Sur cette île bretonne, on boit l’eau de mer (mais elle est très chère)

Sécheresse : Sur cette île bretonne, on boit l’eau de mer (mais elle est très chère)

Robinet saléL’île de Sein n’étant pas raccordée au continent, elle a dû investir dans un système de dessalinisation pour fournir de l’eau potable
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Partout en France, la sécheresse et l’absence de pluies efficaces inquiète, notamment pour la production d’eau potable.
  • Sur l’île de Sein, on ne risque pas de manquer d’eau. Pour abreuver ses habitants, l’île pompe l’eau de mer et la transforme.
  • Un système ingénieux qui offre une indépendance à l’île, mais qui lui coûte très cher, comme à ses habitants qui paient quatre fois le prix du continent.

A notre connaissance, c’est un cas unique en France. Nichée à quelques kilomètres de la célèbre pointe du Raz, l’île de Sein semble être la seule à boire de l’eau de mer dans l’Hexagone. Sur ce caillou du Finistère Sud, on compte entre 120 et 150 habitants l’hiver. Un chiffre qui grimpe à un millier pendant la saison estivale où quelques touristes prennent le bateau pour souffler dans les embruns de l’Atlantique. Ici comme dans tout le pays, on s’inquiète des conséquences des faibles précipitations de ce début d’année. D’après Météo-France, le pays n’a pas connu de véritable pluie pendant trente-deux jours, soit la plus longue sécheresse météorologique jamais enregistrée. Des données qui font craindre une rupture de l’approvisionnement en eau potable dans certaines régions. Mais pas à Sein, où le réservoir disponible est immense. Le problème, c’est qu’il est aussi salé que la facture des contribuables qui s’y approvisionnent. Bienvenue au pays de l’eau de mer.

L’île ne peut pas pomper pendant les tempêtes

Avant d’arriver au robinet des Sénans, l’eau de l’Atlantique doit évidemment être traitée. Pour cela, l’île dispose de deux osmoseurs, arrivés il y a une vingtaine d'années. Avant cela, c'était un bouilleur qui était utilisé. Mis au point par la société SLCE, les osmoseurs équipent normalement les bateaux de la marine nationale afin de désaliniser l’eau de mer à bord. « On en a deux. Le plus gros peut traiter jusqu’à 140 m³ d’eau par jour, le plus petit vient en appoint et peut traiter 30 m³ », explique le maire Didier Fouquet. Largement suffisant pour subvenir aux besoins des habitants, même en été, mais il ne faut pas oublier de remplir les réserves. Régulièrement confrontée à des tempêtes, l’île ne peut pas pomper par tous les temps et doit parfois couper les vannes. « Mais on n’a jamais été privés d’eau », assure le maire. En janvier, une panne avait perturbé l’approvisionnement et la municipalité avait distribué de l’eau en bouteille.


Qui est le saboteur d'eau potable de Sein ?

Sur l’île, « tout le monde est conscient de la rareté de l’eau » commente la patronne d’un restaurant. Ici, la quasi-totalité des maisons sont équipées de récupérateurs d’eau de pluie et le gaspillage n’a pas sa place. Une étrange affaire de saboteur qui « s’amuserait » à gaspiller l’eau potable agite d’ailleurs l’île depuis quelques mois. La municipalité a porté plainte, espérant mettre un terme à ce gaspillage régulier. Car à Sein, l’eau est un bien précieux. Et surtout un bien très coûteux. « Les gens pensent toujours que l’eau de mer est gratuite et que ça ne nous coûte pas cher. Mais c’est tout l’inverse ! », assure le maire. Malgré les efforts financiers de la municipalité, le mètre cube d’eau potable est facturé 7,55 euros, soit quatre fois plus que sur le continent, où il coûte en moyenne 2 euros les 1.000 litres. « Les produits que l’on utilise pour traiter l’eau nous coûtent très cher, comme le remplacement du matériel qui s’abîme avec le temps ».


Ce coût faramineux explique aussi pourquoi l’île de Sein est l’un des rares territoires à ne pas être intégré dans une communauté de communes. « Personne ne veut de nous », s’amuse le maire. Impossible non plus de tuyauter le fond de l’océan sur 26 kilomètres. La tentative réalisée par le passé avec des câbles téléphoniques n’avait pas résisté aux assauts de la houle.

Elle a quel goût l’eau sans sel ?

Et cette eau désalinisée, elle a quel goût ? « Le même que sur le continent », assure le maire. Joint par téléphone, un couple de l’île est plus réservé. « Le sel, on ne le ressent pas. Mais parfois, elle a une couleur de rouille, elle a un petit goût différent », expliquent cet homme et cette femme qui préfèrent rester anonymes. Ces derniers ont même remarqué un phénomène étrange. A Sein, un ballon d’eau chaude ne tiendrait que deux ou trois ans, là où il peut vivre jusqu’à quinze ans sur le continent. « A Sein, tout ce qui est métallique ne tient pas très longtemps », tempère le maire Didier Fouquet, qui n’avait jamais eu vent de ce désagrément. L’océan est généreux mais ne fait pas de cadeaux.