Comment mesure-t-on la hauteur du mont Blanc ?
MONTAGNE•La nouvelle altitude du « Toit de l’Europe » doit être dévoilée ce jeudiCaroline Girardon
L'essentiel
- La nouvelle mesure du mont Blanc, réalisée tous les deux ans, sera dévoilée ce jeudi.
- 4.807,81 mètres ont été enregistrés au dernier pointage contre 4.811 mètres en 2017.
- Mais comment mesure-t-on avec exactitude le sommet du « toit de l’Europe » ? 20 Minutes fait le point.
Le chiffre de 4.807 mètres est inscrit dans tous les livres de géographie. Pourtant, le sommet du mont Blanc ne cesse d’évoluer. Pour preuve, en 2007, il atteignait presque 4.811 mètres, contre 4.807,81 précisément au dernier pointage, en 2021.
Tous les deux ans, depuis 2001, les géomètres-experts de Haute-Savoie se sont donné pour mission de mesurer « le Toit de l’Europe » dont la nouvelle altitude sera dévoilée ce jeudi. Comment recueille-t-on des données aussi précises ? Combien de temps faut-il ou combien de personnes sont nécessaires ? 20 Minutes fait le point.
Qui faisait partie de l’expédition ?
Vingt-deux personnes, regroupées en huit cordées, sont parties le 14 septembre pour escalader le sommet du mont Blanc. Dont sept guides. Dans l’équipe figuraient notamment cinq femmes géomètres-experts « recrutées aux quatre coins de la France » mais « suffisamment aguerries à la montagne ». Le groupe était encadré par Liv Sansoz, championne du monde d’escalade, aujourd’hui guide de haute montagne qui leur a concocté un petit entraînement de trois jours afin de grimper dans les meilleures conditions. Enfin, le champion olympique Martin Fourcade, ambassadeur de cette nouvelle mesure, était lui aussi de la partie.
Ce défi « humain et technique » a nécessité trois jours de montée, dix heures d’ascension finale pour 2.500 mètres de dénivelé sachant que le groupe a embarqué avec lui dix kilos de matériel et un drone.
Comment mesure-t-on le sommet du mont Blanc ?
Le moins que l’on puisse dire est que les technologies et les méthodes utilisées ont considérablement évolué. Au tout début, les experts avaient recours à la méthode de « triangulation ». « Ils se postaient sur différents sommets plus bas dans les vallées et se basaient sur l’altitude connue du lac Léman. Avec des instruments optiques, ils calculaient ensuite les angles » entre deux points de référence, relate Denis Borrel, géomètre-expert et président de la commission de la mesure mont Blanc. C’était sans compter sur quelques erreurs. « A l’époque, on pensait que le lac Léman était situé à 800 mètres du niveau de la mer alors qu’il était en réalité à 350 mètres. Il y avait déjà une erreur de 500 mètres à la base », sourit-il.
« Ensuite, certains sont montés avec des baromètres qui mesuraient la pression et la température. Puis à partir des années 1960, il y a eu des triangulations plus précises grâce notamment aux lasers », poursuit Denis Borrel. Aujourd’hui, les géomètres-experts s’appuient sur « une constellation de satellites » et des « stations GPS permanentes » situées dans la vallée de Chamonix qui leur permettent d’avoir une « position centimétrique en temps réel » en effectuant des relevés point par point. Mais grimper au sommet reste nécessaire.
L’objectif de l’expédition est également de mesurer la « calotte sommitale » afin d’obtenir une « cubature » (volume de glace et de neige au-dessus de 4.800 m) et de la comparer aux années précédentes. Dans leur expédition, les géomètres ont embarqué un drone pour « modéliser la calotte glaciaire en trois dimensions » en un temps record. Dix minutes au chrono. Ils ont également utilisé un GPS mobile, posé sur le sommet neigeux au-dessus de 30 mètres de couche de glace, afin d’enregistrer pendant 1h30 ou deux heures un « maximum de données ». « Cela permet d’assurer le coup au cas où il y aurait un vent à plus de 50 km/h ou du brouillard. Dans cette optique-là, le drone ne pourrait pas parvenir à ses fins », précise Denis Borrel.
A quoi serviront ces données ?
Les nouvelles données seront ensuite transmises aux glaciologues et météorologues qui eux-mêmes vont les analyser afin de « savoir si oui ou non il y a une incidence du réchauffement climatique à cette altitude-là ».
Si le « recul des glaciers est avéré », le géomètre-expert rappelle qu’ils se situent à « 3.000-3.500 mètres ». Soit bien plus bas que le sommet. « Dans le passé, la calotte était un frigo. D’ordinaire, la température atteint rarement à zéro mais cela a été le cas une fois cette année, où le mercure est monté à 10 °C sur une période de deux-trois heures dans la journée. Ces mesures permettront de savoir si elle fond, se rétrécit d’un côté ou de l’autre. Ou si elle remonte », explique Denis Borrel.
Pourquoi mesure-t-on le sommet en septembre ?
Des mesures ont été effectuées à la fin du printemps mais les experts préfèrent retenir celles enregistrées mi-septembre. « On pourrait penser qu’au printemps, le sommet est plus haut en raison des chutes neigeuses. Mais ce n’est pas le cas car les tempêtes sont bien plus importantes en hiver et donc le sommet est davantage raboté, répond Denis Borrel. C’est pour cela que les mesures en septembre sont préférables. »