La vie en roseUn projet de ferme élevage de saumons à contre-courant, selon les écolos

Pas-de-Calais : Un nouveau projet d’élevage industriel de saumons inquiète les écologistes

La vie en roseComme d’autres projets de ferme élevage en France, celui de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, se heurte à une opposition des écologistes craignant les risques de pollution
Gilles Durand

G.D.

L'essentiel

  • Plusieurs projets de ferme élevage de saumons voient le jour en France. Dernier en date, celui de l’entreprise Local Océan, sorti des cartons en début d’année.
  • Il prévoit de produire entre 8.000 et 9.000 tonnes de saumons par an, à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, mais il se heurte à l’opposition d’écologistes.
  • L’enquête publique, qui s’est terminée mi-juillet, émet quelques réserves sur le projet.

L’aquaculture, nouveau cheval de bataille dans l’agroalimentaire ? Plusieurs projets de ferme élevage de saumons voient le jour en France. Dernier en date, celui de l’entreprise Local Océan, sorti des cartons en début d’année. Il prévoit de produire entre 8.000 et 9.000 tonnes de poissons roses par an, à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais. Pour les écologistes, l’installation de cet « élevage intensif » met en péril l’écosystème marin du port de pêche. L’enquête publique, qui vient de se terminer mi-juillet, pointe un manque d’informations. Explications.

Le saumon a visiblement la cote dans le Boulonnais. Il y a quelques années, un premier projet de ferme aquacole, porté par l’entreprise Pure Salmon, avait fini par couler à pic. Cette fois, c’est un entrepreneur de 50 ans, Alain Treuer, qui s’engage dans la production industrielle de saumons. Selon Le Monde, l’homme a bâti sa réussite sur les biocarburants et les protéines végétales.

Le Français, grand consommateur de saumon

Avec sa boîte, Local Océan, il compte implanter un gigantesque élevage sur le site du port de commerce. A la clé, 70 emplois pour un investissement de 200 millions d’euros. Le chef d’entreprise surfe sur l’idée que le Français est un grand consommateur de saumon : le deuxième au monde après le Japon. Or la quasi-totalité de ce saumon est importée de Norvège ou d’Ecosse car l’animal a la particularité d’apprécier les eaux plutôt froides (pas plus de 14°).

Le marché est donc ouvert. Et Boulogne-sur-Mer possède un atout de poids avec la zone industrielle Capécure qui abrite la première plateforme européenne de transformation de poissons. Alors mangerons-nous, un jour, du saumon boulonnais ? L’enquête publique, qui s’est terminée mi-juillet, émet quelques réserves.

Le promoteur du projet, Local Océan, est ainsi contraint de « réaliser un diagnostic complet en période estivale des eaux et des fonds marins là où l’entreprise prévoit de rejeter ses polluants dans la rade de Boulogne », souligne, dans un communiqué, le groupe politique EELV qui soutient le collectif opposé au projet. Les militants se disent prêts à mobiliser « tous les moyens de recours auprès du tribunal administratif ».

Risques de pollution marine

Le principal point d’achoppement concerne les risques de pollution marine. « Pour rappel des centaines de tonnes d’azote et de phosphore responsables de la prolifération des algues vertes comme en Bretagne, pourraient être émises chaque année. Seraient rejetées également des « matières en suspension » qui vont aider au développement de bactéries et dégrader ainsi la qualité des eaux de baignade des plages du Boulonnais », dénonce le collectif contre l’élevage intensif de saumons dans le Boulonnais.

De son côté, Alain Treuer explique à France Télévisions vouloir « faire du saumon local, en circuit court, écoresponsable et durable ». Et ce, grâce à un procédé de recirculation de l’eau de mer, notamment pour alimenter un circuit de refroidissement. Car l’élevage doit se faire dans d’immenses cuves remplies d’eau pompées dans la mer.

L’eau pour les saumons sera « filtrée, purgée des bactéries, enrichie en oxygène, désinfectée par UV, puis injectée dans les bassins », précise Alain Treuer. « Donc, il n’y a pas de pollution, assure-t-il. On ne peut pas se permettre de polluer une eau que nous allons réutiliser ! »

En Gironde aussi

Dans ce débat, ce sera le préfet du Pas-de-Calais qui devra trancher. En Gironde, un projet similaire d’usine à saumons est également dans les tuyaux. Pure Salmon – le retour – a signé, en avril 2022, une convention d’occupation (de 49 ans) avec le grand port maritime de Bordeaux pour un site industriel clé en main, situé au Verdon-sur-Mer.

Une demande de permis de construire et d’autorisation environnementale a été déposée avec l’ambition de commencer à produire 10.000 tonnes par an, soit 5 % de la consommation française. Et ce, à partir de 2026. Or, là aussi, les écologistes sont vent debout contre le projet.

En Bretagne, du côté de Guingamp, la société norvégienne Smart Salmon, qui envisage aussi de se lancer dans la production intensive de saumons en France (on est aussi sur du 8.000 tonnes de production par an), a subi un revers, en début d’année, avec le vote négatif du conseil communautaire d’agglomération. Mais si projet a du plomb dans l’écaille, il est loin d’être tombé à l’eau.

En France, l’aquaculture reste donc, pour l’instant, une activité modeste. La plus grande pisciculture se trouve à Gravelines, dans le Nord, et produit (seulement !) 1.500 tonnes de daurades et de bars annuellement. Assez loin de ce que proposent les géants du saumon.