CONVERSIONQuel est ce plan « biomasse » pour nos dernières centrales au charbon ?

Planification écologique : C’est quoi le plan « biomasse » de Macron pour nos dernières centrales au charbon ?

CONVERSIONOn l’attendait plus sur la sortie du gaz ou du pétrole… Mais dimanche, Emmanuel Macron a davantage parlé du sort des deux dernières centrales à charbon encore en fonctionnement en France. Le plan : les convertir à la biomasse. Une bonne idée ?
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • D’ici à 2027, que va-t-on faire ? On a encore deux centrales à charbon, Cordemais (ouest) et Saint-Avold (est), on va complètement les convertir à la biomasse ».
  • Dimanche soir, au JT, Emmanuel Macron est revenu sur le sort des deux dernières centrales à charbon, encore en fonctionnement en France, en annonçant qu’elles cesseront d’utiliser ce combustible à partir de 2027.
  • C’est plus tard que ce qui avait été initialement prévu. Surtout, quel est l’avenir prévu pour ces deux sites ? Les garder comme centrale électrique mais produisant à partir de déchets bois ? Pour les ONG, le pari est environnementalement risqué.

Sortir complètement du charbon d’ici à 2027… Ce lundi après-midi, à l’issue d’une réunion du Conseil national à la transition écologique, Emmanuel Macron doit présenter dans le détail la « planification écologique », ce grand plan promis dans l'entre-deux-tours de la présidentielle et qui doit permettre à la France d’atteindre ses objectifs environnementaux.

Dès dimanche soir, aux JT de TF1 et France 2, le chef de l’Etat a déjà donné quelques orientations, dont celle de sortir d’ici trois ans du charbon, énergie fossile au lourd bilan carbone.

A vrai dire, le président avait annoncé dès 2017 l’objectif de fermer avant 2022 [la fin de son premier quinquennat] les quatre dernières centrales à charbon qui fonctionnaient encore. Au Havre, à Gardanne (Bouches-du-Rhône), à Cordemais (Loire-Atlantique) et à Saint-Avold (Moselle). La guerre en Ukraine et la rupture des approvisionnements en gaz russe ont changé la donne. Si les centrales du Havre et de Gardanne ont bien fermé en 2021, le fonctionnement des deux dernières a été prolongé jusqu’à fin 2024, dans la perspective d’hivers très tendus sur l’énergie.

Là en secours

Ces deux centrales sont utilisées comme solution de secours, alimentant le réseau pour passer les pointes - les moments les plus tendus sur notre réseau électrique. Typiquement certains jours d’hiver, lorsque le chauffage marche à plein régime et que notre production d’électricité peine à faire face à la demande. Autrement dit, elles pèsent d’ores et déjà très à la marge dans notre production d’électricité. De l’ordre de 0,6 % l’an dernier, rappelait Réseau de transport d’électricité (RTE), le gestionnaire du réseau électrique français.

Il reste tout de même une porte de sortie à trouver à ces deux centrales, qui emploient tout de même à elles deux plusieurs centaines de personnes. Dans sa prise de parole dimanche, le président a parlé de les convertir à la biomasse. Autrement dit : les deux sites garderont leur vocation de produire de l’électricité, mais à partir d’un autre combustible.

Début janvier, la centrale de Cordemais a déjà fait valider auprès du ministère de la Transition écologique son projet de reconversion, appelé Ecocombus. Le plan est de remplacer une grande partie du charbon par des granulés de bois produits à partir des résidus de taille, d’élagage, et surtout de bois d’ameublement.

Les convertir à la biomasse en puisant dans les forêts alentour ?

Mais y aura-t-il assez de coproduits de la filière bois, localement, pour « convertir totalement à la biomasse » Saint-Avold et Cordemais, comme l’évoque Emmanuel Macron. A Greenpeace, on en doute. « C’est un peu le problème avec la "biomasse", que ce soit le bois ou les coproduits agricoles [déjections, résidus de culture…], détaille Nicolas Nace, chargé de campagne « Transition énergétique » de l’ONG. De nombreuses industries et secteurs misent sur cette ressource pour faire leur transition alors que les volumes de biomasse qu’on sera en capacité de mobiliser restent limités. » Bref, il n’y en aura pas pour tout le monde.

Greenpeace craint alors la suite pour Saint-Avold et Cordemais : « Va-t-on prélever encore plus de bois dans les forêts françaises, qui sont en mauvaise santé du fait des changements climatiques et déjà soumises à la pression d’usages concurrents ? Va-t-on importer ce bois et engendrer de la déforestation à l’autre bout du monde ? », liste-t-elle dans son communiqué.

Transition déjà compliquée à Gardanne ?

Frédéric Amiel, coordinateur général des Amis de la Terre, rappelle que la Royaume-Uni et le Canada ont déjà fait ce choix de faire fonctionner des méga-centrales électriques au bois. Avec des résultats très mitigés. « Non seulement le rendement énergétique est faible et ces centrales génèrent une pollution de l’air importante, mais elles ont surtout des besoins très importants de bois pour fonctionner, explique-t-il. Les déchets de scierie ou de la production de meubles ne suffisent aucunement. Ces centrales doivent importer une partie de leurs bois, et des industries de scierie se sont aussi développées autour, exprès pour les alimenter en pelés produits à partir d’arbres coupés sur pied. » Pour Frédéric Amiel, il y aurait bien mieux à faire avec ces forêts.

Les ONG craignent cette même « fuite en avant » pour Saint-Avold et Cordemais. C’est aussi le chemin que prend l’ancienne centrale à charbon de Gardanne, alertent-elles. Une des unités a fait l’objet de travaux pour fonctionner à la biomasse dès 2018, mais sans réellement marcher à plein régime depuis, à cause de conflits sociaux et de recours juridiques déposés par les associations environnementales. Quoi qu'il en soit, son plan d’approvisionnement estime à 850.000 tonnes de bois ses besoins annuels, d'ici à 2024, pour la faire fonctionner à plein régime. Dont la moitié prélevée dans la région. « Soit le prélèvement d’ici à 2024 de plus de 35 % de la ressource forestière disponible dans un rayon de 250 km autour du site, soit une vingtaine de départements », alerte France Nature Environnement Paca. En mars dernier, le Conseil d’État a annulé l’autorisation d’exploiter de la centrale en raison du manque d’étude d’impact sur les conséquences pour la forêt locale.

Dans l’attente de plus de précisions

Nicolas Nace se dit en attente de plus de précision de la part d’Emmanuel Macron sur le plan imaginé pour faire fonctionner totalement Cordemais et Saint-Avold à la biomasse. « Il aurait sans doute mieux valu une reconversion plus ambitieuse pour ces deux sites, estime-t-il déjà. Il y a bien d’autres filières industrielles, l’hydrogène par exemple, plus porteuses à développer dans le cadre de la transition écologique » Mais le chargé de campagne « Transition énergétique » de l’ONG tique déjà sur l’échéance de 2027, « très tardive » à ses yeux. « Au regard de ce que représentent ces deux centrales, aujourd’hui, dans notre mix, il aurait fallu être bien plus ambitieux », estime-t-il.