Morbihan : Pour protéger la dune remarquable, l’État a dû abattre des centaines d’arbres
Tronçonneuse•À Quiberon, les équipes de l’Office national des forêts ont coupé des pins afin de préserver l’une des plus grandes dunes grises d’EuropeCamille Allain
L'essentiel
- A Quiberon, des centaines de pins maritimes ont été abattus par l’Office national des forêts, provoquant la colère de certains habitants.
- Si l’Etat a agi ainsi, c’est pour préserver la dune grise, l’une des plus grandes d’Europe.
- La biodiversité de ce milieu fragile et protégé était menacée par la colonisation des pins.
Dans le sable, les locaux ont vu les traces des pneus des tracteurs. Au sol, des pins découpés, arrachés, comme si une tempête hivernale avait tout dévasté. Face à l’absence de communication, les habitants de Quiberon (Morbihan) n’ont pas vraiment compris pourquoi l’État a décidé de s’en prendre à leurs dunes pourtant protégées. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de colère ont afflué face au paysage de désolation laissé dans les dunes de Plouharnel. « Dune ravagée sur plusieurs hectares ! Il faudra des années pour effacer ces traces d’engins », critique un habitué des lieux. « Un vrai massacre », dénonce un autre. Le sujet s’est même invité à la table du conseil municipal où un élu d’opposition a dénoncé « un carnage » et demandé des explications, comme le rapporte Le Télégramme. Sur la presqu’île sauvage très appréciée des promeneurs et des surfeurs, les locaux ne plaisantent pas avec l’environnement.
« Communiqué trop tard »
Les responsables de cette coupe franche sont pourtant de fins connaisseurs du milieu naturel. Gestionnaire du site, l’Office national de la forêt reconnaît avoir « communiqué trop tard » pour expliquer aux habitants les raisons de cet abattage aussi massif que soudain. « On avait installé quelques panneaux explicatifs sur les parkings mais c’était visiblement trop petit », glisse Mickaël Ouisse. Le chef de projet Environnement à l’ONF est pourtant très pédagogue sur ce sujet qu’il maîtrise bien. « Les arbres que nous avons coupés avaient tous moins de trente ans. Ils avaient colonisé la dune grise et menaçaient la biodiversité si particulière de ce site remarquable », explique-t-il.
Cette « dune grise » est une langue de sable située entre la plage et la forêt. Sur 900 hectares, elle se promène du fort de Penthièvre à la presqu’île de Gâvres, près de Lorient, constituant l’une des plus grandes réserves d’Europe. Balayée par les vents, elle abrite une flore sauvage rare, notamment des petites fleurs qui s’accrochent à ses sols fragiles. C’est d’ailleurs pour lutter contre les effets du vent et pour fixer le sable que des pins maritimes avaient été plantés en masse à cet endroit après la Seconde Guerre mondiale. L’objectif était simple : éviter que le sable de la dune ne vienne recouvrir la route et la voie ferrée qui sillonnent cette étroite bande de terre. « Le problème, c’est que les arbres ont essaimé et qu’ils ont traversé la route pour pousser dans la dune grise. Les aiguilles qui se déposent au sol empêchent les fleurs et le lichen de pousser. Il fallait faire un choix », assume le technicien de l’ONF.
Pour identifier les arbres à abattre, ses services se sont basés sur une photo aérienne datant de 1991. « Tous les arbres qui étaient déjà là, nous les avons laissés », résume Mickaël Ouisse. Tous les autres ont été coupés, soit « plusieurs centaines de pins maritimes ». Les plus petits ne faisaient que quelques centimètres, les plus grands ne mesuraient pas loin de huit mètres de haut. « Les coupeurs de bois ont souvent mauvaise réputation. Ici, c’était essentiel si l’on voulait préserver la dune et éviter que les pins ne colonisent tout ».
Un choix qu’il a fallu expliquer afin de sensibiliser la population et éviter le flot de critiques. Au milieu des commentaires négatifs des locaux, nous en avons trouvé un qui allait à contre-courant et saluait le travail de l’ONF. « La sylviculture est un savoir-faire. Si une essence déséquilibre un milieu il faut la changer ». Même si la nature finit toujours par reprendre ses droits et qu’il faudra sans doute recommencer l’opération dans plusieurs années.
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