ProcessionPour faire tomber la pluie, ils savent très bien à quel saint se vouer

Sécheresse à Perpignan : Pour faire tomber la pluie, ils savent très bien à quel saint se vouer

ProcessionDans un département durement touché par la sécheresse, une procession va partir de la cathédrale jusqu’au Têt, le fleuve qui traverse Perpignan, pour essayer de faire tomber la pluie. Une première depuis près de 150 ans
Jérôme Diesnis

Jérôme Diesnis

L'essentiel

  • Les Pyrénées-Orientales connaissent une situation hydrique très inquiétante. C’est dans ce département de France que les précipitations ont été les moins importantes depuis six mois : 213 mm en moyenne depuis le 1er septembre.
  • Guillaume Puig, un viticulteur, s’est rendu à la cathédrale pour prier devant les reliques de Saint-Gaudérique, le patron des agriculteurs, et lui demander la pluie. En échangeant avec le premier vicaire, l’idée leur est venue d’organiser une procession à travers la ville.
  • Elle n’avait pas eu lieu depuis cent cinquante ans. « C’est est un acte de foi, d’humilité devant Dieu et pas du tout du folklore, explique l’archiprêtre Benoît De Roeck. Depuis quelques années, on sent bien que l’on reste très vulnérable, alors que l’on pensait maîtriser la vie et ses mystères de notre monde. »

Tout est parti d’un constat à la mi-février. Georges Puig, un viticulteur de Passa, dans les Pyrénées-Orientales, s’est rendu au bord sur les bords de la Têt. Le fleuve prend sa source dans les Pyrénées et se jette à Canet-en-Roussillon, après avoir traversé Perpignan. « Il y avait 20 centimètres d’eau. Les barrages sont à sec et ne pourront remplir les canaux d’irrigation. C’est la preuve fois que je vois ça en plein hiver. Et c’est extrêmement inquiétant ».

C’est dans ce département de France que les précipitations ont été les moins importantes depuis six mois : 213 mm en moyenne depuis le 1er septembre. Cette sécheresse vient s’ajouter à une situation extrêmement tendue depuis plusieurs années. « Ce phénomène qui a démarré en juin 2022, toujours en cours, est le plus long et le plus intense depuis le démarrage des suivis de l’humidité des sols par Météo-France en 1959 », précise la préfecture.

Une situation pas loin d’être catastrophique

Les restrictions ont commencé à tomber. Le tribunal administratif a décidé de limiter drastiquement les prélèvements dans la Têt, mettant en péril les activités agricoles. A Elne, le maire a interdit la construction des piscines. Et le préfet, partout dans les Pyrénées-Orientales, leurs remplissages pour les particuliers, mais aussi l’arrosage des pelouses. Une situation inédite en plein hiver.

Alors, Guillaume Puig sait bien à quel saint se vouer. « Il va falloir sortir les reliques de Saint-Gaudérique (Saint-Galdric en catalan), c’est une expression que l’on utilise souvent, un peu comme boutade. Mais c’est peut-être le moment de les ressortir », reprend ce viticulteur, fils lui-même de viticulteurs depuis dix-neuf générations. « Sans être une grenouille de bénitier, je crois dans la force de la prière. D’ailleurs, je suis d’abord allé prier devant le retable de Saint-Gaudérique, dans la cathédrale de Perpignan, après en avoir discuté avec une personne de confession musulmane. Il m’a expliqué qu’il n’était pas rare qu’ils prient pour que tombe la pluie, ça m’a décidé ».

La statue immergée dans la Têt

Dans la cathédrale, Georges Puig s’est retrouvé à genoux devant le reliquaire aux côtés du premier vicaire, l’abbé Lefebvre. De leurs échanges est née l’idée d’une procession à travers la ville, depuis la cathédrale jusqu’au Têt. La pratique remonte au XIe siècle, à l’époque entre Saint-Martin du Canigou, jusqu’à Perpignan. Mais elle s’est arrêtée en 1781, et n’a eu lieu que très sporadiquement depuis. Ce samedi, reliques et statue du patron des agriculteurs vont donc traverser Perpignan pour la première fois depuis cent cinquante ans, avant d’être immergées dans la Têt. Georges Puig sera l’un des quatre porteurs. A son appel pour trouver les trois autres, « dix fois plus de personnes se sont proposées. Je ne m’attendais vraiment pas à ça. ».

« J’ai été très touché par cette démarche qui n’est absolument pas folklorique. Mais pas très surpris en même temps, explique Benoît De Roeck, l’archiprêtre de la cathédrale Saint Jean-Baptiste. Depuis quelques années, alors que l’on pensait maîtriser la vie et les mystères de notre monde, on sent bien que l’on reste très vulnérable. Des choses nous dépassent encore et nous montrent que l’on est toujours fragile, que ce soit d’un point de vue climatique, médial, social… Cette vulnérabilité nous rappelle l’humilité à avoir et que nous ne sommes pas tout-puissants. Cette procession est un acte de foi, d’humilité, de pénitence. On se place devant Dieu pour obtenir ce qui l’est difficilement à vue humaine ». Elle s’élancera de la cathédrale à 14h30.