Intempéries dans le Nord : Pourquoi ça ne veut rien dire de parler de « mini-tornades » ?
FAKE OFF•Depuis le début des intempéries dans trois départements en France, ce dimanche, de nombreux médias ont caractérisé les violents phénomènes comme des « mini-tornades »Lina Fourneau
L'essentiel
- Dimanche, dans la Somme et le Pas-de-Calais, des tornades ont frappé plusieurs communes et ont été décrits par plusieurs médias comme des « mini-tornades ».
- Mais d’après plusieurs spécialistes chez Météo-France, le terme serait utilisé à tort et aurait tendance à minimiser un phénomène aux lourdes conséquences.
- C’est quoi vraiment une tornade ? 20 Minutes a interrogé plusieurs spécialistes.
Dimanche soir, de nombreuses communes des départements du Pas-de-Calais et de la Somme ont connu de violentes tornades. En début de soirée, plusieurs maisons ont été arrachées de leur toit et les habitants ont dû pour la plupart quitter leurs foyers. Les deux départements étaient placés en vigilance jaune aux orages par Météo-France.
Dans la dépêche envoyée par l’Agence France-Presse (AFP) dans la soirée, on pouvait lire : « Dimanche soir, une « mini-tornade » s’est […] abattue sur Conty, près d’Amiens dans la Somme. Un « phénomène violent » similaire a frappé des dizaines de maisons et arraché des toitures à Bihucourt, dans le Pas-de-Calais ». L’information est ensuite reprise par de nombreux médias - dont 20 Minutes - en reprenant les mots utilisés par l’agence de presse, notamment celui de « mini-tornade ». Un terme qui a fait tiquer plus d’un scientifique sur les réseaux sociaux : ce terme n’aurait aucune valeur scientifique et serait utilisé à tort.
FAKE OFF
Pour décrire les intempéries dans les deux départements des Hauts-de-France, l’AFP a bien utilisé le terme de « mini-tornades ». Son utilisation est alors attribuée à la Préfecture de la Somme, qui réfute son utilisation. « Nous ne l’utilisons pas dans notre communiqué. Le seul terme utilisé est une « forte activité orageuse » », signale-t-on auprès de 20 Minutes. Mais trop tard, le terme est déjà réutilisé par tous les médias. « Des mini-tornades frappent la Somme, « phénomène violent » dans le Pas-de-Calais », titrait Ouest-France. Le Figaro, CNews, l’HuffPost, La Provence ou encore BFMTV également. 20 Minutes n’y a pas échappé non plus. Mais les experts en météorologie peuvent se rassurer : le terme a depuis été banni de notre vocabulaire.
Pour cause, le terme « mini-tornade » n’a aucune définition scientifique. Pourtant, son utilisation est systématique, regrette l’ingénieur à Météo-France et chasseur de tornades Tony Le Bastard, auprès de 20 Minutes. « Nous nous battons pour que ce terme soit banni, car souvent sous ce mot « mini-tornade », trop de choses sont mélangées ». Même constat du côté de Samuel Morin, chercheur auprès du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo-France. « Ce terme ne correspond pas à la description d’un phénomène physique qu’on utilise en météorologie ».
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Outre le risque d’être confondu avec un autre phénomène, les deux spécialistes pointent du doigt la minimisation du problème. « Ça nous donne l’impression que c’est un petit phénomène, que c’est gentil, alors que ça ne l’est pas forcément ». Selon Tony Le Bastard, le terme « mini-tornade » pourrait venir de la comparaison avec les tornades survenues avec les Etats-Unis, où les intensités sont souvent plus fortes. « Sauf que ça reste le même phénomène », exulte le spécialiste. Pour Samuel Morin, le terme utilisé par les médias pourrait provenir d’une certaine confusion entre les tornades et les rafales de vent.
C’est quoi une tornade ?
De manière générale, les tornades se forment à petite échelle et pour une durée de vie très courte. La plupart du temps, elles sont difficiles à prévoir, car sont extrêmement localisées. Mais d’où viennent-elles ? Les tornades sont issues des orages, dits « supercellulaires ». Simplement, l’orage se forme lorsque l’air chaud en bas rencontre l’air froid en haut et face à ce déséquilibre, un mouvement est créé pour transporter l’air chaud du bas vers le haut. « C’est ce qu’on appelle l’instabilité », explique Tony Le Bastard, auquel il ajoute plusieurs autres éléments : l’humidité, mais aussi d’autres facteurs extérieurs pouvant déclencher un orage, comme la présence d’une montagne par exemple.
Mais attention, tous les orages ne deviennent pas des tornades. L’ingénieur poursuit son explication : « Pour créer une tornade, il faut un élément supplémentaire pour devenir supercellulaire. Il faut des vents qui varient en fonction de l’altitude qui vont entraîner une rotation de la colonne ascendante de l’orage, appelé le mésocyclone. Avec l’accélération de la rotation près du sol, la tornade va se former ». Encore plus simplement, on peut les décrire comme le fait Samuel Morin comme « un phénomène tourbillonnaire en lien avec un orage ».
Par ailleurs, les conséquences des tornades peuvent être très lourdes, alertent les deux spécialistes. Pour connaître leur gravité, l’échelle de Fujita permet de les classer selon les dégâts causés, à travers six catégories (de 0 à 5). Lors des tornades survenues dans le Nord, ce dimanche, le degré serait entre 2 et 3. Une échelle bien plus élevée que la moyenne en France, souvent située en 0 et 1, explique l’ingénieur Tony Le Bastard. Et Samuel Morin de conclure : « Il y a déjà toute une gradation, une échelle qui caractérise la gravité d’une tornade. Il n’y a pas besoin d’inventer un mot supplémentaire pour décrire le phénomène ».
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