ENVIRONNEMENT« Réserver pour visiter la dune du Pilat ? Cela n’est pas inenvisageable »

« Réserver pour visiter la dune du Pilat ? Cela n’est pas inenvisageable »

ENVIRONNEMENTLe site de la Grande dune du Pilat inaugurait, vendredi, son espace d’accueil entièrement réhabilité et réfléchit déjà à la façon de gérer ses deux millions de visiteurs dans les prochaines années
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Le syndicat mixte de la Grande dune du Pilat, le gestionnaire, inaugurait vendredi le nouvel espace d’accueil du site.
  • Celui-ci doit permettre en partie de « trouver le point d’équilibre entre préservation de l’espace naturel, accueil du public et développement local », estime la présidente du syndicat Nathalie Le Yondre.
  • Avant d’aller plus loin pour gérer le flux de touristes, comme mettre en place un jour un système de réservation pour visiter la dune ? « Cela n’est pas inenvisageable, estime le maire de La Teste-de-Buch, Patrick Davet.

Un « joyau » du littoral à préserver, mais aussi une manne touristique dont ne pourrait plus se passer le bassin d’Arcachon (Gironde). L’accueil des deux millions de touristes annuels qui fréquentent la dune du Pilat, qui pèsent 168 millions d’euros de retombées économiques directs et indirects, est devenu un enjeu crucial pour le syndicat mixte de la Grande dune du Pilat, le gestionnaire, qui inaugurait vendredi le nouvel espace d’accueil du site.


L'accueil du site de la Grande Dune du Pilat a été entièrement réhabilité.
L'accueil du site de la Grande Dune du Pilat a été entièrement réhabilité. - Mickaël Bosredon

Celui-ci doit permettre en partie de « trouver le point d’équilibre entre préservation de l’espace naturel, accueil du public et développement local », estime la présidente du syndicat Nathalie Le Yondre. Cinq millions d’euros ont été investis pour rénover les cabanes en bois vieillissantes, et mieux organiser les flux de touristes. Si la qualité des aménagements a été saluée, une question se pose : sera-t-elle suffisante pour permettre à la plus haute dune d’Europe et ses 102 mètres (taille qui varie chaque année de quelques mètres), de continuer à supporter deux millions de visiteurs par an, et peut-être encore plus demain ?

« S’il faut un jour réserver avant de venir, ça ne me choque pas », assure une touriste

« La dune du Pilat n’est pas un site surfréquenté, mais qui connaît des pics de fréquentation pouvant aller jusqu’à 12.000 personnes [17.000 personnes selon le site du syndicat mixte] par jour en août, nous explique Maria De Vos, la directrice du syndicat. Nous ne souhaitons pas augmenter la capacité d’accueil en juillet et août, en revanche nous avons encore de la marge de manœuvre sur le reste de l’année. » Nathalie Le Yondre confirme qu’il faut « mieux exploiter » ce qu’elle appelle « les ailes de saison » pour tenter de soulager cette période délicate entre le 14 juillet et le 15 août.

Avant d’aller plus loin, comme mettre en place un jour un système de réservation pour visiter la dune, même si un site naturel, accessible par différents chemins, ne se gère pas aussi facilement qu’un monument ou un parc d’attractions ? « Cela n’est pas inenvisageable, juge le maire de La Teste-de-Buch Patrick Davet. C’est une réflexion que l’on a, et je crois que cet été sera un été charnière, qui va nous permettre de voir ce qu’il se passe. Il me semble que les gens comprendraient, donc pourquoi pas ? » « Sur cette question des réservations, nous verrons dans les prochaines années, mais s’il faut prendre des mesures complémentaires nous saurons les prendre », assure de son côté Nathalie Le Yondre.

Noémie, originaire du Val-d’Oise et qui visite la dune pour la première fois, n’y serait pas opposée. « Je suis sûre qu’à terme on mettra en place de la régulation pour ces sites touristiques dans le but de les préserver, et c’est normal, considère-t-elle. S’il faut un jour réserver avant de venir, ça ne me choque pas, je pense même que tout le monde peut être gagnant, car nous éviterons ainsi de nous retrouver avec une foule au milieu de laquelle on ne peut même plus avancer, comme cela arrive à d’autres endroits touristiques. »

« Une notoriété internationale »

Le président du conseil départemental, Jean-Luc Gleyze, rappelle que « ce site a acquis en quelques années une notoriété internationale », ce que confirme Stéphane Radji, gérant de la Boutique du Bassin, un des huit commerces maintenus dans les cabanes en bois rénovées, contre douze auparavant. « Nous avons ouvert le 12 juin, et honnêtement je ne m’attendais pas à avoir autant de monde aussi tôt, avec des horizons très variés, dit le commerçant. Notre première cliente était Chinoise, les deux suivantes étaient Américaines et le quatrième était Brésilien. On a autant de clients étrangers que français. »


Le village d'accueil de la Dune du Pilat ne compte plus que huit boutiques, dont les cabanes ont été réhabilitées.
Le village d'accueil de la Dune du Pilat ne compte plus que huit boutiques, dont les cabanes ont été réhabilitées. - Mickaël Bosredon

« Il nous faut être attentif à cette évolution de la fréquentation, qui je crois doit être régulée, poursuit le président du département. Mais il faut aussi faire en sorte que les touristes aillent visiter d’autres lieux qui ont moins de notoriété mais méritent tout autant d’être visités. La Gironde est souvent vue de façon réductrice comme étant une terre de vignoble et de littoral, alors qu’il y a beaucoup plus de richesses que cela à découvrir. »

En attendant, « ces nouveaux aménagements doivent garantir que la fréquentation soit respectueuse de l’environnement, et permettre un travail de sensibilisation. Il faut prendre conscience que l’espace autour de nous est fragile, il a été incendié l’an dernier, et nécessite d’être respecté. »

« On passe quasiment directement de la ville à un site de grande nature »

L’objectif des travaux était précisément « de mettre davantage en situation le visiteur pour qu’il comprenne qu’il rentre sur un espace naturel protégé, fragile, qu’il faut respecter, explique Maria De Vos. Ce n’est pas forcément évident car la dune du Pilat, ce n’est pas comme un site de montagne que l’on atteint au terme de différentes étapes nous immergeant progressivement dans un site naturel. Là, on passe quasiment directement de la ville à un site de grande nature. »

Pour cela, « quelque 200 nouveaux arbres vont bientôt venir compléter les 4.000 végétaux plantés dans le cadre de la requalification, 4.000 m2 ont été engazonnés, 5.000 m2 de surface minérale existante ont été démolies », énumère Nathalie Le Yondre. « Une attention particulière » a également été portée sur le choix des matériaux du village de cabanes, dont la réhabilitation a été confiée aux architectes Aldebert-Verdier, comme pour le nouveau cheminement piéton « réalisé avec une base de béton coquillier, comprenant 60 m3 de coquilles d’huîtres fournies par le Comité régional de la conchyliculture Arcachon Aquitaine. »


Le cheminement piétonnier a été réalisé avec une base de béton coquillier, comprenant 60 m3 de coquilles d'huîtres.
Le cheminement piétonnier a été réalisé avec une base de béton coquillier, comprenant 60 m3 de coquilles d'huîtres. - Mickaël Bosredon

« Une grande partie du travail réalisé, qui consistait à effacer tout ce qui ne nous semblait pas qualitatif, ne se voit pas, explique de son côté le paysagiste coordinateur des travaux Bertrand Folléa. Les voitures, les bus, les engins de livraison et d’entretien, qui passaient au pied du village de cabanes, ont été renvoyés 100 mètres plus loin, nous avons ainsi pu dégager un espace tampon enherbé qui permet au public de disposer d’un espace de pique-nique à l’ombre. Nous avons aussi créé de nouvelles pistes cyclables et un axe piétonnier. »

« Faire comprendre au visiteur que c’est dans son intérêt de respecter quelques règles »

Pour les automobilistes, il n’y a désormais plus d’autre choix que d’utiliser le parking payant de 750 places, ou le parking-relais de 400 places avec des navettes desservant la dune, aménagé l’été au Parc des Expositions de La Teste. Des réflexions autour de l’aménagement de plusieurs parking-relais disposés autour du bassin seraient déjà engagées. « On peut même aller plus loin et réfléchir à un accueil depuis Bordeaux, proposant un billet de train avec location de vélo à l’arrivée, à La Teste ou Arcachon », imagine Bertrand Folléa.

Cette régulation de la voiture, doit aussi servir à préserver la dune, assure le syndicat mixte, « car il faut éviter que du public traverse des espaces naturels qui ne sont pas réservés au cheminement des piétons », expose Maria De Vos. « Avant que l’espace d’accueil ne soit réhabilité, nous avions beaucoup de stationnements sauvages le long de la route départementale, ce qui générait du cheminement à travers le massif forestier, avec des dégradations du milieu naturel, du dépôt de déchets, et un risque incendie. Aujourd’hui, cela est interdit, mais il va falloir continuer à faire beaucoup de pédagogie, donner des clés de compréhension au visiteur. Il faut lui faire comprendre que c’est dans son intérêt de respecter quelques règles pour continuer à bénéficier de l’accès à ce site. »

Dominique, une touriste venant de Montmorency, trouve justement que « cela manque d’information sur ce point. » « On peut piétiner la dune partout, il faudrait des sentiers en dehors desquels on ne peut pas marcher, fait-elle remarquer. J’ai aussi été choquée par le nombre de parapentistes qui montent et descendent avec leur voile ouverte, traînant sur le sable… »



« Etendre la fréquentation sur la journée »

En attendant de devoir, peut-être, réserver un jour son créneau horaire, « nous essayons d’étendre la fréquentation touristique sur la journée, ajoute Maria De Vos. Il faut faire comprendre qu’en plein mois d’août, on peut découvrir la dune dans de meilleures conditions à 7 heures ou 8 heures du matin. Nous informons par ailleurs en temps réel les visiteurs des conditions d’accès et d’accueil sur le site, et nous les encourageons quand nous atteignons des périodes critiques à venir plus tard dans la journée, voire le lendemain. »

Ce qui est peut-être envisageable pour les régionaux de l’étape (les visiteurs aquitains représentent 30 % de la fréquentation annuelle), un peu moins pour les touristes chinois, américains ou brésiliens…

Vers une labellisation Grand Site de France ?

Avec ces aménagements, la dune du Pilat vise désormais une labellisation Grand Site de France et rejoindrait ainsi d’autres sites de Nouvelle-Aquitaine, comme le marais poitevin, la vallée de la Vézère et l’estuaire de Charente, l’arsenal de Rochefort. Une partie de la dune a été classée par l’Etat dès 1943, classement étendu à plus de 6.800 hectares, incluant la forêt de La Teste, en 1994.