J’ai sorti la grande voileLe Français Neoline lance la construction de son cargo à voiles

Transport de marchandises : La société nantaise Neoline lance la construction de son cargo à voiles

J’ai sorti la grande voileTrès attendu, le navire de marchandises français, qui sera principalement construit en Turquie, sera livré mi-2025
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • La société nantaise Neoline lance la construction de son premier navire de marchandises propulsé principalement par des voiles.
  • Le bateau effectuera des allers-retours entre la France, le Canada et les Etats-Unis.
  • Renault, Michelin, Manitou ou Longchamp comptent parmi les clients.

«C’est un moment d’accomplissement extrêmement important pour nous. » Après avoir développé le projet pendant onze ans, et avoir connu de grandes difficultés à boucler le financement, la société nantaise Neoline a officialisé ce mercredi le lancement de la construction de son premier cargo à voiles. Résolument innovant, ce navire long de 136 m sera « principalement propulsé par le vent », ce qui lui permettra de « réduire de 80 à 90 % » sa consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre par rapport à un cargo de taille comparable.

Avec une ambition : « proposer des services de transport décarbonés, industriels et compétitifs ». « Le projet, au départ, ne rentrait pas dans les cases du transport maritime. Mais beaucoup ont adhéré à cette vision d’un futur responsable et désirable », se réjouit Jean Zanuttini, président de Neoline.

De gros clients déjà trouvés

D’une capacité de 265 conteneurs (EVP), le bateau assurera 12 rotations par an entre Saint-Nazaire, Saint-Pierre-et-Miquelon, Halifax (Canada) et Baltimore (Etats-Unis). Sa livraison est annoncée pour mi-2025, mais ses principaux clients sont déjà connus : Renault (automobile), Manitou (engins de manutention), Bénéteau (voiliers), Michelin (pneus), Jas Hennesy (Cognac), Rémy Cointreau (alcool), Longchamp (maroquinerie) ou Clarins (cosmétique). « Nos engagements avec les chargeurs nous garantissent, pour l’instant, de remplir le navire à 80 % de sa capacité à l’aller. Le retour est plus compliqué car il y a un déséquilibre des flux entre la France et les Etats-Unis. Mais nous avons deux ans pour développer la rentabilité », précise Jean Zanuttini.


Les hauts mâts du cargo à voiles Néoline seront rabattables pour passer sous les ponts.
Les hauts mâts du cargo à voiles Néoline seront rabattables pour passer sous les ponts. - Mauric/Neoline

Le cargo de Neoline sera principalement construit par le chantier naval turc RMK Marine, depuis son site de Tuzla, près d’Istanbul. Les mâts et les deux voiles géantes en fibre de carbone seront toutefois réalisés par les Chantiers de l’Atlantique, selon le modèle « Solid sail » développé par le constructeur nazairien, notamment pour deux paquebots à voiles commandés pour 2026 et 2027. Les mâts seront rabattables « afin de pouvoir passer sous les ponts ». « Nous croyons vraiment qu’il y a un avenir pour la propulsion vélique des navires de charge », insiste Laurent Castaing, directeur des Chantiers. Le groupement industriel français Neopolia, avec qui une lettre d’intention de commande avait été signée en 2021, ne fait plus partie du projet.

L’enjeu de la ponctualité malgré les aléas du vent

La traversée transatlantique Saint-Nazaire-Baltimore est annoncée en treize jours, même en cas de déficit de vent. « La ponctualité est essentielle dans notre activité, affirme Jean Zanuttini. La nôtre sera au moins équivalente à celle des navires classiques. Nous disposons de technologies modernes pour aller chercher du vent. Et si on ne le trouve pas, nous avons le joker du moteur, à une vitesse supérieure (16 nœuds contre 11 nœuds en moyenne avec les voiles). »

Le premier bateau de Neoline coûte 60 millions d’euros environ. Les compagnies CMA-CGM et Corsica ferries comptent parmi les principaux investisseurs, de même que Ademe investissement. La construction d’au moins deux cargos supplémentaires est déjà étudiée, ainsi qu’une traversée future vers les Caraïbes.



Neoline n’est pas le seul à parier sur le retour du transport de marchandises à la voile. Les Morlaisiens de Grain de Sail ont déjà mis à l’eau un voilier-cargo moderne, beaucoup plus petit, et bouclé trois transatlantiques. Un autre projet, plus modeste que Neoline lui aussi, est porté par une autre société bretonne, la Transocéanic Wind Transport (Towt), avec un objectif de livraison fin 2023.