MONTAGNEDans les Cévennes, le mont Aigoual vit « une explosion climatique »

Cévennes : Au mont Aigoual, où le mercure flambe, on vit « une explosion climatique »

MONTAGNECette année, le site a collectionné d’inquiétants records de températures
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Le mont Aigoual, dans les Cévennes, à la limite entre les départements du Gard et de la Lozère, est un implacable témoin du changement climatique.
  • La température moyenne, en 2022, était de 8 °C. Un record.
  • Les effets s’observent à l’œil nu : moins de neige, moins de jours de gel.

Le mont Aigoual est un implacable témoin du changement climatique. Ces dernières années, ce sommet qui culmine à 1.565 mètres, entre les départements du Gard et de la Lozère, a collectionné d’inquiétants records météorologiques. En 2022, la température moyenne sur ce mont cévenol a grimpé, pour la première fois depuis le début des relevés, à 8 °C, soit 1 degré de plus que le précédent record, établi en 2020. « La normale actuelle au Mont Aigoual est de 5,7 °C, explique à 20 Minutes Gaétan Heymes, ingénieur prévisionniste à Météo-France. La moyenne de 2022 la dépasse de 2,4 °C. Il y a dix ans, elle était de 5,3 °C, il y a vingt ans, de 4,9 °C et il y a trente ans, de 4,6 °C. »

Et 8 °C, ça n’est qu’une moyenne. Car ces derniers mois, le mercure a parfois atteint des sommets au mont Aigoual. En octobre, la moyenne mensuelle a dépassé les 10 °C, avec 10,6° constaté sur le pic du 1er au 27 octobre. Un record, encore. Quelques jours plus tard, au début du mois novembre, Météo-France s’inquiétait qu’il n’ait pas gelé au mont Aigoual depuis… avril. Là encore, ça n’était jamais arrivé. La faute à un semestre très chaud, avec une moyenne de 14,1 °C entre mai et octobre, soit 3,4 °C au-dessus de la moyenne de 1991 à 2020. « A ce rythme, de l’ordre de + 0,3 °C à + 0,4 °C par décennie, la valeur de 8 °C deviendrait la normale en fin de siècle », poursuit Gaétan Heymes.



« La hausse des températures dépend encore de nos trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre »

« Cependant, le rythme de la hausse des températures à cette échéance dépend encore de nos trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre, note le prévisionniste. Si l’on parvient à réduire globalement la température à +1,5 °C, il est possible que cette valeur de 8 °C reste plus élevée que la normale, pendant tout le XXIe siècle, à l’Aigoual. »

Sur le sommet cévenol, les effets du changement climatique se constatent à l’œil nu. L’enneigement « diminue en épaisseur et en durée », le nombre de jours de gel fond, et les épisodes de chaleurs augmentent en été, indique Gaétan Heymes. Ces bouleversements climatiques, Denis Boissière, le cogérant d’Alti Aigoual, l’unique station de cette montagne cévenole, les observent de près. « Ce n’est plus une évolution climatique, c’est une explosion climatique », déplore-t-il auprès de 20 Minutes.

« On y croit encore »

« Nous avions étudié intensément, avant de reprendre la station, les conditions climatiques, entre 2008 et 2018. On avait tablé sur un réchauffement progressif. Mais, en fait, depuis 2019, nous avons vraiment connu une explosion climatique. » Sur « la partie hivernale, on y croit encore, note-t-il. On ne peut pas croire que ce soit aussi brutal. L’Aigoual doit jouer un rôle de station de proximité, pour le sport, la santé, et l’économie locale. » La station se démène, toutefois, pour se réinventer. Mais, pour l’instant, les projets qui permettraient d’attirer des touristes à toutes les saisons, un parc aqualudique ou un parc d’accrobranche, ont été retoqués par le Parc national des Cévennes.


NOTRE DOSSIER SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

A la station Alti Aigoual, on espère qu’il y ait, d’ici la fin de l’hiver, suffisamment de neige pour sauver la saison. Et se sauver, tout court. « Il nous faudrait un mois et demi de fonctionnement, pour parvenir à nous en sortir », note Denis Boissière. « On y croit ! » Le week-end prochain, la station accueille un trail, avec, déjà, 300 compétiteurs, qui courront « dans des conditions hivernales ». Mais, a priori, pas dans la neige.