interviewRadio, scanner, gavage… Les soins prodigués aux tortues à la Rochelle

Île de Ré : « On doit parfois réhydrater des tortues marines très faibles », explique la directrice du centre de soins

interviewCe jeudi, seize tortues marines échouées sur les côtes françaises vont être relâchées sur l’Île de Ré. Florence Dell’Amico, directrice du centre de soins à l’aquarium de La Rochelle, nous explique leur parcours
Elsa Provenzano

Propos recueillis par Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Ce jeudi, seize tortues caouannes vont regagner la mer sur l’île de Ré, après plusieurs mois de convalescence au centre d’études et de soins pour les tortues marines, de l’Aquarium de la Rochelle.
  • Le centre recueille les tortues échouées pendant les tempêtes hivernales et une fois requinquées, les relâche avant l’été.
  • Les balises installées sur les individus relâchés permettent de recueillir des données et ont permis de démontrer par exemple que le golfe de Gascogne pouvait être une zone d’alimentation pour les juvéniles.

Ce jeudi, depuis la plage de la Conche des Baleines, sur l’île de Ré, seize tortues marines vont s’élancer mollement sur le sable pour retrouver l’océan, après quelques mois au sein du centre d’études et de soins pour les tortues marines (CESTM) de l’Aquarium de La Rochelle. Sa directrice, Florence Dell’Amico, a répondu aux questions de 20 Minutes sur ce lâcher que pratique le centre depuis trente-cinq ans. Au fil des années, 236 tortues y ont été soignées avant de retrouver leur milieu naturel. Une occasion, en cette journée mondiale des océans, de sensibiliser les scolaires invités sur la plage à la conservation de cette espèce en danger d’extinction.

Cette année, l’effectif de seize tortues marines relâchées est-il un peu exceptionnel ?

Oui c’est le plus important depuis 2001. Les tortues marines expérimentent le large, mais les tempêtes hivernales (Gérard et Fien), qui ont été fortes cette année, les font dévier et elles se retrouvent à devoir supporter des températures trop basses pour leur organisme dans les eaux de l’Atlantique. En dessous de 15 °C, elles se retrouvent dans une sorte de léthargie. Ce sont des individus solitaires, mais elles suivent les mêmes courants, c’est la raison pour laquelle elles sont plusieurs à s’échouer. Ce sont des tortues juvéniles, dont la plupart pèsent entre 700 g et 2 kg.

Comment les prenez-vous en charge ?

Quand elles arrivent, elles sont souvent en hypothermie ou dénutries. On les soumet à plusieurs examens pour déterminer leur état de santé et déterminer un protocole adapté. Un traitement peut être préconisé par le vétérinaire rattaché à notre centre. On a la possibilité de leur faire passer des radios, scanners et examens ophtalmologiques. Certaines doivent se réhabituer à s’alimenter, et on a parfois recours au gavage pour obtenir une meilleure mobilité du tube digestif. Certaines tortues doivent être réhydratées parce qu’elles sont trop faibles pour avoir pu chasser et s’alimenter. On est dotés de trois aquariums de réhabilitation et on a installé, pour certaines, des sortes de paniers flottants, car, quand elles sont trop faibles, il existe un risque de noyade.

Quels sont les critères qui vous permettent d’évaluer qu’elles sont en état de retourner à la mer ?

Avant le lâcher, on pratique une prise de sang, on regarde aussi la prise de poids et le comportement général. Il faut qu’elles puissent chasser des crabes vivants et effectuer des phases de repos sous l’eau. Et, évidemment, il ne faut plus qu’elles aient de traitement médical depuis un bon moment.

Existe-t-il un risque qu’elles s’habituent à l’homme et soient moins aptes à regagner leur milieu naturel ?

Même pour des tortues marines en captivité depuis vingt ou trente ans, on n’a jamais eu aucun problème de retour à la vie sauvage. On prend néanmoins des précautions en portant des gants et en ne donnant jamais de nourriture de la main au bec.

Qu’a-t-on appris sur le suivi des tortues depuis la pose d’émetteurs sur les individus relâchés, qui a commencé en 2008 ?

On a appris que certaines tortues relâchées restaient dans le Golfe de Gascogne, démontrant que ce peut être une zone d’alimentation pour les juvéniles, ce qu’on ignorait. Certaines d’entre elles se sont échouées de nouveau sur les côtes après avoir pris un peu de poids. Le taux de survie est assez bon après les lâchers, d’après ce que l’on sait. Bien sûr, certains émetteurs se détachent ou se dégradent et une partie des données se perd.