner des dépressions qui circulent aux radians assez importants, ce qui peut entraîner quelques coups de vent, mais pas de tempête.

Avec le changement climatique, le GIEC prédit un plus gros risque de tempêtes dans le nord de l’Europe sur la deuxième moitié du siècle. Que doit-on attendre de ces projections ?

Le Giec indique que le risque de tempête pourrait augmenter dans le Nord de l’Europe avec un indice de confiance assez faible. D’une manière générale, le nombre de tempêtes en France n’augmente pas, il fluctue. Quand on parle de changement climatique, la hausse des températures est assez consensuelle au niveau scientifique. Les conséquences sur les précipitations sont moins entendues et la France est située dans une zone incertaine. On sait seulement qu’on va vers plus de pluie dans le nord de l’Europe. Pour les phénomènes liés au vent, la projection est plus délicate.